Il y a 40 ans, six cyclones dévastaient Tahiti et les Tuamotu

Temple Tautira Après Veena, seuls les murs du temple de Tautira sont encore debouts. (Photo : Michel Anglade/Archives LDT)
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Les cyclones tropicaux ou dépressions Lisa (10-15 décembre 1982), Nano (23-27 janvier 1983), Orama (2-28 février), Reva (8-17 mars), Veena (9-14 avril) et enfin William (19-22 avril) ont marqué la Polynésie française par leur concentration et leur intensité.

La saison chaude 1982-1983 a été, depuis les terribles cyclones de 1878 (117 morts aux Tuamotu), 1905 et 1906 (plus de 150 morts aux Tuamotu), la plus intense jamais vécue. Une saison cyclonique gravée dans les mémoires qui a provoqué des dégâts estimés à l’époque à près de 11 milliards de francs.

Baptisée dépression tropicale, Lisa déferle sur le centre de la Polynésie le 11 décembre 1982. Sa trajectoire lente traverse les îles de la Société, et les Raromatai sont frappées de plein fouet. Elle laisse deux morts, des blessés, des dizaines de sans-abris et des centaines de sinistrés “découragés qui recensent ce qui leur reste de leurs maisons dévastées” explique Philippe Mazellier dans “Tahiti Autonome”.

Lisa disparue, la menace cyclonique demeure au début de 1983, alors que la pluie tombe sans cesse aux Marquises depuis deux mois. Taioahe à Nuku Hiva, Atuona à Hiva Oa, Hakahau à Ua Pou sont coupées des autres vallées. Le cyclone Nano naît dans la nuit du 22 au 23 janvier et entame une lente marche (15 km/h) vers les Tuamotu de l’Est. Puka Puka est touché en premier, puis Hao où la population se réfugie sur la base militaire. La Marine nationale paie d’un mort ses missions d’assistance : un hydrographe de 29 ans est assommé lorsqu’une baleinière se retourne sur le récif de Napuka (900 personnels militaires participent aux opérations).

Lisa a frappé Tahiti, Moorea, Huahine, Raiatea, Bora Bora… Partout des toitures arrachées, des maisons inondées, des arbres abattus… (Photo Ph.Mazellier/Archives LDT)

Reva, un « super-cyclone »

Le 21 février, c’est au tour d’Orama de frapper de plein fouet le fenua avec une trajectoire erratique. Venu du Nord-Ouest, Orama passe sur Rangiroa, Manihi, Aratika, Makemo, Raroia puis revient sur Takaroa, Kaukura, Apataki, Arutua… Anaa a particulièrement souffert ; il ne reste plus rien du village que l’église endommagée. Les premières évaluations évoquent plus d’un milliard de francs de dégâts.

D’abord dépression tropicale, Reva se transforme en cyclone le 8 mars à l’approche de Rangiroa et avance très lentement. La houle cyclonique accuse des creux de 8 à 10 mètres ! Finalement qualifié de super-cyclone, Reva détruit l’atoll de Mataiva à 100%, sans faire de victime, puis se dirige vers les îles Sous-le-Vent. Huahine est la première cible, puis Raiatea, Tahaa, Bora Bora, Tupai… Des navires militaires évacuent les trois atolls de Bellinghausen, Scilly et Mopelia. Le capitaine du Taporo III décide malgré tout de poursuivre sa route vers Tahiti. Lorsqu’il entre dans la zone critique, il donne l’ordre de faire descendre à l’intérieur les cinq passagers restés sur le pont supérieur. Trois décident d’y rester et sont emportés par une vague gigantesque, sous des rafales de 150 km/h. Le capitaine sera jugé par le tribunal correctionnel, car il aurait dû se dérouter. A Faaite, une embarcation coule avec deux hommes à bord, une femme et son bébé. Deux hommes se relaient pour sauver l’enfant en nageant jusqu’au récif, mais la maman se noie.

Le 12 mars, Reva effleure Tahiti avant de s’éloigner vers le sud : des dégâts sont relevés à Papeete et surtout à Paea où la rivière en crue à Orofero détruit plus de 50 maisons.

La première dépression tropicale, en décembre 1982, a touché l’archipel de la Société et provoqué la mort de deux personnes aux îles Sous-le-Vent. (Photo Ph.Mazellier/Archives LDT)

Veena dévaste Tahiti et Moorea

Annoncé dès le 8 avril, le cyclone Veena présente des vents de 150 km/h sur 200 km de diamètre, et n’avance qu’à 10 km/h ce qui renforce sa puissance. Le 10 mars, il contourne les Tuamotu par le Nord, rase Tikehau et Mataiva et s’infléchit vers les îles de la Société. Les familles de Tahiti dévalisent les magasins et achètent bougies, mori matai, mori gaz… On colle du scotch sur les vitres, on attache les toits comme l’on peut, lorsqu’on a de la corde. Les 40 rivières de Tahiti sortent de leur lit, emportent la végétation, submergent les fare. A Papeno’o, une partie du pont s’effondre et un pylone de télévision se couche au sol. On relève des rafales à 180 km/h sur la côte Ouest ! A Tautira, le toit du temple est projeté sur une distance de 200 m et termine dans le lagon. Au Yacht Club à Arue, les bateaux fracassent leurs coques les unes contre les autres… Veena est responsable de la mort d’une femme de 30 ans, qui a posé le pied sur une tôle dissimulant un câble électrique encore sous tension. Le mercredi matin, on décompte 3 043 habitations totalement détruites, 3 199 endommagées, et près de 25 000 sinistrés, soit plus du quart de la population. La facture est estimée à plus de 6 milliards de francs.

Le gouvernement central affrète un Boeing 747 avec 122 militaires et 60 tonnes de fret : rations alimentaires, médicaments, bâches, désincarcérateurs… Le secrétaire d’Etat Georges Lemoine lance une opération « Solidarité nationale ».

William, le dernier et le plus éphémère des six cyclones de la saison,  passe le 19 avril à 150 km de Hao. Le gouvernement local annonce alors la création de l’Agence territoriale de la reconstruction (ATR), dirigée par Edouard Fritch. Les élus et maires de l’opposition ne voient pas d’un bon œil cette lourde machine dotée de 10,3 milliards de francs, un “pactole”…

D.G. avec archives de La Dépêche,

« Tahiti Autonome » de Philippe Mazellier,

Météo-France et données du service de l’Equipement.

A Hao, le cyclone Nano a entièrement ravagé le village d’Otepa : le ciné Star n’est plus qu’une carcasse… (Photo Ph.Mazellier/Archives LDT)
Aux Tuamotu, les enfants désorientés après le passage du cyclone Nano. (Photo Ph.Mazellier/Archives LDT)
A Arutua, Kone montre ce qui reste de sa boulangerie : des sacs de farine imprégnés d’eau de mer. (Photo Ph.Mazellier/Archives LDT)
L’hélicoptère de la 12S, embarqué sur le Blavet, est venu porter secours aux Paumotu sinistrés. (Photo Ph.Mazellier/Archives LDT)
Après le passage d’Orama, la population de Arutua commence à se rassembler autour du temple dont la toiture est « ficelée ». (Photo Ph.Mazellier/Archives LDT)
En 1983, les éléments se sont déchaînés contre les îles de la Polynésie française. Même la saison cyclonique 1997-1998 n’a pas atteint une pareille intensité. (Photo Ph.Mazellier/Archives LDT)
A Papenoo, lors du passage de Veena, le pont a perdu l’une de ses portées. Une passerelle provisoire a été jetée par les militaires. (Photo Ph.Mazellier/Archives LDT)
Spectacle de désolation après le passage de Veena sur l’archipel de la Société. (Photo Ph.Mazellier/Archives LDT)
Veena sur l’île de Tahiti : un vrai désastre resté gravé dans les mémoires. (Photo Ph.Mazellier/Archives LDT)