Concurrence : les autorités du Pacifique coopérent, zoom sur la Calédonie

Virginie Elissalde, rapporteur générale de l’Autorité de la concurrence en Nouvelle-Calédonie : "La priorité est de baisser le prix des produits de grande consommation et de favoriser le développement durable, marché très important à ce jour."
Virginie Elissalde, rapporteur générale de l’Autorité de la concurrence en Nouvelle-Calédonie : "La priorité est de baisser le prix des produits de grande consommation et de favoriser le développement durable, marché très important à ce jour." (Photo : Damien Grivois)
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La première édition des “Journées de la Concurrence” s’est déroulée le 23, 24 et 25 janvier à l’hôtel
Hilton, à Faaa, ainsi qu’à la chambre de commerce à Papeete.

Le mardi 24 janvier, les autorités de concurrence du Pacifique (Australie, Fidji, Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande, Polynésie française) et Noah Patrick Kouback, représentant du Forum des îles du Pacifique (FIP), sous la modération de William Kovacic (chercheur à l’Université de George Washington et ancien président de la “Federal Trade Commission”, l’Autorité de concurrence des États-Unis d’Amérique) et de Joel Abraham (président de l’Autorité de concurrence Fijienne), ont procédé à la création du “Pacific Competition Network”, un groupe de coopération entre l’ensemble des autorités du Pacifique.

“La Papouasie Nouvelle-Guinée y sera aussi invitée” précise Johanne Peyre, la présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC). “Cette coopération se concrétisera par des partages d’expérience à intervalle régulier, la mise en place de plans de formation commun ainsi que la tenue d’un évènement annuel, les “Pacific Competition Days” dont la prochaine édition se tiendra en décembre 2023 à Suva, sur l’île de Fidji”. Elle souligne qu’il a été décidé d’associer le Forum des îles du Pacifique à la création de ce réseau des autorités de concurrence du Pacifique : “une demande de reconnaissance par cette organisation régionale sera officiellement transmise dans les prochaines semaines.”

Virginie Elissalde, rapporteur générale de l’Autorité de la concurrence en Nouvelle-Calédonie

“Il est important de ne pas se sentir seul dans la gestion de la concurrence”

Virginie Elissalde (Photo : Damien Grivois)

Depuis combien de temps existe l’Autorité de la concurrence de Nouvelle Calédonie ?

Cela fait 5 ans que l’autorité a été mise en place en Nouvelle Calédonie. Elle a pour mission de surveiller les marchés de manière à assurer un fonctionnement concurrentiel. Il existe d’abord une mission contentieuse : on réalise des enquêtes et on recherche les pratiques anti-concurrentielles. Par exemple, une entreprise en position dominante ne doit pas abuser de sa position pour empêcher de nouvelles entreprises de s’intégrer dans le marché. (…) Elle a aussi une mission consultative, c’est le cas en Nouvelle Calédonie. Le gouvernement, le Congrès ou même l’Autorité peuvent s’auto-saisir sur certains sujets. À ce moment-là, il n’y a pas de sanctions. Simplement, l’autorité donne son avis d’un point de vue concurrentiel.

Y a-t-il une différence notable entre l’Autorité de la concurrence de Polynésie française et celle de Nouvelle-Calédonie ?

Évidemment, je ne suis pas spécialiste de l’économie locale polynésienne. Mais, ça reste les mêmes fonctions, les mêmes buts. En Nouvelle Calédonie, l’autorité dispose de quelques pouvoirs supplémentaires, par exemple les interdictions d’exclusivité d’importation. L’Autorité polynésienne n’a pas ce pouvoir. Néanmoins, elle peut le traiter par le biais d’une entente classique. (…) L’Autorité de la concurrence en Nouvelle-Calédonie bénéficie de toutes les mesures concernant les pratiques restrictives de concurrence. Cela concerne les relations entre entreprises. Nous nous assurons qu’elles soient fondées sur une base loyale.

L’autorité calédonienne a-t-elle été amenée à prendre des sanctions ?

En Nouvelle-Calédonie, l’Autorité a une action contentieuse assez forte. Depuis moins de 3 ans, il y a régulièrement 4 à 5 décisions de contentieux en moyenne. Un exemple concret, cette année il y a eu une décision dans le secteur de la santé. (…) Les exclusivités d’importation sont interdites. Quand on est sur une île et qu’il y a un seul importateur grossiste qui fait venir les marchandises et qui les revend aux systèmes de distribution, ça a un fort impact sur les prix. (…) Dans notre exemple, il y a eu une exclusivité d’importation sur tout ce qui est dispositifs médicaux. La particularité étant que le centre hospitalier de Nouméa était le principal client. Il payait son matériel médical beaucoup plus cher du fait de l’exclusivité d’importation. Nous avons donc appliqué une sanction de 55 millions de francs pour l’importateur.

En ce qui concerne les Journées de la Concurrence, quel est selon vous l’intérêt d’une telle réunion entre les Autorités des différents territoires ?

Vu que nous vivons sur des îles, c’est d’autant plus important pour nous du fait de l’isolement. En droit de la concurrence, que ce soit en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie, il y a un code de commerce local. Il ressemble beaucoup au code de commerce métropolitain. Parfois, il y a des décisions qui sont prises en France, des jurisprudences. On a besoin de se tenir au courant de tout ça. En fait, il est important de ne pas se sentir seul dans la gestion de la concurrence et d’apprendre des autres. Qui a fait quoi ? Comment ont-ils fait ? Est-ce que ça a été positif ? Ça évite de perdre du temps. C’est du partage concret d’expériences qui nous permet de mieux mener nos missions communes.

Y a-t-il des difficultés rencontrées par l’Autorité ?

La difficulté, c’est que le droit de la concurrence n’est pas forcément à la base du fonctionnement local. (…) On essaie de faire comprendre aux gens l’intérêt de la concurrence. En général, elle aide au développement économique et à la diversification. Ce n’est pas qu’une contrainte mais aussi une opportunité d’amélioration… Il faut de la pédagogie et des sanctions. C’est là que ça devient concret. (…) Il faut savoir aussi que la concurrence n’a pas d’effet immédiat. On parle de plusieurs années, car c’est toute une économie qui doit changer.

Quels sont les objectifs actuels de l’Autorité de la concurrence en Nouvelle-Calédonie ?

Chaque année, on définit des objectifs. En Nouvelle-Calédonie, la priorité est de baisser le prix des produits de grande consommation et de favoriser le développement durable, marché très important à ce jour. Ce sont de nouveaux marchés et nous intervenons le plus tôt possible pour éviter les effets d’une sur-domination. On sait qu’il y a des enjeux et il ne faut pas les louper.

Propos recueillis par Manutea Garcia