Saisie de cocaïne à Nuku Hiva en 2017, prison ferme pour des prévenus absents

Aucune tête de réseau, aucun commanditaire n’a été inquiété ni même identifié. Capitaine, mécanicien, matelot, ils sont finalement tous les trois condamnés à des peines en rapport avec la hiérarchie maritime, respectivement 7 ans, 5 ans, et 3 ans de prison ferme.
Aucune tête de réseau, aucun commanditaire n’a été inquiété ni même identifié. Capitaine, mécanicien, matelot, ils sont finalement tous les trois condamnés à des peines en rapport avec la hiérarchie maritime, respectivement 7 ans, 5 ans, et 3 ans de prison ferme. (Photo : Y.P)
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“L’affaire sera jugée à Papeete” avait déclaré le procureur Hervé Leroy le 10 octobre 2017, trois jours après la saisie par les douanes de près de 500 kilos de cocaïne à bord d’un catamaran à Nuku Hiva. Le capitaine hollandais, un mécanicien et un matelot polonais, tous les trois absents, l’ont été, jugés, le 31 janvier plus de 6 ans après les faits.

Samedi 7 octobre 2017, ce n’est pas un contrôle inopiné qui s’effectue baie de Taiohae, mais le résultat d’une enquête mêlant police néerlandaise, française et Eurocorp, un corps d’armée qui rassemble une dizaine de pays européens.

Les forces de l’ordre fouillent le navire. Attirées par une forte odeur de colle, elles trouvent rapidement une première cache derrière un panneau qui semble fraîchement fixé et en sortent plus de 200 pains de cocaïne. Puis dans une autre cabine une seconde, derrière une douche.
Au total 499,96 kilos de cocaïne pure en provenance d’Equateur, du Costa Rica ou du Panama, les trois étapes du bateau avant son arrivée en Polynésie française.

De l’Amérique du Sud à l’Australie

La route est connue, et l’escale polynésienne presque nécessaire pour des cargaisons qui voyagent entre l’Amérique du Sud et l’Australie, où le prix de la cocaïne bat tous les records. À l’époque, d’autres affaires semblent liées au même réseau. Trois semaines plus tard, le 26 octobre 2017 à Nouméa, 500 autres kilos sont saisis, avec là encore un équipage originaire de Pologne et des Pays-Bas.

Pendant l’enquête, tous diront ne pas savoir que la cocaïne se trouvait sur le bateau. Aucun ou presque des mis en cause ne saura donner l’identité d’un commanditaire, pas même le nom de famille de ceux qui les avaient embauchés.

Les différents avocats représentants les prévenus, tous libérés sous contrôle judiciaire après deux ou trois ans de détention préventive, mettent en avant un seul et même argument : ils ne savaient pas pour la drogue à bord du bateau. Le capitaine a été embauché pour amener un navire à Singapour. Le plus jeune voulait découvrir le monde, notamment les Galapagos. Mais convoyer de la drogue, jamais.

La défense insiste, rappelant les faits :“Ni leurs ADN ni leurs empreintes ne se trouvent dans les caches ou sur les pains de cocaïne” dit l’un des avocats. Un autre ajoute qu’il n’y a pas non plus d’aveu, donc pas de preuves constitutives du délit. “On condamne au bénéfice du doute” conclut-il. “Demander 9,4 milliards de francs d’amendes douanières à des Hollandais, on est dans l’imaginaire”

La défense semble presque blasée de devoir répéter que selon elle, jamais cette affaire n’aurait dû être jugée à Tahiti. L’avocat rappelant au passage que la détention provisoire des prévenus avait coûté plus de 20 millions de francs à la collectivité, et alors qu’il est fort probable que les peines prononcées ne soient jamais exécutées. Idem pour l’amende douanière réclamée, se basant sur le prix du marché australien au moment des faits pour calculer la valeur d’une marchandise qui n’était pas destinée à la Polynésie française. La représentante des douanes demande 9,4 milliards de francs.

Aucune tête de réseau, aucun commanditaire n’a été inquiété ni même identifié. Capitaine, mécanicien, matelot, ils sont finalement tous les trois condamnés à des peines en rapport avec la hiérarchie maritime, respectivement 7 ans, 5 ans, et 3 ans de prison ferme.

L’amende douanière est fixée à 100 millions de francs. Le bateau est saisi.

Compte-rendu d’audience : Y.P