Colloque outre-mers : “ce qui n’est pas surveillé est pillé” dit la Marine nationale

L’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine nationale, a abordé la question de la défense de la souveraineté de l’ensemble ultramarin français. "Ce qui n’est pas surveillé un jour est pillé" a-t-il rappelé tout en citant les zones de pillage par la pêche, les trafics de drogue. (Photos : Ph.Binet
L’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine nationale, a abordé la question de la défense de la souveraineté de l’ensemble ultramarin français. "Ce qui n’est pas surveillé un jour est pillé" a-t-il rappelé tout en citant les zones de pillage par la pêche, les trafics de drogue. (Photos : Ph.Binet et archives LDT)
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Jeudi 2 février, à Paris, l’hebdomadaire Le Point a de nouveau réuni un panel de personnalités politiques, d’experts et de responsables de grandes entreprises ou de services, lors du colloque “Les Outre-mer aux avant-postes” qui s’est tenu à la Maison des Océans. La Polynésie française a été évoquée plusieurs fois, notamment par le ministre de l’Intérieur et le ministre délégué aux Outre-mer, entre autres. Selon l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine nationale, “ce qui n’est pas surveillé un jour est pillé” .

Une dizaine de tables rondes ont fait le point sur de nombreux dossiers comme la sécurité, la formation, l’autosuffisance, le tourisme durable, le logement adapté, l’autonomie énergétique ou encore les enjeux stratégiques de défense. Sur les aspects institutionnels et politiques, on retiendra les interventions de Gérard Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, de Jean-François Carenco, ministre délégué aux O.-M, et du professeur Ferdinand Mélin-Soucramanien, interventions qui tombent à point nommé à quelques mois de nos prochaines territoriales.

Quelles énergies durables pour les Outre-mer ? Hydrogène, biomasse, éolien, barrages ? (Photo : Ph.Binet)

En ouverture de séance, Gérald Darmanin a de nouveau justifié l’intégration des Outre-mer dans son ministère de par des similitudes d’interventions avant de faire un point sur l’insécurité et la criminalité en hausse dans tous les territoires. Il note que l’augmentation des régimes totalitaires dans le monde provoque des migrations de longue distance non contrôlées ça et là (Sri-lankais à la Réunion, Syriens en Guyane, etc.). Le ministre se montre également préoccupé par la montée des eaux qui à terme provoquera des migrations de réfugiés climatiques (il cite Ouvéa).

Selon Gérald Darmanin, la modification des institutions n’intéresse pas tant que cela les citoyens. (Photo : Ph.Binet)

Il évoque ensuite les différents types de violences (alcoolisme en Nouvelle-Calédonie, violences intrafamiliales à la Réunion et en Nouvelle-Calédonie, ou le trafic d’ice en Polynésie française), sans compter le lancinant problème de Mayotte et de la Guyane aux frontières poreuses.

Les Outre-mers, “un fort vecteur de cohésion nationale”

On attendait le ministre sur la partie institutionnelle et il a d’emblée séparé ce qu’attend la population ultramarine (plutôt en termes économiques et sociaux) de ce qu’estiment les élus qui, selon lui, n’utilisent pas totalement leurs compétences ou sont à la recherche d’une évolution de statut qui ne passionne pas forcément leurs administrés. (Voir plus en détail notre article du 2 février).

En passant, Gérald Darmanin note que dans l’armée française de nombreux Polynésiens sont engagés, ce qui selon lui démontre un amour immodéré de la France et le souvenir de leurs anciens qui se sont sacrifiés lors des guerres mondiales. Il quittera la salle en déclarant que pour lui, Mayotte est un joyau que la France ne connaît pas ; comprenez un territoire au potentiel touristique considérable mais bridé par l’insécurité.

Selon Jean-François Carenco, l’Etat doit susciter les investissements en assurant la sécurité et les territoires
la formation. (Photo : Philippe Binet)

Quelques heures plus tard, l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine nationale, a abordé la question de la défense de la souveraineté de l’ensemble ultramarin français. “Ce qui n’est pas surveillé un jour est pillé” a-t-il rappelé tout en citant les zones de pillage par la pêche, les trafics de drogue. Mais il a également mentionné le réarmement naval de pays dont le volume est au-delà de leurs besoins, ou encore les incursions de bâtiments iraniens dans les eaux polynésiennes. Par ailleurs, il estime que les Outre-mers sont d’abord un fort vecteur de cohésion nationale et en même temps une vue mondiale à l’Europe. Ce qui justifie, entre autres, les efforts de la nouvelle loi de programmation militaire 2024-2030, et déjà la modernisation d’unités de surveillance, notamment dans le Pacifique.

De notre correspondant Ph. Binet.

Dépopulation aux Antilles

D’autres tables rondes ont évoqué le Pacifique au cours de la journée, notamment sur les aspects ressources énergétiques propres et les plus autonomes possibles, du tourisme responsable et donc protecteur de sites à la fréquentation forcément limitée, du logement vraiment adapté au climat et non pas aux normes hexagonale à tout prix, etc. En clôture de la journée, Jean-François Carenco s’est félicité des mesures prises pour encadrer au mieux l’augmentation des prix en outre-mer avant de s’inquiéter de ce que Martinique et Guadeloupe sont en train de devenir les départements les plus “vieux” de France. La dépopulation inquiète sérieusement (5 000 personnes de moins par an dans chacun). Les jeunes partant, le ministre voudrait les maintenir sur place en incitant les investisseurs à créer des activités suffisamment intéressantes. Sauf qu’il faut rassurer ces derniers en leur garantissant la sécurité et des professionnels dûment formés. De son côté, Pascal de Izaguirre, le patron de Corsair, n’a pas hésité à lancer des unités de formation aux métiers de l’aérien à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe. Le ministre estime donc en l’occurrence que la défiscalisation et aide à l’investissement sont les vrais outils disponibles. Il se veut avant tout vecteur :“l’Etat ne fait rien tout seul !” a-t-il lancé pour conclure.