Gaston Tong Sang : “j’ai amélioré le fonctionnement de l’assemblée”

"J’ai voulu valoriser le rôle des présidents de groupe, qui n’étaient auparavant que les exécutants des ordres d’un chef de parti" explique Gaston Tong Sang, au terme de son premier mandat à la présidence de l'assemblée.
"J’ai voulu valoriser le rôle des présidents de groupe, qui n’étaient auparavant que les exécutants des ordres d’un chef de parti" explique Gaston Tong Sang, au terme de son premier mandat à la présidence de l'assemblée. (Photo : APF)
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“Ce mandat m’a apporté du recul” témoigne le président de l’assemblée de la Polynésie française, Gaston Tong Sang, à l’issue de son premier mandat au “perchoir”. (Photo : Damien Grivois)

La Dépêche de Tahiti : quel bilan dressez-vous de votre mandat à l’assemblée ?

“Un bilan satisfaisant dans la mesure où tous les textes ont été adoptés. D’habitude, on finit les mandats avec une liste de dossiers en instance. Notre assemblée a beaucoup travaillé malgré cette période difficile de la Covid, malgré l’impossibilité parfois pour les représentants d’être présents à Tarahoi. (…) L’institution a été contrôlée dès le début du mandat. Dès réception du rapport d’observations définitives de la chambre territoriale des comptes, j’ai suivi les recommandations qui demandaient de mettre un peu d’ordre dans le fonctionnement de l’institution.
Notamment la répartition des moyens entre les groupes, afin qu’elle soit davantage équitable. Mais aussi la révision du statut des collaborateurs. Nous nous y sommes attelés, avons consulté le tribunal administratif. Le nouveau statut particulier se rapproche du code du travail, en restant des contrats de droit public. Chaque élu est directement responsable du recrutement de ses collaborateurs.”

C’était votre premier mandat au perchoir de l’assemblée. A titre personnel, qu’en retirez-vous ?

“Ca change complètement par rapport à mes anciennes fonctions de président du Pays ou de ministre. Cette expérience m’a beaucoup servi, m’a appris à créer un climat de confiance. Cela permet à mon sens d’éviter les débats purement idéologiques, un scénario dans lequel c’est la population qui souffre au final.
J’ai tout fait pour que les groupes représentés puissent trouver un terrain de dialogue et prennent la dimension de leur rôle. Les visites effectuées à l’Assemblée nationale et au Sénat avec tous les présidents de groupe – y compris Tavini – ont été enrichissantes. Nous nous en sommes inspirés pour améliorer les conditions de travail à Tarahoi.”

De quelle manière ?

“J’ai surtout voulu valoriser le rôle des présidents de groupe, qui n’étaient auparavant que les exécutants des ordres d’un chef de parti. Un chef de groupe peut maintenant s’affirmer et disposer d’une autonomie puisqu’il dispose d’un budget non négligeable de un million de francs par mois.
Ils ont des responsabilités pénales, cela doit leur permettre de s’entourer de personnels qualifiés. Dorénavant, c’est le même forfait financier pour tous les groupes, quelle que soit leur taille. Nous avons aussi profité de la modification de la loi statutaire pour améliorer le fonctionnement de l’APF, redéfinir le statut du personnel, clarifier le rôle des commissions. Nous sommes restés à effectifs et masse salariale constante.”

“Je me félicite qu’il n’y ait plus
de débats qui durent des heures”

“L’assemblée a même cédé plus de 1,2 milliard de francs de son budget pour exprimer sa solidarité lors de la crise Covid, aidé l’institut Malardé, versé une subvention au centre hospitalier… J’ai volontairement réduit le budget de la présidence. Je travaille, avec mes collaborateurs, de manière étroite avec le personnel administratif, le secrétariat général… (…)”

Au début de la crise Covid, la majorité a proposé des textes dans un délai très court, qui ont été adoptés à l’unanimité. Une configuration plutôt inédite ?

“Il y a même eu des séances avec des représentants bloqués pour cause de confinement dans leur archipel, ça a été mon cas aux Raromatai…
La vice-présidente a assuré la présidence des travaux que je suivais par visio-conférence depuis Bora Bora. Heureusement que les élus de Tahiti et Moorea permettaient, à eux-seuls, de faire le quorum et la majorité ! Ca nous a d’ailleurs obligés à revoir le fonctionnement de nos commissions, notamment les délais de convocation.
Maintenant, on peut siéger et voter valablement par visioconférence. Je me félicite qu’il n’y ait plus de débats qui durent des heures, comme l’assemblée en a vécu auparavant. D’ailleurs, ce ne sont pas tellement les partis installés qui monopolisent la parole, mais plutôt les nouveaux partis émergents de l’opposition.”

La prime majoritaire a considérablement réduit l’offre politique, est-ce positif d’un point de vue parlementaire ?

“Oui, l’offre a été appauvrie mais il faut remonter dans le temps. Voulons-nous revivre la période noire 2004-2013, avec ses changements de majorité incessants ? Le Pays ne pouvait pas avancer, il fallait retrouver de la stabilité. C’est grâce à ce mode de scrutin que le Tapura a enchaîné deux mandats et on a vu les dossiers avancer.
Sans majorité stable, comment aurait-on pu voter des taxes impopulaires qui sécurisent les aides sociales versées à la population ? Au Vanuatu, ils ont une vingtaine de formations politiques, le gouvernement peut “sauter” à tout moment, impossible pour lui d’engager des réformes.
Plus de 75% des textes ont été adoptés à l’unanimité, c’est exceptionnel, et cela doit beaucoup à la qualité des projets présentés par la majorité. Il y a moins d’incidents de séance, également…”

Imaginons une nouvelle victoire du Tapura aux territoriales. Etes-vous candidat à votre propre succession à la présidence de l’assemblée ?

“Pour l’instant, je suis candidats aux élections ! Le parti me propose encore de conduire la liste aux îles Sous-le-Vent, et tant que je le peux je le ferai. Pour ce qui est des sièges et de leur répartition, nous avons un chef de parti.
Il reste vrai que ce mandat m’a apporté du recul. Nous avons également beaucoup œuvré pour ouvrir notre assemblée sur l’extérieur, dans le Pacifique et au-delà. L’APF a accueilli les présidents des parlements des îles du Pacifique (PPIP), qui est un peu le pendant du Forum des îles du Pacifique (FIP). Notre autonomie suffit à accéder à un statut de membre à part entière. Comme le siège du Forum est à Fidji, celui du PPIP est à Papeete ! Et puis nous avons inscrit l’APF dans la grande assemblée parlementaire de la francophonie, où nous avons aussi été admis comme membre à part entière.”

A l’instar de l’ancien vice-président Tearii Alpha, votre refus de vous faire vacciner a fragilisé le discours de la majorité dans la crise Covid. Avez-vous mesuré l’incompréhension que cette attitude a pu susciter ?

“Je n’ai jamais entendu de reproches de la part de la population, des administrés de Bora Bora, du grand public. Mais oui, j’en ai entendu dans ma famille politique ! Il faut rappeler que j’ai poussé tout le monde à se faire vacciner. On s’en est expliqués avec le président Fritch au moment où l’affaire prenait des proportions dangereuses pour le parti.
Il fallait avoir du sang froid dans ce dossier. Le texte sur l’obligation vaccinale, que nous avons voté, visait surtout le monde salarié en contact avec le public. Les hommes politiques y ont été assimilés par certains, puisque eux aussi sont en contact avec le public.
Et puis il y avait la question de l’exemplarité. La vaccination a divisé la population. Dans l’histoire, on a un peu oublié le combat mené par les communes. Tearii Alpha tout comme moi avons demandé à nos populations, surtout les plus fragiles, de se faire vacciner.
Le taux de vaccination à Bora Bora est très élevé, nous n’avons eu que 5 morts, dont deux confirmés Covid, sur 12000 habitants. Que je sois le dernier à être vacciné, ça n’est pas trop grave, il faut aussi accepter les cas spécifiques.”

Propos recueillis par Damien Grivois

Assemblée : 853 textes adoptés en 5 ans

Les travaux législatifs 
-83 séances plénières
-18 commissions permanentes
-Près de 500 réunions de commissions législatives
-Près de 500 heures de débat en séance
-853 textes adoptés en 5 ans
-75,38 % des textes adoptés à l’unanimité

Les grandes réformes 
-Refonte du statut des collaborateurs
-Modification du Statut du personnel de l’assemblée
-Sanctuarisation de l’attribution de certains locaux à Taraho’i
-Modification du règlement intérieur de l’assemblée :
-Accélération des procédures législatives
-Visioconférence pour les réunions de commission
-Valorisation du rôle des présidents de groupe
-Modification des conditions de constitution des groupes politiques
-Redéfinition des moyens alloués aux groupes politiques
-Réactivation du dispositif « jeunes cadres polynésiens »

L’assemblée face au COVID 
-Aucune interruption des travaux de l’assemblée durant les confinements successifs.
-Adoption en urgence de certaines mesures économique et sociales.
-Accélération des procédures législatives

  • Près de 1,3 milliards de francs prélevés sur le budget de l’assemblée au profit du budget du Pays.

L’ouverture de l’Assemblée sur le monde 
-Reconduction des conventions de partenariat avec l’Assemblée nationale et le Sénat
-Reconduction des conventions de partenariat avec le Congrès de Nouvelle Calédonie et l’Assemblée territoriale de Wallis et Futuna
-Signature d’une convention de partenariat avec le Parlement du Vanuatu
-Signature d’une entente bilatérale avec la Chambre des Représentants de Nouvelle Zélande
-Création du Groupe des Parlements des Îles du Pacifique et organisation de deux de ses réunions à Papeete
-Adhésion à l’Assemblée parlementaire de la Francophonie et organisation d’une réunion de commission, de deux réunions de réseaux, d’un séminaire et de la réunion du bureau à Papeete.

  • Signature d’une déclaration commune avec l’Assemblée nationale du Gabon en vue de la signature d’une convention de partenariat.

Climat des débats et rôle de l’opposition
-Apaisement des débats et des relations entre élus.
-Mode de fonctionnement transpartisan : tous les groupes politiques sont associés aux réformes, aux groupes de travail, aux missions interparlementaires.
-Attribution de deux présidences de commission aux groupes d’opposition.

Cabinet du président de l’assemblée 
-Diminution de 50 % des dépenses liées au personnel de cabinet du président par rapport à la mandature précédente. (59 millions annuels en 2017 contre 30 millions annuel en 2022).