
Ce jour-là, une jeune mère de famille sort de l’eau après une session de surf. Son mari est parti quelques minutes auparavant, pour amener un ami blessé se faire soigner. Elle est donc seule avec sa fille de 9 ans. Alors qu’elle se rince à la douche face au spot de surf, une voiture arrive en trombe, dérape, s’arrête, le conducteur sort du véhicule et fonce sur elle. Une gifle, un coup-de-poing puis des coups au sol. Après ce déferlement de violence aussi intense que bref l’homme remonte dans la voiture et s’enfuit. Une scène surréaliste, devant témoins, sans la moindre raison apparente. La victime ne connaît pas l’agresseur. Pleine de courage et de force, elle se relève rapidement et réussit à prendre en photo le véhicule et sa plaque d’immatriculation.
Commence alors un long imbroglio de procédure. Une plainte est rapidement déposée. L’agresseur, identifié grâce à la photo de la voiture que la victime publie sur les réseaux sociaux, est interpellé le soir même, puis remis en liberté. Le dossier de plainte se perd ensuite entre la gendarmerie de Arue où a été déposée la plainte, et celle de Paea où réside le prévenu. C’est finalement dix mois plus tard, après des appels incessants de la victime et l’intervention de son avocat, que le dossier de plainte sera reconstitué, et l’auteur de l’agression à nouveau interpellé.
“Si tu m’aimes, va la frapper.”
En matière de violence, le prévenu connaît la chanson. Il vit depuis des années, dit-il, sous l’emprise de sa compagne. Tous les deux déjà condamnés pour violence réciproque, tous les deux déjà emprisonnés, puis libérés avec interdiction de contact qui ne sera jamais respectée.
La compagne est d’ailleurs retournée en cellule depuis. Le couple a aussi perdu la garde de ses deux jeunes enfants, placés en foyer pour les préserver de cette ambiance de violence extrême. Le prévenu a déjà reçu des coups de couteau. Il a aussi eu le nez cassé. C’est cette compagne, dit-il la voix remplie de sanglots, qui après une nouvelle bagarre, lui demande ce jour-là d’aller frapper la jeune femme qu’il vient de regarder, pour lui prouver son amour. La victime elle-même décrit un agresseur au visage marqué et ensanglanté lorsqu’il s’en prend à elle.
La victime puis son avocat prennent la parole. Elle insiste sur le préjudice moral. Sa fille de 9 ans a tout vu le jour de l’agression. Depuis, elle ne veut plus dormir seule. Elle a peur pour elle et pour sa mère, fait des cauchemars et est suivie par un psychologue. C’est avant tout pour sa fille qu’elle souhaite réparation.
Elle va même jusqu’à déclarer à propos du prévenu qui semble effondré : “je ne lui en veux pas, mais on a vécu un calvaire”. Maître Dubois rappelle la multiplication de fautes dans le dossier, fautes qui ont selon lui, amplifié le stress et le préjudice moral subi.
Pour le procureur, les témoignages sont accablants, et les photos des marques laissées sur le visage et le corps de la victime éloquentes. Il demande 12 mois de prison, le maintien en détention, et la révocation du sursis probatoire prononcé à l’encontre du prévenu lors d’une autre condamnation.
“Il était dans un état de dépendance absolue”
L’avocat du prévenu dénonce lui aussi la lenteur de la procédure judiciaire, avec un homme qui depuis les faits “n’est plus la même personne”. En effet, un temps SDF, il a retrouvé du travail comme guide touristique. L’avocat regrette également que l’ex-compagne du prévenu ne soit pas inquiétée dans cette affaire, alors qu’elle est bien, comme le dit son client, la commanditaire de l’agression. Il demande la clémence du tribunal.
Le prévenu est condamné à un an de prison. Le tribunal révoque une partie du sursis probatoire d’une condamnation précédente. Total : deux ans ferme. Le 21 juin, une nouvelle audience déterminera le montant des dommages et intérêts.
Compte-rendu d’audience : Y.P