TRIBUNE – “A Tahiti où l’eau jaillit plus pure que le diamant…” par Simone Grand

"Notre réalité océanienne à l'insularité absolue, exige une rigoureuse gestion de l'espace et de l'eau."
"Notre réalité océanienne à l'insularité absolue, exige une rigoureuse gestion de l'espace et de l'eau." (Photo DG)
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“Comme il est étrange d’entendre et voir aux infos télévisées la manière dont nous sont présentés les coûts faramineux de la santé !
Au navrant spectacle de malades en panne de carnet rouge suit la colère d’usagers quotidiennement piégés sur l’unique route de Tahiti ! Route qui n’a cessé d’être hissée au-dessus des propriétés qui la surplombaient. Tant ça a puisé sans compter : sables, graviers et rochers en rivières légalement saccagées ! Sans aucun souci de la perte écologique, culturelle et de bien-être, d’équibre physique, psychique, mental, individuel, familial et social engendrée par la destruction délibérée de nos rivières !

Aucune tête décideuse ne semble avoir été effleurée par l’idée d’une quelconque relation de cause à effets entre la perte de lieux de ressourcement naturels et gratuits et l’augmentation des maladies du genre : surpoids, obésité, stress, irritabilité et violences diverses.

Aucune amorce de réflexion politique non plus sur la nécessaire réduction des pertes phénoménales de temps, d’énergie et d’argent auxquelles nous sommes contraints dans nos déplacement routiers. La relation évidente de cause à effets avec les coûts de la santé est ignorée.

Quelle paradoxale modernité nous est offerte là par nos élites politiciennes et bureaucratiques !
Les premiers habitants de nos îles avaient élaboré des mythes de commencements du monde où l’Espace était déifié en Atea, déesse issue comme Ta’aroa, de Rumia la coquille primordiale. Sa divine majesté était plus redoutée que celle du dieu suprême.

“L’autrefois belle Punaru’u est aujourd’hui remplacée par un écoulement putride”

Notre réalité océanienne à l’insularité absolue, exige une rigoureuse gestion de l’espace et de l’eau. Divine exigence, garante de vie harmonieuse des vivants dans des milieux restreints.

Les premiers navigateurs européens ont décrit des peuples beaux, en excellente santé, d’une formidable énergie.
Dans l’organisation spatiale type ‘Āi’a, nul ne détenait de propriété foncière absolue. S’y prélevait la précieuse eau, les matériaux pour fare et pirogues, linge ordinaire et de prestige, outils variés, ornements etc. Chacun plantait pour ses besoins et pour participer aux rituels de dons et contre-dons à l’intérieur du ‘Āi’a et avec ses voisins proches ou lointains.

De fiers Européens, anglais puis français, ont méprisé ce modèle pour imposer le leur.
Nous descendons de colonisés et de colonisateurs, formatés pour renier la discipline de pensée insulaire et adopter aveuglément un modèle continental. Y réfléchir devient urgent.

Enfant, j’ai vu les adultes se rengorger de fierté aux propos des capitaines de cargos et paquebots vantant l’exceptionnelle qualité de l’eau des rivières tahitiennes. “Plus pure que le diamant!” Trente jours de navigation ne l’altéraient point.
Une seule fois dans ma longue vie, j’ai vu un diamant rivaliser de beauté avec l’eau de nos rivières… sans l’égaler. C’était hier ! Hélas !
Alors qu’elle avait quasiment disparu sous la caillasse, l’autrefois belle Punaru’u est aujourd’hui remplacée par un écoulement putride ! Par incurie et négligence, des sagouins bien de chez nous l’ont profanée.

La chaîne des responsabilités doit être identifiée et assumée pour que nous levions le deuil de la beauté. Notre santé en est le prix.”

‘Ia maita’i, Simone Taema Grand