CONFERENCE – Vers une meilleure défense des vanilles françaises ?

Tahiti semble être en pointe avec sa loi sur l’organisation de la filière Vanille de Tahiti.
Tahiti semble être en pointe avec sa loi sur l’organisation de la filière Vanille de Tahiti. (Photo : Shutterstock)
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La troisième conférence sur les vanilles françaises, qui s’est tenue à Paris et à Versailles, a marqué à nouveau la volonté pour les producteurs, préparateurs et distributeurs de s’associer afin de protéger légalement l’origine, la qualité et les caractéristiques de cet or brun ultramarin, tout en favorisant une plus forte production.

Fausto Bouchereau, président de Mohea, a réuni ce mardi 21 février, au ministère des Outre-mer, une vingtaine de producteurs venus de La Réunion, Mayotte, Polynésie française et Guadeloupe et d’experts français autour du projet de création d’une association des producteurs des vanilles françaises.

L’accueil par le ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco, n’en a été que plus positif dans la mesure où celui-ci a d’emblée montré son enthousiasme. “Essayons de retrouver l’âge d’or en quantité et en qualité. […] Vous pouvez compter sur mon ministère, les autres ministères – comme celui de l’Agriculture – et autres services” a affirmé en substance le ministre qui a cité l’exemple de la filière banane antillaise. “Faites l’effort d’accepter une structure supérieure pour mieux produire et exporter […] Il n’y a pas de mal à s’enrichir de la vanille. L’objectif, c’est l’excellence ! […] Soyez disruptif ! Osez demander et comptez sur mon soutien”.

A la Réunion, on s’inquiète des changements climatiques dont l’augmentation de la fréquence des cyclones. (Photo : Philippe Binet)

Un bilan était cependant nécessaire avant de poursuivre. Tour à tour, les producteurs ont chacun dressé un bilan exhaustif de l’année. Un point commun : l’évolution du climat qui affecte touts les outre-mer : excès de pluie, cyclones plus puissants ou encore température moyenne en hausse viennent s’ajouter aux aléas de la production en volume, ainsi que la concurrence traditionnelle (Madagascar) ou récente (Indonésie, Inde), sans compter les cultures expérimentales en serre ou hors-sol (Israël, Pays-Bas et même Bretagne).

Seul représentant de la Polynésie française – l’EPIC Vanille n’étant pas venu – Rupe Tuhei-Faahu, de Huahine a insisté sur cette protection nécessaire par l’indication géographique protégée (IGP) ou l’appellation d’origine protégée (AOP) lorsqu’il constate des labels “Tahitian Vanila” sur des gousses indonésiennes !

Jean-François Carenco : “Nous sommes prêts à vous aider, Demandez-le nous une fois l’association créée.” (Photo : Philippe Binet)

Par le biais de tables rondes, les échanges ont permis de conclure à la nécessité d’aller de l’avant et ce, au plus vite, même si l’on a constaté que tous les territoires n’étaient pas au même point quant à la concertation ou l’organisation des filières. Tahiti semble être en pointe avec sa loi sur l’organisation de la filière Vanille de Tahiti et l’engagement du gouvernement sur la mise en place d’une AOP. Pour leur part, l’Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer (ODEADOM) et l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) sont à l’écoute et surtout prêts à donner conseils et aide aux définitions des critères car les dispositifs régissant les appellations d’origine sont à la fois très précis et très contraignants.

Une chose est sûre : la création d’une indication géographique protégée et/ou d’une appellation d’origine protégée ne peut que déboucher sur l’augmentation d’une production de qualité en volume. De même, le fait d’être distingué par une médaille au Concours général agricole est un facteur de demande supplémentaire. Tous les producteurs présents l’ont confirmé. Pour l’heure, la production mondiale qualité gourmet est insuffisante en Polynésie française, alors que la vanille tahitienne est préférée par les grands chefs cuisiniers ou pâtissiers. Raison de plus pour lui redonner une meilleure place grâce une protection et garantie de qualité définies avec précision.

De notre correspondant Ph. Binet

Ils ont dit…

Rupe Tuhei-Faahu (producteur et préparateur de Huahine) 

“Obtenir l’AOP est important pour nous car d’autres pays comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée ou la Thaïlande, vendent notre variété sous l’appellation Tahitian Vanila ! Cela crée de la confusion. Il est donc indispensable d’avoir cet AOP car cette vanille est née chez nous.  La démarche AOP doit se faire par les producteurs en association et avec l’aide de l’EPIC vanille qui nous aide côté administratif ; financier et les relations avec Paris. L’idée c’est aussi d’étendre la protection à toute la Polynésie”.

Fausto Bouchereau

“Le but de cette conférence est de créer la Fédération des vanilles françaises qui rassemblerait les producteurs, les préparateurs, les organismes associés, les organismes de recherche et d’analyse, les distributeurs et nous aimerions aussi avoir les grands chefs car ils sont les ambassadeurs qui mettent en valeur nos vanilles. Cela pourrait fédérer 2 500 représentants. Je pense aussi que nous pourrions doubler, voire tripler, le nombre d’emplois dans les dix ans à venir. Ce qu’il faut déjà c’est produire plus de vanille de qualité comme on le fait actuellement. Le ministre nous a rassurés car il est prêt à nous aider financièrement et administrativement à développer cette filière. Son message était clair.”

Thierry Fabian (Inspecteur national à l’INAO) 

“En Polynésie française, l’INAO n’est pas représenté, mais il soutient les démarches polynésiennes via une convention-cadre signée avec le gouvernement polynésien, qui nous lie pour les démarches de qualité, dont la vanille, le monoï et divers autres produits locaux pouvant faire l’objet demandes de reconnaissance IGP ou AOP. 
Ce qui est extraordinaire c’est qu’avec l’IGP ou l’AOP, on a la possibilité de réserver le nom aux produits qui respectent le cahier des charges. Les autres ne pourront plus faire référence, ni même évoquer les termes Tahiti ou Polynésie française. On ne s’engage pas à la légère : la vanille de Tahiti est tellement liée au territoire de la Polynésie française qu’elle en a capté le nom. Ce lien il faut le justifier par diverses conditions (climat, terroir, savoir-faire, etc.) que les professionnels doivent mettre en avant. Nous remettons en question leurs certitudes et les aidons quant à une argumentation suffisamment solide puisque nous sommes dans un régime d’exception”.