Assemblée : majorité et opposition s’accusent d’arrière-pensées électoralistes

Le gouvernement et la majorité Tapura a ont du faire face à un feu nourri de critiques de l'opposition.
Tarahoi, lieu de toutes les ambitions. (Archives LDT)
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Les représentants de l’assemblée se sont réunis ce jeudi 23 février à Tarahoi en séance plénière de la Session extraordinaire. Les élus devaient évoquer et adopter cinq textes, dont les deux principaux venaient modifier le budget du Pays et les comptes d’affectation spéciale pour 2023.

Les autres rapports étaient relatifs à un projet de délibération relative au fonds de transition énergétique, au rapport de performance 2019-2020 et 2020-2021 de la Charte de l’éducation et enfin portant organisation du contrôle des dépenses engagées.

Mais, à moins de deux mois du premier tour des élections territoriales, l’hémicycle s’est transformé, plus que jamais, en “terrain de jeu” pour joutes oratoires pré-électorales.

Les membres du gouvernement et les élus du Tapura ont défendu, comme on pouvait s’y attendre, l’action et les choix de l’exécutif, assurant n’être et n’avoir toujours été guidés que par l’intérêt général, sans l’ombre d’une arrière-pensée.

Tous se sont déclarés “indignés” par les accusations de l’opposition qui, dans un feu nourri et quasi ininterrompu, n’a pas ménagé ce jeudi ses attaques relatives à la TVA sociale, aux Contrats d’aide à l’embauche (CAE), au dimensionnement de la machine administrative, au “manque de moyens affectés au secteur de la santé”, à la prétendue “insincérité” du budget primitif, etc.

Ou même sur l’opportunité d’annoncer, au dernier Conseil des ministres, une baisse des prix à la pompe des carburants. Bref, sur une attitude qualifiée de “Papa Noël” par Teva Rohfritsch qui évoque “la saison des “première pierre” et des évènements à la Présidence”, avant de se déclarer persuadé que “le juge des élections appréciera.”

La Dépêche a choisi de reproduire quelques extraits des interventions des représentants et des ministres. Ces échanges permettent de mieux mesurer l’ambiance – et la fébrilité – qui règne actuellement dans les états-majors politiques à la veille de la plus importante consultation électorale de la vie politique polynésienne. Une séance de l’assemblée finalement prévisible durant laquelle la mise en scène repose sur les mêmes ressorts qu’une pièce de théâtre : chacun y joue son rôle avec application, tantôt celui du vertueux opposant, tantôt celui du responsable indigné par tant d’ingratitude…

Ils et elles ont dit…

Geffry Salmon (ex-Tahoeraa, passé au A here ia Porinetia) : “Cette cuvée 2023 est un collectif d’apothicaires. On y trouve des ajustements budgétaires des plus iconoclastes. C’est un peu Robin des Bois à l’envers : le Pays prend aux pauvres pour donner aux riches”.

Nicole Sanquer (A here ia Porinetia) : “Vous avez fait le choix d’une gestion budgétaire fortement discutable. (…) Il faut montrer “patte rouge” pour avoir un CAE. Vous ne comprenez pas d’où vient cet argent. Pourtant, il vient des taxes, il vient de la poche des Polynésiens.” 

Yvonnick Raffin, ministre de l’Economie et des Finances : “Les 21 milliards que rapporte la TVA, c’est l’équivalent de 2019, il est donc faux d’affirmer que le produit a augmenté. (…) Ce sont des raisonnements à courte vue et à visées politiciennes. C’est notamment le cas pour des personnes qui étaient à ma place auparavant… (…) Sur l’essence, la critique est facile. Il y a une tendance baissière du prix des hydrocarbures et du dollar américain. (…) Certains parlent de 3000 emplois perdus alors que l’on recense 70740 salariés au 31 décembre 2022, et que c’est un chiffre jamais atteint.”

Nicole Bouteau (non-inscrite, Ia Ora Te Nunaa) : “Il y a les besoins pour la santé, pour le Centre hospitalier, pour l’hôpital de Uturoa. Il aura fallu que les personnels entament un mouvement pour que des moyens soient débloqués. Le ministre semble découvrir la situation alors que c’est son absence répétée aux conseils d’administration qui a posé problème.”

Tepuaraurii Teriitahi (président du groupe Tapura) : “A vous écouter, nous aurions dû laisser tomber l’hôpital… Le Centre hospitalier et les établissements de santé sont sous tension, ils ont été fragilisés par les dépenses engendrées par l’épidémie de Covid-19. (…) 2,75 milliards de francs pour le CHPF, c’est exceptionnel, mais nous sommes d’accord pour une vision à plus long terme. Le ministre de la Santé a pris l’attache d’un cabinet spécialisé. La santé n’a pas de prix mais elle a un coût. Par exemple, l’extension du centre d’hémodialyse a coûté 80 millions de francs. (…) L’hôpital réalise 360 millions de francs d’économie grâce au Swac.”

Teva Rohfritsch (non-inscrit, Ia Ora Te Nunaa) : “N’y a-t-il aucune limite à faire campagne sur fonds publics ? Vous avez constitué 21 milliards de francs de réserve en peu de temps. Vous capitalisez sur la hausse des prix (…) Vous achetez pour 3,5 milliards de francs de terrains à Moorea… Votre précédent budget était insincère.”

Luc Faatau (Tapura) : “Beaucoup d’entre vous se réveillent à l’approche des Territoriales ! Dès que la majorité réalise quelque chose, elle est critiqué et accusée d’agir à cause des élections ! Résultat, les commissions pour les CAE sont suspendues jusqu’aux élections : les CAE n’auront pas d’emploi…”

Angelo Frébault (Tavini Huiraatira) : “Deux mois après le budget primitif, c’est de votre responsabilité politique d’assurer des soins de qualité pour la population. Je suis surpris par les propos du ministre des Finances, sa logique est insaisissable. Pourquoi le ministre de la Santé Raynal n’a-t-il pas alerté sur la situation budgétaire du Taaone et de l’hôpital d’Uturoa ? On a la terrible impression que les ministres ne communiquent pas entre eux.”

Virgine Bruant, ministre du Travail : “Depuis janvier il n’y a plus de commissions CAE, l’opposition ne peut pas dire que la majorité utilise les contrats comme levier politique. Nous voulons y introduire davantage de formation. (…) On mise beaucoup sur les aides à l’emploi, pour des emplois perennes. Il y a eu 2500 CAE en 2019, année de référence. Puis 4500 en 2020, 3600 en 2021 et 3000 en 2022, donc c’est plutôt à la baisse. On souhaite le compenser par des dispositifs avec une meilleure employabilité.”

Antony Géros (président du groupe Tavini) : “Nous sommes face à des élus déconnectés des réalités quotidiennes, avec des prévisions de recettes insincères. (…) Il y a eu des décisions et des comportements ubuesques, un aveu sur les mensonges de la période nucléaire, une obligation vaccinale sauf pour les élus… (…) Minarii Galenon a du quitter l’hémicycle car sur le vote des mesures sociales, elle risquait de se retrouver en conflit d’intérêt.”

Tepuaraurii Teriitahi (présidente du groupe Tapura) : “Si le Pays a racheté des terrains, c’est pour garantir des accès à la mer à la population locale. (…) Nous sommes dépendants d’une inflation importée, difficile de lutter contre ça. Mais non, nous ne nous sommes pas endettés. Nous tenons le cap, la Polynésie française est solvable. (…) Si le Pays n’était pas intervenu, le litre d’essence aurait été vendu à 220 ou 230F à la pompe.”

Antonio Perez (Tapura) : “Un ancien ministre des Finances qui se plaint d’un haut niveau de recettes, je dois dire que ça m’étonne et ça m’inquiète ! Les chiffres parlent d’eux-même. Nous sommes dans un cercle vertueux, avec +1500 emplois en 6 mois, et il faut s’en réjouir. C’est de notre devoir de soutenir l’emploi, de notre devoir de soutenir l’hôpital et les personnels de santé, de notre devoir de baisser le prix des carburants si c’est possible.”