Le Pays, “lanceur d’alerte” sur les “méthodes dévastatrices” des DCP dérivants 

Les Dispositifs de concentration de poissons dérivants – autrement dit les DCP qui dérivent jusque dans nos eaux de la zone économique exclusive (ZEE) après leur abandon par les gros thoniers internationaux – entraînent de graves problèmes environnementaux. (Photo : SG/LDT)
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Les Dispositifs de concentration de poissons (DCP), abandonnés par milliers par les thoniers étrangers et qui dérivent dans nos eaux, détruisent notre environnement. C’est le constat du ministre de l’Environnement et de la direction des Ressources marines. Heremoana Maamaatuaiahutapu souhaite mobiliser les pays du Pacifique et faire pression sur les instances internationales pour modifier la réglementation.

Le problème n’est pas nouveau mais il n’est toujours pas réglé. Les Dispositifs de concentration de poissons dérivants – autrement dit les DCP qui dérivent jusque dans nos eaux de la zone économique exclusive (ZEE) après leur abandon par les gros thoniers internationaux – entraînent de graves problèmes environnementaux : déchets synthétiques, électroniques, piles, batteries, bouées satellites, emprisonnement d’espèces protégées, dangerosité pour la navigation, destruction des récifs. Ces DCP posent question également au regard de leur impact potentiel sur les ressources halieutiques disponibles pour les pêcheurs polynésiens dans la mesure où ces dispositifs capturent des poissons juvéniles.

Aujourd’hui, le ministre tape du poing sur la table et souhaite ardemment faire avancer les choses. La Polynésie française se positionne clairement comme un “lanceur d’alerte”, libre de mener ce combat, dans la mesure où elle est l’un des rares pays du Pacifique à ne pas vendre de licences de pêche à des navires étrangers. “Nous nous sentons très seuls” reconnaît le ministre, “les pays du Forum des îles du Pacifique sont d’accord avec nous mais c’est un sujet qu’ils n’osent pas dénoncer.”

Le Pays espère faire pression sur les instances internationales, grâce notamment à des programmes d’études d’impact menés depuis 2019. Ces programmes cherchent à comprendre le comportement de ces DCP dérivants, évaluent leur parcours et leur échouage. Neuf îles des Tuamotu (archipel le plus impacté) ont fait l’objet d’un recensement. Plus de 600 DCP ont été recueillis, des bouées, des panneaux solaires, des batteries ont été récupérés et ont fait l’objet de recyclage. A Rangiroa, des filets de DCP ont été trouvés sur le récif.

Cela donne une idée de l’ampleur du phénomène… nous souhaitons que la Communauté du Pacifique élabore des programmes équivalents, le but est de récolter un maximum d’informations pour dénoncer ces méthodes dévastatrices.”

Par ailleurs, le Pays n’exclut pas d’attaquer ce système par la voie judiciaire. “Que les navires utilisent des DCP dérivants, c’est une chose mais que cela devienne des déchets pour nous, c’est autre chose ; cela a un coût pour la collectivité.” Un coût déjà évalué en partie avec 12 millions de francs dépensés pour le rapatriement de déchets lors d’une campagne. Il est toutefois difficile d’identifier et de déposer des recours contre les bateaux qui prennent soin de désactiver les balises satellites sur leurs DCP laissés à l’abandon.

Le ministre espère que la communauté du Pacifique suivra la trace des pays de l’océan indien. Le 5 février dernier, la Commission thonière de l’océan Indien a adopté, pour la première fois, l’interdiction 72 jours par an des objets connectés ultra sophistiqués qui sont déployés à grande échelle dans l’océan Indien par les flottes de pêche industrielles françaises et espagnoles. L’Union européenne doit encore se prononcer. 

C’est un sujet qui dérange mais nous ne lâcherons pas” conclut le ministre. 

La population peut participer au recensement des DCP dérivants en remplissant un formulaire mis à disposition par le service des Ressources marines.

Qu’est ce qu’un DCP ? 

Les Dispositifs de concentration de poissons (DCP) sont de petits radeaux flottants largement utilisés en dehors de la zone économique exclusive de la Polynésie française par les pêcheries thonières à la senne. Plus de 3 000 DCP seraient déployés chaque année dans la zone tropicale du pacifique occidental et central et 20 000 autres dans le Pacifique Est. 

Ils sont utilisés pour faciliter et accroître les captures de par leur capacité à agréger des bancs de thonidés ensuite encerclés et capturés par les thoniers senneurs. Des petits poissons vont se concentrer sous les DCP pour attirer les gros. Les DCP modernes sont équipés d’une bouée satellite et d’un échosondeur permettant aux pêcheurs de connaître à distance la position et une estimation de la biomasse de thons agrégée sous chaque DCP.

Lorsque ceux-ci dérivent en zones de pêche interdites (notre ZEE), ils sont le plus souvent abandonnés par les pêcheurs qui désactivent la bouée satellite à distance. 

La plupart des Dispositifs de concentration de poissons dérivants (DCPd) échoués et trouvés en Polynésie française viennent du Pacifique Est. En terme de nationalité des bateaux de pêche, la plupart sont de l’Equateur, du Panama, des USA et du Vénézuela. 

La Polynésie française dispose de ses propres DCP fixes. Une soixantaine sont répartis sur les 5 archipels.

Le ministre Heremoana Maamaatuaiahutapu et des représentants du service des Ressources marines ont alerté sur le danger des DCPd. Le Pays se positionne comme le leader de la bonne gestion des ressources marines dans le Pacifique. (Photo : SG/LDT)