Edito – Un procureur « ne devrait pas dire ça » ! par Karim Ahed

"M. Oscar Temaru est un homme moralement et intellectuellement honnête, ce n’est pas un corrompu."...
"M. Oscar Temaru est un homme moralement et intellectuellement honnête, ce n’est pas un corrompu."...
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Le procureur Hervé Leroy a prononcé une phrase plutôt étonnante lors du procès en première
instance d’Oscar Temaru, poursuivi dans l’affaire Radio Tefana le 21 juin 2019. Dans son réquisitoire, il a commencé par brosser un tableau très élogieux du maire de Faa’a, avant de le condamner à payer une amende de 5 millions de francs, sans prononcer de mesure d’inéligibilité à son encontre.
“M. Oscar Temaru est un homme moralement et intellectuellement honnête, ce n’est pas un corrompu.”

Sans doute le magistrat du parquet, en prononçant ces mots, avait-il dans l’esprit d’autres noms ou d’autres exemples d’hommes, ou femmes politiques, habitués des audiences au palais de la justice ? Sans doute avait-il aussi en tête la dernière enquête qui ternit, hélas, la réputation de la Polynésie française, désignée comme étant le territoire le plus corrompu de la République ?

Dans ce contexte, cette phrase a une dimension politique et s’éloigne de la sphère juridique. Nous pouvons dès lors poser raisonnablement la question : est-ce le rôle d’un procureur de la République de dire qui est honnête ou ne l’est pas ? Quelle est sa crédibilité ? La justice n’a-elle pas vocation à se prononcer uniquement sur des question de droit ?

Force est de constater que les avocats de la défense du leader indépendantiste ont exploité cette faille et tiré dès lors à boulets rouges sur le représentant du parquet, présenté comme le seul responsable des mésaventures judiciaires d’Oscar Temaru. Pourtant, tout le monde feint d’oublier qu’il y a eu un financement d’une radio à caractère politique par des deniers publics. Les sommes engagées sont importantes !

La première condamnation, sans inéligibilité prononcée à l’encontre du tavana de Faa’a, peut paraître clémente, eu égard aux sommes engagées. Il faut également rappeler que d’autres leaders politiques ont été condamnés pour des faits similaires.

Pourtant, le procureur, malgré sa “bienveillance” envers Oscar Temaru, n’a pas été épargné par la critique lors du procès en appel. En effet, même si c’est le parquet général qui est en charge de ce procès, Hervé Leroy est demeuré la cible des avocats, avec des propos parfois assez violents.

L’origine de l’acharnement contre le procureur vient peut-être du fait que ce dernier a demandé et obtenu la saisie d’une somme assez importante (11 millions de francs) sur le compte du leader indépendantiste. Une décision vécue comme une véritable humiliation dans le camp bleu ciel. Il est vrai que cette saisie a surpris car elle n’avait pas lieu d’être, d’ailleurs la Cour de cassation l’a annulée !

Le procès qui s’est tenu cette semaine a offert une formidable tribune aux indépendantistes à l’approche d’une échéance électorale importante. Les tenants de la souveraineté ont eu beau jeu de se faire passer pour des victimes de l’état colonial. Puisque le procureur l’a dit, Oscar est honnête ! Pourquoi le juger, alors ?

Toutefois, nous sommes devant une échéance qui doit proposer des choix de société pour la population, les vieux ,les adultes, les jeunes, les femmes, les actifs, les chômeurs… Quelles directions en termes d’éducation, de santé, d’environnement ?

De l’avis général, la campagne tarde à démarrer. Pour l’instant, nous avons la victimisation des indépendantistes et les vieilles recettes des autonomistes…
Rappelons-nous la citation de  A. Gramsci : “le  vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent des monstres”.

Karim Ahed