Droits des femmes – Tubuai a mis ses vahine à l’honneur

A Tubuai, les droits de la femme ont été évoqués durant une opération qui a duré trois jours.
A Tubuai, les droits de la femme ont été évoqués durant une opération qui a duré trois jours.
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Une fois n’est pas coutume, l’île de Tubuai a mis à l’honneur des femmes sur trois jours à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes. Ces journées sont intitulées “la femme et ses valeurs”. Sous la chaleur de ce mercredi 8 mars, sous le chapiteau de la place Taihota, l’évènement a débuté par des chants, une prière puis un discours de présentation des trois journées suivantes. Vaina Tupea rappelle que “les femmes sont fortes physiquement, mentalement et désirent être reconnues par la société. Cependant à l’heure actuelle, n’oublions pas le grand fléau que nous rencontrons, celui de la violence faite aux femmes.” Le 8 mars, la journée s’articule autour de trois ateliers, un pour chaque femme mise à l’honneur.

Te mau vahine no Tuhaa pae…

A l’atelier 1, une jeune femme de 30 ans raconte son parcours pour devenir pasteur. Originaire de Rapa, après ses études effectuées sur Tahiti, elle revient sur son île natale dans les Australes. A ce moment-là, elle se rapproche de la religion et trouve sa vocation. Elle se lance dans 5 années d’étude pour obtenir un diplôme en théologie. Actuellement, elle fait partie des 13 femmes pasteurs en Polynésie française.

A l’atelier 2, Vehi, pompier volontaire est une maman de trois garçons également cheffe d’entreprise accomplie avec sa patente de prothésiste ongulaire. Après ses études au conservatoire, elle enseigne le ‘ori tahiti dans son école de danse sur la Presqu’île de Tahiti jusqu’à 25 ans. Sentant que son corps lui rappelle que cette machine n’est pas éternelle, elle s’oriente alors vers une formation de prothésiste ongulaire. Elle s’installe sur Tubuai en 2014 avec son époux et décide de poursuivre ses deux passions : son métier de professeur de danse etcelui de prothésiste ongulaire. Avide de nouvelles aventures, elle décide de passer le PSE1 (diplôme de secouriste de premier secours en équipe) puis s’engage en tant que pompier volontaire. Véritable atout dans sa caserne, seule représentante de la gent féminine, elle sait trouver les mots lors des interventions auprès des victimes. Soutenue par son mari, elle arrive à s’épanouir professionnellement et familialement.

Les femmes de Tubuai sont animées par le besoin d’aider les autres et de faire évoluer leur île.

Au dernier atelier, ornée d’une couronne de fleurs, comme à son habitude, Dalida se présente en qualité de cheffe d’entreprise dans la location de vélos électriques. Elle a démarré son activité en septembre 2022 après avoir identifié un problème sur l’île : la fermeture de la station de carburant et les complications pour les déplacements, notamment pour les touristes de passage. Après avoir monté son dossier, elle a bénéficié d’aides du Pays pour lancer son entreprise. Elle dispose de six vélos électriques disponibles à la location et travaille avec les pensions de l’île ainsi qu’en se faisant connaître sur les réseaux sociaux. Également présidente du comité du tourisme de Tubuai, elle réfléchit déjà à d’autres projets pour la pérennité de son entreprise. Multitâche, Dalida fait également l’objet d’un portrait sur la journée du vendredi 10 mars.

Le sens du sacrifice

Il y a aussi Francesca, qui s’occupe de son petit-fils handicapé. Organisation et amour sont les maîtres mots de cette femme valeureuse et courageuse. Ne sachant pas parler, son petit-fils communique avec elle grâce à un langage des signes qui s’est mis en place au fil du temps.

Nani, figure locale sur l’île de Tubuai, tient le seul restaurant de l’île ouvert 6 jours sur 7 midi et soir. Après un BTS secrétariat, elle travaille plus de 15 ans sur Tahiti dans une entreprise de travaux publics. En 2015, elle reprend le restaurant de sa tante et contracte un emprunt pour démarrer son affaire. Elle lui permet de faire travailler deux personnes, une en CDI et une en CAE. Elle souligne qu’elle adore son travail même si celui-ci “demande du courage, du temps, des sacrifices”. Heureusement, elle se sent soutenue par sa famille. La restauration sur Tubuai est difficile car elle est dépendante de son approvisionnement par bateau mais est également amenée à commander par fret aérien. Nani s’approvisionne prioritairement sur l’île pour les légumes et exclusivement sur Tubuai pour le poisson. Femme de défis, elle est également un membre actif de plusieurs associations. Selon elle, “l’assiduité et le courage sont la clef de la réussite”.

Makalani vient de créer son école de danse de ‘ori tahiti. Originaire de Tahiti, elle est venue sur Tubuai pour son suivre son mari en poste à la 3ième compagnie de formation professionnelle du Régiment de Service Militaire Adapté. Maman d’un petit garçon, elle a la sensation que sa culture se perd et espère, par la création de cette école, transmettre sa passion. Cet amour de la danse est une transmission familiale, ses sœurs tiennent elles-aussi une école de danse sur Tahiti. Elle informe que le 1er avril, elle organise un Tamure marathon de 17 à 19h sur le thème de la plus belle couronne de tête.

L’envers de la carte postale

Outre son entreprise de vélos électriques, musicienne et chanteuse hors pair, Dalida dispense également des cours de ukulele et de percussions avec son mari Steve. Beaucoup de femmes ne savent pas jouer d’un instrument. Dalida explique qu’autrefois il n’était pas permis aux filles d’apprendre la musique. Les différentes prestations lors du Heiva ou du festival des Australes prouvent que les mentalités évoluent.

Tanepau Vaite Sandrina est une femme de 57 ans. Maman de 6 enfants dont un par alliance, grand-mère de 17 petits-enfants, elle a assisté à une formation à l’assemblée pour aider les femmes battues. C’est l’envers de la carte postale : la Polynésie française n’est pas épargnée par les violences familiales et souvent les femmes en sont les premières victimes. Son atelier a pour but d’aider les femmes battues. Sandrina demande si quelqu’un connait des cas de violence chez des voisins, amis ou connaissances. Une femme prend la parole, son papa frappait sa mère, souvent le week-end car il avait trop bu. Elle a décidé de choisir un mari qui ne fume pas et qui ne boit pas, pour ne pas reproduire le même schéma devant ses enfants.
L’alcool, la drogue, la jalousie peuvent entrainer des cas de violences familiales. Face à ces chiffres, une loi a été voté à l’assemblée territoriale de Polynésie qui prévoit l’emprisonnement.

Toutes ces femmes sont animées par le besoin d’aider les autres et de faire évoluer leur île. Leur désir de sortir de la précarité, participer à l’effort du tane pour faire vivre la famille sont des besoins qui les habitent.

Correspondance : Lucy Labat