Un père alcoolique et violent prend trois mois de prison ferme

Autorisés à s'approcher du prévenu, les deux victimes l'enlacent avant qu'il ne retourne en cellule.
Autorisés à s'approcher du prévenu, les deux victimes l'enlacent avant qu'il ne retourne en cellule. (Photo Y.P)
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L’homme de 48 ans est face au tribunal en comparution immédiate. Incarcéré depuis qu’il a, le 8 mars dernier, levé la main sur sa femme et son fils de quinze ans.

Un autre “responsable” est rapidement visé dans la présentation du dossier faite par le président du tribunal, l’alcool. Déjà en septembre dernier, l’homme est condamné à six mois de prison avec sursis pour un accès de violence. Sa femme ne fera alors pas constater ses blessures mais il est déjà saoul au moment de ces premiers faits.

Le SPIP, Service pénitentiaire d’insertion et de probation qui assure son suivi depuis sa première condamnation, confirme de graves problèmes d’alcool chez le père de famille. Tous les week-ends ou presque, il boit en moyenne une quinzaine d’obus. “Il boit tous les week-ends ?”, demande le président du tribunal. “Quand il y a de l’argent” répond la victime. A la barre, mère et fils sont en larmes. Malgré son allure fragile, le jeune homme prend sa mère par l’épaule, la protège, c’est ce qu’il a tenté de faire le soir des faits.

Alors que les insultes et les cris fusent, il sait que son père va devenir violent, il le connaît. Pourtant chétif, ce soir-là il tente d’agir. Il appelle la police municipale qui vient une fois, puis deux. Le père s’en va alors chez son fils aîné, mais vers 19 heures, toujours saoul, il revient et la dispute reprend.

La femme casse alors les bières ramenées par son époux. C’est ce geste qui déclenche les premiers coups. Des gifles pleuvent, puis l’ivrogne attrape une table en bois et l’utilise pour écraser la mère et son fils contre le frigo. Il attrape ensuite un balai pour tenter de les frapper.

Un moment d’inattention permet au jeune fils de s’enfuir et d’appeler à l’aide. Les gendarmes sont cette fois-ci contactés alors que l’homme tente d’étrangler sa femme, il poursuit ensuite son fils en courant dans le jardin pour le frapper à nouveau. Avant l’arrivée des forces de l’ordre, une cousine voisine tente d’intervenir avec son concubin, sans succès. Le fils aîné arrive sur place, il réussit alors à maîtriser son père avant l’arrivée des gendarmes.

Jamais violent quand il est sobre

A la barre, le prévenu est maladroit. Quand on lui demande pourquoi il agit comme cela, il reconnaît que c’est quand il est saoul, s’excuse en sanglots, mais il pointe tout de même du doigt sa femme. “Elle crie tout le temps” dit-il, “même quand je suis sobre elle crie”. Il indique alors qu’il est prêt à aller habiter ailleurs, et même à divorcer pour que cela cesse.

La victime, elle, est plus tempérée. “Que voulez-vous ?” demande le président du tribunal. “Le calme” répond-elle. Elle l’aime toujours, mais elle demande tout de même une interdiction de contact. Elle va avoir des petits enfants et ne veut pas qu’ils aient cet exemple de vie commune sous les yeux.

L’avocate du jeune fils, la mère n’en a pas, décrit une scène de film d’horreur. Il répète qu’ils ont été écrasés par une table, poursuivi avec un balai, le tout agrémenté de claques données avec des mains énormes. L’avocat demande même au prévenu de montrer ces énormes paluches au tribunal. Mais le conseil du fils ne demande toutefois pas d’incarcération, car l’homme est le seul revenu du foyer. Employé de la TSP depuis seize ans, s’il est incarcéré, ce sera selon l’avocat encore plus de problèmes à venir pour le reste de la famille.

Des arguments qui ne touchent pas le procureur qui annonce tout de suite qu’il y aura forcément des déçus à l’issue de l’audience : “il faut parfois aller plus loin que les demandes des victimes pour les protéger” dit-il, avant de requérir 6 mois de prison avec mandat de dépôt. Un séjour en prison qui permettra, selon lui, au père de réfléchir à ses actes et de vraiment se soigner.

Pendant la suspension de séance avant le délibéré, les gendarmes autorisent femme et enfant à enlacer le prévenu. On distingue des “je t’aime” chuchotés. Le tribunal condamne le prévenu à 6 mois de prison, dont 3 avec sursis. Il doit aussi verser 80 000 F de dommages et intérêts à l’adolescent. Enfin, il a interdiction de se présenter au domicile des victimes à sa sortie.

Compte-rendu d’audience : Y.P