Jeune femme séquestrée à Oremu : les prévenus évitent la prison

Le prévenu a obtenu ce qu'il voulait : retourner en prison... (Photo archives LDT)
Le prévenu a obtenu ce qu'il voulait : retourner en prison... (Photo archives LDT)
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L’affaire remonte au 30 janvier 2022. Vexés d’avoir acheté pour 500 000 F d’acide citrique, alors qu’il pense se procurer de l’ice, six personnes prennent la route d’un appartement du front de mer de Papeete où se trouvent, pensent-ils, leurs dealers chimistes. C’est sur la concubine de l’un d’entre eux qu’ils tombent. La jeune consommatrice de 20 ans est alors emmenée “en balade” puis séquestrée pendant quelques heures à Oremu avant d’être ramenée chez elle. Les deux dealers escrocs et la fine équipe de justiciers ont tous évité la prison ferme ce 14 mars.

Le 29 janvier 2022, Rachel (prénom d’emprunt) fête ses 20 ans. Alcool et ice sont de la partie. Son concubin, à peine plus vieux, mais dealer confirmé, est aussi un spécialiste de l’arnaque. A la place de l’ice, il a déjà vendu du gros sel et plus récemment, de l’acide citrique dont les cristaux ressemblent à s’y méprendre à la méthamphétamine qui ravage le Fenua.

C’est ce qui se passe ce jour-là. Avec un ami, ils vendent deux grammes d’acide citrique pour 500 000 F à des acheteurs d’ice qui mettront quelques heures à se rendre compte de la contrefaçon. Le lendemain, les victimes “montent une équipe” pour se rendre dans un appartement de l’immeuble Moana Reva sur le front de mer de Papeete.

Ils fouillent alors un logement vide et décident de prendre en gage plusieurs biens sur les lieux, notamment du matériel informatique. C’est là que la jeune femme revient et tombe sur les cambrioleurs escroqués. Elle part alors avec eux en voiture pour, après quelques arrêts, se retrouver sur les hauteurs de Faa’a. Sur la route, ses “hôtes” harcèlent le vendeur au téléphone pour récupérer leur argent.

Le “consentement” au cœur des débats

En-dehors du cambriolage, les prévenus ne sont pas jugés pour enlèvement, mais pour séquestration. Tour à tour à la barre, ils assurent que c’est la jeune femme, décrite par certains comme encore sous l’effet de la drogue, qui veut les suivre pour ne pas perdre son ordinateur, “toute sa vie” dit elle.

Deux cousines, dont l’une a financé le deal, sont restées en bas de l’immeuble. Elles voient arriver la jeune femme qui suit les cambrioleurs, puis monte d’elle-même, ouvrant sa portière, dans leur voiture. Ce geste précis est un premier argument pour la défense. Elle est en larmes oui, mais ne semble être forcée de rien.

Le cortège s’arrête ensuite à plusieurs reprises, notamment dans deux magasins très fréquentés. Selon la défense, si elle avait été “séquestrée”, elle aurait pu s’enfuir ou au moins appeler à l’aide, disent les avocats, qui rappellent que jamais les portes du véhicule ne sont fermées. Elle sort même fumer sur le parking d’un commerce d’alimentation.

“On n’enlève pas quelqu’un de son plein gré !”

La défense s’acharne sur la jeune femme. Un avocat estime que les délinquants, ce ne sont pas ses clients. Quasiment aucun n’a de casier, ni de condamnation pour une affaire de drogue. La plupart ne fument pas d’ice, ou alors depuis très peu de temps.

Le dealer de produit ménager, lui, est connu de la justice. Tout comme la jeune femme qui, mineure à l’époque, est interpellée dans une chambre de l’hôtel Sarah Nui fumant de l’ice. “Ce n’est pas une petite victime innocente, c’est une délinquante qui vit avec un trafiquant” conclut sèchement l’avocate. 

La partie civile, puis la procureure, viennent enfin au secours de la toute frêle victime qui, équipée d’un polo à écusson peut facilement passer pour une lycéenne. Ils décrivent la scène durant laquelle, le premier jour de ses 20 ans, elle se retrouve nez à nez avec quatre molosses dans son appartement, puis dans une voiture dans laquelle un homme laisse traîner un sabre à ses pieds.

Ce même homme, au téléphone, menace le vendeur, son concubin. Il lui hurle qu’il doit rembourser s’il veut revoir sa compagne. “Une expédition punitive” et une équipe “montée pour en découdre” dit la procureure. Elle rappelle que c’est uniquement quand la police appelle que la jeune femme est libérée, “elle était donc bien otage”. Elle demande deux ans de prison ferme pour les chefs d’équipe, entre 6 mois et 18 mois de prison avec sursis pour les autres.

Face à plusieurs hommes et femmes venus avec leur linge en prévision d’une incarcération immédiate, le tribunal revient pour un délibéré tardif. Les deux arnaqueurs écopent de dix mois de prison avec sursis probatoire. Les magistrats condamnent à des peines entre 6 et 18 mois avec sursis les braqueurs floués, deux des gros bras et les deux cousines. Et enfin deux ans de prison dont un an ferme pour l’homme au sabre et un des donneurs d’ordre. Des peines de prison ferme qu’ils ont quasiment déjà effectuées en détention provisoire. Aucun ne retourne en cellule. Les prévenus doivent aussi verser solidairement 300 000 F à la victime pour ses frais de justice et son préjudice moral.

Compte-rendu d’audience : YP