Portrait – Marania, jeune femme polynésienne au parcours exemplaire !

Marania, directrice housekeeping d’un luxueux hôtel de Bora Bora a notamment participé en 2022 au prestigieux concours de Meilleur Ouvrier de France (MOF) dans sa catégorie, celle de Gouvernante.
Marania, directrice housekeeping d’un luxueux hôtel de Bora Bora a notamment participé en 2022 au prestigieux concours de Meilleur Ouvrier de France (MOF) dans sa catégorie, celle de Gouvernante. (Photo MM)
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N’attendons pas le 8 mars pour mettre en avant nos vahine. La Dépêche est allée à la rencontre de la souriante et pêchue Marania, directrice housekeeping d’un luxueux hôtel de Bora Bora.
Cette professionnelle de l’hôtellerie, au parcours bien rempli, a notamment participé en 2022 au prestigieux concours de Meilleur Ouvrier de France (MOF) dans sa catégorie, celle de Gouvernante. Découvrez le portrait de cette jeune femme aux multiples facettes et au parcours inspirant. Entretien
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Marania, peux-tu te présenter et expliquer ton parcours ?

Née de parents tahitiens, j’ai grandi à Papara que j’affectionne. En 2011, à l’âge de 12 ans, j’ai été élue “Maire Junior”. Jeune, je me suis sentie très responsable. Avec le conseil municipal junior, nous avons travaillé sur la mise en place du Skate Park communal et cela a demandé beaucoup d’implication personnelle, du travail d’équipe et de la rigueur. Cette parenthèse politique m’a grandement servi tout le long de mon parcours de vie.

“Cette formation au CFPA a marqué ma vie”

Après l’obtention de mon bac littéraire, mes deux années d’anglais en Littérature Langue et Civilisation Étrangère à l’université de Polynésie, je me suis réorientée vers une formation qualifiante au Centre de formation pour adultes (CFPA) de Pirae. Y est née ma passion pour les métiers de l’hôtellerie. Il a tout de même fallu braver les préjugés de certains disant que le CFPA étaient pour ceux qui n’avaient pas vraiment réussi… Mon choix n’a pourtant pas été un hasard, puisque cette formation rémunérée de Technicien d’accueil touristique option Accompagnement dispensée par une coach d’exception, Vaiana Lai Ah Che, me permettait d’être indépendante. Prendre mon envol a été ma plus grande priorité depuis toujours. Vivre ma vie, faire mes propres choix, sans dépendre de personne. Voilà la vie que je veux mener.

Pourquoi avoir choisi ce secteur de l’hôtellerie ?

Cette formation au CFPA a marqué ma vie. Les deux stages au Méridien de Bora Bora et au Hilton de Moorea m’ont fait découvrir que je pouvais voyager sans prendre l’avion, apprendre à parler d’autres langues sans avoir à étudier, partager mon amour de la culture au quotidien. L’hôtellerie, c’est tout cela à la fois. Grâce à ma profession, j’ai pu voyager et travailler dans nos îles : Bora Bora, Huahine, Moorea, Tikehau. Et à l’étranger : Emirats Arabes Unis, Suisse, Londres, Pays-Bas. Désignée formatrice, j’ai aussi été envoyée à Abu Dhabi pour l’ouverture d’un hôtel. Après quelques années d’allers-retours entre la Polynésie et l’ailleurs, me revoilà à Bora Bora. D’abord, une merveilleuse année à l’InterContinental Bora Bora Resort & Thalasso Spa puis actuellement directrice housekeeping au Four Seasons Resort Bora Bora. Un réel accomplissement.

“Prendre mon envol a été ma plus grande priorité depuis toujours” témoigne Marania. (Photo MM)

Tu as, en 2022, participé au concours de MOF dans la catégorie Gouvernante. Qu’est ce qui t’a poussé à participer ?

Le Meilleur Ouvrier de France est un concours prestigieux qui reconnaît l’excellence professionnelle. Je suis tellement passionnée par mon métier que j’ai ce besoin de reconnaissance par mes pairs. Cette envie de me surpasser, d’apprendre et surtout de transmettre, car c’est ça être Meilleur Ouvrier de France. C’est maîtriser l’art de la transmission grâce à de solides compétences. Je me suis inscrite en 2019 puis la Covid a tout chamboulé. Fin 2021, l’association le COET-MOF nous annonce le lancement de la 27eme édition du Meilleur Ouvrier de France section Gouvernante en février-mars 2022.

“Elargissez vos horizons”

Je replonge donc dans les révisions, tous les soirs après le travail, je lis et relis mes fiches sur le métier créées par l’Association des gouvernantes générales de l’hôtellerie (AGGH). Mais la date approche et plus aucune nouvelle. Silence radio pendant des mois. En juillet, je décide d’arrêter les révisions et de me consacrer à mon travail. Mi-septembre, j’apprends que la date du concours est mi-novembre. Très surprise et en panique, je replonge dans les révisions. Tous les soirs, après le travail ou même pendant mes jours de repos, 7 jours sur 7, même rituel jusqu’à minuit. Quand j’étais trop fatiguée pour lire, relire, apprendre, je visionnais des reportages sur les sujets possibles du concours.

Comment se déroule le concours ?

Je suis partie en France 5 jours, au lycée Emilie du Châtelet pour une journée d’épreuves. Nous étions 12 candidats. Trois ateliers devant un jury d’une vingtaine de personnes et un questionnaire à choix multiple (QCM). Je suis sortie satisfaite car les sujets étaient géniaux et excitants. Les résultats tombent un mois après : c’est raté pour cette fois-ci. Il aurait fallu davantage de préparation, moins de stress car il m’a fait perdre mes moyens sur deux épreuves. Le plus difficile pour une personne des îles, malgré une expérience à l’étranger, est qu’elle doit travailler plus dur encore. Car les sujets du concours couvrent des aspects du métier auxquels elle n’est pas confrontée au quotidien comme peuvent l’être certains travaillant dans les palaces parisiens par exemple. Il faut aussi un accompagnement mental, un coach, cela est plus que nécessaire. Pendant la période de révision, je ne suis pas sortie une seule fois de chez moi après le travail, même pour faire les courses. La pression est là, l’envie de réussir trop grande. Mais il ne faut pas baisser les bras. Chaque chose arrive quand elle doit arriver.


Quels sont tes projets futurs ?


Professionnellement, j’aimerai être la première MOF Gouvernante Polynésienne. Le concours arrive tous les deux ans, et je me présenterai une nouvelle fois : prête, mieux entraînée, mieux préparée. J’aimerais un jour ouvrir mon entreprise de formation pour aider à développer une génération de Polynésiens passionnés par leur travail et qui ont envie à leur tour de transmettre leur savoir. Je veux montrer au ta’ata tahiti que nous sommes capables. Il faut simplement se donner les moyens de réussir et cela passe forcément par de l’implication personnelle, du travail d’équipe et de la rigueur. A titre personnel, j’aimerais continuer à écrire et pourquoi pas publier un deuxième livre ? Le premier intitulé “A hio i to moua”, retraçant la vie de mes grands-parents sorti en février 2022, a été un véritable accomplissement familial.

Quel message souhaiterais-tu passer aux jeunes Polynésiens ?

Sortie d’une formation au CFPA de Pirae, qui aurait parié sur moi ? Personne. Si je me retrouve directrice housekeeping, à la tête d’une cinquantaine de personnes, au Four Seasons Resort Bora Bora c’est parce que j’ai travaillé dur. J’ai osé partir de mon île, découvrir le monde mais pour mieux revenir et transmettre. Si vous avez l’occasion de quitter nos îles, faîtes-le, élargissez vos horizons et vous en reviendrez plus grands. Vous êtes l’avenir, soyez fiers d’être Polynésiens et faîtes rayonner les couleurs de notre pays ici comme ailleurs.

Propos recueillis par Sébastien Berson.