18 mois de prison avec sursis pour un planteur de cannabis “thérapeutique”

L'homme explique que le plus gros de son stock, il le donne à une association qui fait la promotion du cannabis thérapeutique : huiles, baumes, mono'i ou encore suppositoires à base de cannabis.
En séance plénière, ce jeudi 1er février, le Cesec a émis un avis favorable aux dispositions relatives au cannabis thérapeutique permettant l’importation de médicaments à base de cannabis et à terme, la production locale officielle et contrôlée de tels médicaments. (Photo Shutterstock)
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Le planteur à la barre est connu des forces de l’ordre. En 2021, une enquête lors de laquelle sont effectuées des écoutes téléphoniques débouche sur une perquisition à son domicile. Les gendarmes découvrent alors 117 pieds de paka et près de cinq kilos d’herbe empaquetés dans son congélateur. Un véritable spécialiste dont les talents sont même vantés par le président du tribunal : “Vous avez l’air plutôt bon là-dedans !”, “Oui, monsieur le président”. En effet, lors de la description des faits, le tribunal présente les différentes variétés trouvées chez le “doctor green”. Les sachets sont répertoriés, rangés par taux de THC et étiquetés.

L’homme explique que le plus gros de son stock, il le donne à une association qui fait la promotion du cannabis thérapeutique. Elle est composée de malades et de soignants qui ne se cachent plus depuis longtemps. Ils ont même reçu, il y a deux ans déjà, la visite du député Moetai Brotherson.

L’association et ses membres disent ne pas consommer à usage récréatif. Ils proposent des huiles, des baumes, du mono’i ou encore des suppositoires à base de cannabis. En contrepartie, le prévenu explique recevoir un peu de ces produits finis pour les revendre à son propre compte.

Si parfois dans ce genre d’affaires, on peut s’interroger sur la véracité de l’usage thérapeutique, c’est bien le cas cette fois. Certaines écoutes téléphoniques réalisées confirment que des clients l’appellent pour des médicaments, notamment des suppositoires dont l’usage, avouons-le, est assez rarement récréatif.

Sincère et sans retenue, le jovial planteur continue son tutoriel, expliquant qu’une fois les pieds à taille adulte, il les emmène en montagne pour la phase finale avant la récolte. Il revient aussi sur les 117 pieds retrouvés lors de la perquisition. “Pas des pieds, mais des boutures”, explique-t-il, avant d’aborder le chapitre du pourcentage de réussite selon la variété, la météo, une master-class…

“Quand bien même, ce soit thérapeutique, c’est interdit !”

Malgré la bonne foi apparente du prévenu, et alors que le procureur semble presque soulagé, en tout cas détendu d’avoir à requérir pour autre chose qu’une affaire de violence (dix dans la même journée) Hervé Leroy, dans cette ambiance potagère, ne prend pas de gants. “Quand bien même, ce soit thérapeutique, c’est interdit !”.

Selon lui, alors que le prévenu dit ne gagner que 10 à 12 000 F par semaine du produit de ses récoltes, le solde bancaire de l’intéressé a nettement baissé après la première saisie, ce qui laisse à penser que les revenus du trafic étaient bien supérieurs. Il rappelle ensuite que la présence du planteur aujourd’hui est due à une nouvelle saisie de cannabis début mars 2023, environ 300 grammes retrouvés, encore, dans son congélateur. Il requiert 18 mois de prison, dont 9 avec sursis.

Pour l’avocate du jardinier. Le terme “trafic” est beaucoup trop péjoratif, car “l’intention n’était pas de gagner de l’argent”. “On demande neuf mois ferme comme pour un trafic d’ice” s’insurge l’avocate.

Elle décrit un père très investi dans son rôle de chef de famille, notamment dans le suivi et l’accompagnement de deux de ses enfants dyslexiques. Elle affirme ne pas comprendre la peine demandée par le procureur pour quelqu’un qui, selon elle, ne fait pas d’argent et veut juste nourrir sa famille.

Le tribunal ne l’envoie pas en prison et le condamne à 18 mois avec sursis probatoire et 117 heures de TIG. Peut-être au service parcs et jardins ?

Compte-rendu d’audience YP