Retraites: regain de mobilisation et de tensions, les syndicats veulent “garder l’opinion”

(Photo : Sameer Al-Doumy / AFP)
Temps de lecture : 3 min.

Dernière minute : Les syndicats français ont appelé jeudi à une dixième journée de grèves et de manifestation mardi, pour protester contre la très contestée réforme des retraites.

Un net regain de mobilisation mais des tensions en hausse: la neuvième journée d’action contre la réforme des retraites n’a pas faibli au lendemain d’une intervention du président de la République qui a hérissé les opposants, les syndicats espérant “garder l’opinion” de leur côté.

Cette journée était la première organisée au niveau national après l’adoption de la loi via l’arme constitutionnelle du 49.3.

Entre 1,089 million de manifestants (Intérieur) et 3,5 millions (CGT) ont défilé dans plus de 300 villes.

Un “regain de mobilisation” salué par le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui avait appelé à la mi-journée “à la non-violence”, afin de “garder l’opinion jusqu’au bout”.

A ses côtés, son homologue de la CGT Philippe Martinez a estimé qu’Emmanuel Macron avait “jeté un bidon d’essence sur le feu” avec son interview, rappelant que les syndicats avaient écrit au chef de l’Etat pour l’alerter sur la “situation explosive” du pays.

A Paris, où la participation a atteint de nouveaux records, à la fois selon la CGT (800.000) et Beauvau (119.000), des violences ont rapidement éclaté en tête de cortège: pavés, bouteilles et feux d’artifice lancés sur les forces de l’ordre, vitrines et abribus brisés et feux de poubelles.

La préfecture de police, qui a recensé “environ un millier” d’éléments radicaux dans la capitale, faisait état de 26 interpellations à 18H00.

A Nantes et Rennes aussi, des heurts ont opposé des manifestants aux forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et de canon à eau. A Lorient (Morbihan), le commissariat a été pris pour cible.

Des tensions plus ou moins fortes étaient également constatées à Toulouse, Lille, Bordeaux ou Dijon.

Incidents aussitôt dénoncés par la droite, à l’instar du président des Républicains Eric Ciotti dénonçant des “nervis (qui) veulent la terreur”.

Selon une source policière, à 19H00, plus d’une centaine de policiers ont été blessés en France, sans compter Paris.

– “Trop d’enjeu” –

A l’inverse, la gauche a souligné l’ampleur de la mobilisation sociale, “la plus grande depuis mai 1968” pour le leader des Insoumis Jean-Luc Mélenchon.

Les chiffres des autorités attestaient d’un net rebond par rapport à la précédente journée de mobilisation, avec 12.400 personnes à Strasbourg, 14.800 à Rouen, et 18.000 à Montpellier. A Marseille, les syndicats ont compté 280.000 personnes et la préfecture 16.000.

Dans les cortèges, la détermination et la colère étaient palpables avec beaucoup de ressentiment vis-à-vis du chef de l’Etat.

A Strasbourg, Nathalie Cholley, aide-soignante de 47 ans, est venue pour “défendre” son avenir mais aussi “protester contre la politique d’Emmanuel Macron et son mépris”. “Je n’aime pas sa manière de parler aux Français, il y a un vrai manque de respect”.

A Brest, Aurélia Vaillant, 44 ans, restauratrice, assure qu’elle “ira jusqu’au bout”. “Il y a trop d’enjeu pour arrêter maintenant”, dit cette femme qui s’est sentie “méprisée” par l’intervention du chef de l’Etat.

Mercredi, Emmanuel Macron n’avait pas dévié de son cap, réaffirmant que sa réforme était “nécessaire”, qualifiant les auteurs de violences de “factieux” et égratignant au passage les syndicats, et particulièrement la CFDT, accusés de ne pas avoir su “propose(r) un compromis”.

“Cibler la CFDT, c’est idiot. Je n’ai jamais renoué le dialogue en mettant une gifle à quelqu’un”, a répondu Laurent Berger jeudi. Pour le patron du premier syndicat français, ces propos ont “sans doute renforcé la détermination pour les manifestations”.

Les autres leaders syndicaux ont dénoncé à l’unisson le “mépris” et le “déni” du chef de l’Etat, arrivé jeudi à Bruxelles pour un conseil européen.

– Monuments fermés –

Pendant ce temps, les grèves entrainaient de nombreuses perturbations, notamment dans les transports. A la SNCF, seule la moitié des TGV Inoui et Ouigo et le tiers des TER circulaient, tandis que la RATP faisait état d’un trafic “très perturbé”.

Quelques dizaines de personnes ont également fait irruption à l’aéroport de Roissy, bloquant durant une heure les accès au terminal 1 avant d’en être délogés dans le calme. Face au risque de pénurie de carburant, le gouvernement a pris un arrêté de réquisition à l’égard des grévistes de la raffinerie TotalEnergies de Normandie.

Des monuments ont également été fermés, dont la Tour Eiffel ou le château de Versailles.

Dans l’Education nationale, le ministère a comptabilisé 23,22% de grévistes dans le primaire et 19,61% dans le secondaire.

L’agitation a gagné aussi une partie de la jeunesse. Le ministère a signalé jeudi après-midi “148 incidents dans les lycées en France” dont 38 blocages. Des universités ont elles aussi été bloquées. Dont la peu révolutionnaire faculté de droit d’Assas.

En amont de cette neuvième journée, une source proche du gouvernement espèrait encore que la mobilisation “s’étiole” après jeudi, et que tout rentre dans l’ordre “ce week-end”.

L’intersyndicale devait se retrouver jeudi soir au siège de la CFDT à Paris pour décider de la suite.

bur-sl-clw-gbh-chl/grd/gvy

© Agence France-Presse