Affaire Banner : “ le président Fritch préfère souffler sur les braises du racisme”

La DTPN à Papeete. (Photo : LDT)
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Les tensions au sein de la Direction territoriale de la police nationale (DTPN) prennent, définitivement, une tournure politique. 

Dés le 3 février, La Dépêche de Tahiti relatait les plaintes de deux femmes officiers, l’une polynésienne et l’autre venant de métropole, déposées en fin d’année dernière, auprès du procureur, contre le chef de la police Mario Banner. Des plaintes pour des faits de menace, de harcèlement moral et de dénonciation calomnieuse. Leur avocat, Maître Millet, soulignait par ailleurs que “plusieurs agents et officiers de police, pour la plupart polynésiens”, reprochaient au directeur territorial de la police nationale, “un management brutal et clanique”.

Alors que l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) arrivait le 30 janvier pour faire le point sur la nouvelle organisation de la DTPN, nous apprenions qu’une enquête administrative était lancée contre deux officiers (dont l’une des deux plaignantes et son mari), leur reprochant des propos racistes. Des propos que les officiers mis en cause nient.

Coup de théâtre

Depuis, deux camps s’affrontent. Ceux qui condamnent le comportement de Mario Banner et ceux qui le défendent. Parmi ces derniers, des anciens combattants, à l’initiative du maire de Maupiti, se sont recueillis le 16 février, au Monument aux morts à Papeete pour dénoncer “les propos indignes” qu’aurait tenu un officier de la DTPN à l’encontre des Polynésiens et des anciens combattants et ont demandé son évincement au haut-commissaire. L’Eglise protestante maohi s’en est mêlée également en lançant une pétition pour soutenir Mario Banner, dénonçant un “complot pour le déloger de son poste”. 

On pourrait penser qu’il n’y a plus qu’à attendre le compte-rendu et les décisions de l’IGPN dans cette affaire délicate où chacun joue sa partition. Mais, coup de théâtre, le président Edouard Fritch lui-même vient d’intervenir à travers un courrier adressé au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. 

“Un mauvais signal”

En résumé, le président indique qu’en “cette période électorale” et, en conséquence de “risque de bataille politique” et de “campagne anti française”, il demande “humblement” au ministre de l’Intérieur “de ne pas sursoir à toute décision de mutation concernant le commissaire Banner avant le règlement de la situation du couple qui divise aujourd’hui la police urbaine de Papeete et démobilise en voie de conséquence les agents de Police.” Dans son courrier, Edouard Fritch prend clairement parti en évoquant un “couple de fonctionnaires de police expatriés qui impriment par leurs propos et par leurs comportements racistes une ambiance délétère”. Il justifie aussi son propos par le fait que “Mario Banner est le seul polynésien directeur d’un service d’Etat en Polynésie” et que si sa mutation était effective, “ce serait un très mauvais signal envoyé à la Polynésie et aux Polynésiens.”

“Je l’appelle au sens des responsabilités”

Ce courrier a surpris en tout premier lieu l’avocat des deux femmes officiers plaignantes. Dans un communiqué, Maître Millet se demande si le commissaire n’est pas protégé. Il rappelle que Mario Banner est visé par une plainte pénale pour des faits de menace et de harcèlement moral déposée par “une brillante commandante polynésienne, cheffe d’état major de la police” (…) “en dépit des liens évidents entre le procureur et le directeur de la police, cette plainte n’a pas été dépaysée” (…) “du fait de l’immobilisme du procureur Hervé Leroy, le juge d’instruction vient d’être saisi de l’affaire”(…)“Depuis, la rumeur circule d’une sanction administrative contre Mr Banner”. Le défenseur s’étonne que le président du Pays n’aborde pas les délits reprochés à Mario Banner. 

“Plutôt que d’évoquer ce dossier embarrassant, le président Fritch préfère souffler sur les braises du racisme. Il reprend à son compte, manifestement sans rien vérifier, et sans jamais avoir sollicité la version de ma cliente (…) “une autre commandante, métropolitaine cette fois” (…) “en arrêt maladie depuis 6 mois.”

Maître Millet dénonce la partialité du président qui n’a pas eu “la moindre attention pour ces deux femmes en souffrance qu’il n’a même pas pris la peine de contacter.”

“Quelles que le soient les raisons qui poussent le président Fritch à venir en aide au commissaire Banner, je l’appelle à la prudence, au respect de la présomption d’innocence, et au sens des responsabilités qui sont, encore, les siennes”conclut-il.