Moetai Brotherson : “le prochain président du Tavini s’appelle Tony Géros”

Moetai Brotherson dit observer, au sein de la population, un "profond désir de changer la manière dont on fait de la politique." (VB M.Brotherson)
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Déclaration surprise de la candidature de Moetai Brotherson à la présidence du Pays. Eviction d’Eliane Tevahitua de la place de deuxième de liste sur la section 3 après la présentation des candidats au congrès, au profit de la fille de l’ex-représentant Vito Maamaatuaiahutapu. Remplacement également à Papeete de la tête de liste Minarii Galenon par le jeune député Tematai Le Gayic. Mécontentement de la secrétaire générale du parti, Vannina Crolas… Les rebondissements n’ont pas manqué, ces derniers jours, au sein du Tavini huiraatira. Faut-il y voir une crise interne ? Ce n’est en tout cas pas l’avis du député Moetai Brotherson, candidat du Tavini à la présidence du Pays en cas de victoire du camp bleu ciel, qui juge “naturelles” certaines décisions de dernière minute et estime qu’aucune entorse n’est à reprocher au Tavini vis -à-vis du respect de ses organes de décision. Entretien.


Quelle est votre lecture concernant les “tiraillements” qui apparaissent au sein de la famille indépendantiste ?

D’abord, je veux dire que la démission de notre secrétaire générale Vannina Crolas est une fausse information, qu’elle a d’ailleurs démenti par elle-même. Les tiraillements, c’est naturel dans la vie d’un parti, nous ne sommes pas au parti communiste ! Nous sommes dans un parti démocratique, au sein duquel il y a parfois des désaccords. Au sein du Tavini, on ne cherche pas à le cacher, c’est peut-être ce qui nous différencie des autres partis.

N’y a-t-il pas eu malgré tout quelques entorses avec les procédures habituelles de décision du Tavini ?

Non, il n’y a pas eu d’entorses. Mais il y a eu simplement, comme à chaque fois, des décisions ou des changements de dernière minute. Parfois c’est spectaculaire, parfois ça passe inaperçu. Quand tu changes le 15e de liste, ça ne fait pas les gros titres des journaux. Mais si tu retires de la liste une personnalité comme Eliane Tevahitua, qui est connue et reconnue au sein du Tavini, ça crée des interrogations. Mais je redis que c’est la vie naturelle d’un parti. Dès le début de son engagement, Eliane a toujours dit qu’elle n’était pas là pour un poste, mais qu’elle était là pour servir son pays et que s’il fallait la retirer de la liste, eh bien qu’elle soit retirée de la liste.

Est-il juste d’opposer un courant plutôt “moderne” au sein du Tavini, notamment représenté par vous, et un courant plus conservateur davantage représenté par Antony Géros ?

Si on regarde le paysage politique aujourd’hui, le seul parti qui est toujours là depuis 1977, c’est le Tavini huiraatira. Bien sûr il y a un historique, une culture initiale, une façon d’envisager et de faire les choses. C’est un organisme vivant qui, comme tout organisme vivant, évolue, avec la société, avec le reste du monde. Nous avons l’habitude de discuter. Il n’y a pas de pensée unique comme on peut le constater dans d’autres partis au sein desquels une seule voix doit s’exprimer. Une fois qu’une décision est validée et actée par l’ensemble, on ne revient plus dessus.

Avez-vous pour ambition de succéder à Oscar Temaru à la tête du parti indépendantiste ?

Pour moi, le prochain président du parti, le “candidat naturel”, s’appelle Antony Géros. Il est là depuis plus de 40 ans, il connait toutes les arcanes du parti, tous ses organes. Oscar Temaru ne peut pas aller contre le sens commun. Le discours sur une prétendue opposition Brotherson/Géros n’a pas de pertinence selon moi, car nous sommes complémentaires. Chacun a son périmètre d’actions, ses forces et ses faiblesses.

“Antony Géros sera le candidat du Tavini à la présidence de l’Assemblée”

Que répondez-vous à vos détracteurs qui vous accusent de tenter un passage en force avec votre déclaration de candidature à la présidence du Pays au nom du Tavini ?

Je rappelle à tous ceux-là qu’au départ, je n’étais pas candidat… Et puis ensuite il y a eu un souhait qui s’est exprimé en ce sens. Je souhaite souligner que dans notre projet de gouvernance, il est aujourd’hui établi qu’Antony Géros sera le candidat du Tavini à la présidence de l’Assemblée de la Polynésie française.

Le Tavini dit profiter actuellement d’un élan populaire. Avez-vous le sentiment d’un vrai regain d’intérêt des électeurs pour le Tavini ? Si oui, est-il selon vous justifié par la pertinence de vos propositions ou davantage généré par une exaspération vis-à-vis de la majorité en place ?

Oui, il y a beaucoup d’intérêt pour le Tavini. On le sent très clairement dans tous nos meetings, qui d’ailleurs enregistrent de très fortes affluences, beaucoup plus notamment qu’aux législatives. Ce qui transparaît le plus, c’est une énorme volonté de changement. C’est systématiquement le mot qui vient et revient : on veut “changer”. Ce n’est pas simplement lié à la majorité actuelle, même si son comportement a pu servir de catalyseur. C’est plutôt un profond désir de changer la manière dont on fait de la politique. C’est l’idée d’un gouvernement “avec nous et pour nous” qui nous est transmise, et donc “pas contre nous.”

Certains militants semblent reprocher la subite importance qu’auraient pris, au sein du Tavini, les trois députés fraichement élus. Le confirmez-vous ?

Il faut bien comprendre qu’on ne cherche pas à avoir du pouvoir au sein du parti. Pensons plutôt à la légitimité que nous a donné cette large victoire aux législatives. C’est une élection au suffrage universel direct : ce sont des Polynésiens qui ont choisi chacun de leurs députés. A chaque fois que nous nous réunissons, nous disons : il faut nous entendre car ce que nous disons correspond à ce que nous entendons au sein de la population. D’une certaine manière, nous sommes des thermomètres : nous sommes des indicateurs de l’état de la société. Pour nous, c’est important cette “prise directe” avec les aspirations de sélecteurs.

Propos recueillis par D.G

Les militants nombreux au congrès du Tavini ( Crédit: SB)
Les militants étaient venus nombreux au congrès du Tavini à Vaitupa. (Crédit: SB)