Un homme condamné pour agression sexuelle 11 ans après les faits

(Photo : archives LDT)
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Une affaire particulière ce mardi 28 mars, puisqu’on a jugé un homme pour agressions sexuelles sur deux mineures de sa famille commis en 2012 et 2015. Par honte et par peur de déclencher une bagarre familiale, les jeunes femmes de 12 et 13 ans au moment des faits, souffrant depuis de troubles dûs au stress post traumatique, ont attendu avril 2021 pour porter plainte. Arrivé confiant et sans avocat à l’audience, le tonton repart avec une condamnation à 18 mois de prison avec sursis et une inscription au Fijais, le Fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. 

Elles gardent toutes les deux le lourd secret

Les premiers faits ont beau être lointains, la date est précise, puisqu’il s’agit d’un jour de mariage dans la famille en décembre 2012. Les parents partent à la fête en laissant leur fille de 12 ans chez le tonton. C’est pendant la nuit que la jeune fille est réveillée par l’homme qui lui “mange” le sexe. Lorsqu’elle se réveille, il lui dit de ne pas en parler à son père, elle rentre seule à son domicile. Craignant de voir le quartier familial s’embraser suite à d’éventuels aveux, elle ne dit rien. Pire, elle se renferme, s’isole, commence à sécher les cours et parfois s’auto-mutile. Ses parents notent un changement de comportement, mais rien n’est révélé et la vie continue. 

C’est bien des années plus tard qu’elle ose en parler à une de ses cousines et là, c’est le choc, la cousine aussi dit avoir été victime du même homme. Elle parle de “caresse et rien d’autre”, elle avait treize ans, c’était en 2015. Elles gardent toutes les deux le lourd secret. Ça n’est qu’en 2021, alors que la première victime est en couple et que sa vie sexuelle est perturbée par le traumatisme de son agression, que le petit ami réagit. Si elle ne parle pas, c’est lui qui le fera. Les parents sont alors avertis, des plaintes déposées, une enquête ouverte. 

Tout le monde se doutait

Pour le prévenu d’une quarantaine d’années, venu en short et savates sans avocat, les filles mentent. Si ce qu’elles disent est vrai “pourquoi avoir attendu pour porter plainte ?” demande-t-il. Il lâche aussi qu’il n’y a “pas de preuve, pas d’ADN”, ce à quoi le président du tribunal explique ironiquement qu’on n’a pas attendu l’existence de l’ADN pour condamner des gens pour agressions sexuelles. Il met aussi les accusations des jeunes filles sur le dos de leurs “cerveaux dérangés”, car leur père les a, selon lui, initié très jeune au paka.

L’enquête et les témoignages recueillis laissent pourtant à penser que personne n’a réellement semblé surpris de la plainte des jeunes filles. Une belle-sœur dit avoir reçu des propositions sexuelles et une main aux fesses du même homme, pourtant marié. Les parents se remémorent le début des troubles de leur fille et de ses problèmes scolaires et les dates correspondent. Le sujet a déjà été débattu en famille avant que les jeunes filles n’osent déposer leur plainte, et même si l’homme a toujours nié, sa propre femme finira par dire aux gendarmes pendant son audition qu’elle ne serait pas surprise que ce soit vrai. 

15 mois avec sursis

L’avocate des jeunes filles passe alors un long moment à expliquer le parcours de la première victime. Elle lui demande de montrer ses avant-bras au tribunal, ou l’on voit encore nettement les traces de scarification. Elle décrit une jeune femme réellement traumatisée qui a vécu dans la peur, la honte, et qui encore aujourd’hui à des difficultés à faire confiance aux hommes. Puis l’avocate s’enerve : “Dire qu’elles ont le cerveau dérangé, c’est une insulte”. Elle demande 1,5 million de francs de dommages et intérêts pour les victimes. 

La procureure enfonce le clou. Pour le ministère public, ça n’est pas juste une affaire de parole contre une autre. Il y a bien des preuves, des témoignages concordants des expertises. “Si quelqu’un ment dans l’affaire, c’est monsieur” conclut la procureure, qui demande 15 à 18 mois de prison avec sursis probatoire et un suivi psychologique pour le prévenu. Le tribunal le condamne à 15 mois avec sursis, et à verser 550 000 F et 350 000 F aux victimes pour le préjudice moral.  

Y.P