Interview – Hau Maohi promet “10 000 logements sociaux sur 5 ans”

Hau Maohi veut "renégocier les accords de l’Elysée" par un nouvel accord nommé "accords de Hau Maohi".
Hau Maohi veut "renégocier les accords de l’Elysée" par un nouvel accord nommé "accords de Hau Maohi". (Photo HM)
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La Dépêche de Tahiti a envoyé une même liste de huit questions à toutes les listes qui se présentent aux élections territoriales. Aujourd’hui, c’est le Hau Maohi de Tauhiti Nena qui “ouvre le bal” et explique qu’il prône “la création d’un Etat souverain, associé à la France”. Le Tapura huiraatira répondra à ces mêmes questions, demain vendredi 31 mars.

Que propose votre liste face à la hausse des prix ?

Hau Maohi propose de faire baisser le prix des hydrocarbures en prenant le contrôle de tout le circuit d’approvisionnement et de transport des hydrocarbures dans le but de faire baisser les prix de 20 à 30%.

Hau Maohi mettra en place un approvisionnement par voie maritime, en investissant dans un navire d’occasion pour un montant de moins de 2 milliards de francs, partant de la Nouvelle-Zélande, et ainsi faire baisser le tarif du fret qui depuis 2020 a triplé (11 F le kilo en 2011 – 33 F en 2022).

Hau Maohi soutient l’économie solidaire par la mise en place des SCOP (Sociétés coopératives de production participative) et SCIC (Sociétés Coopératives d’intérêt collectif) dans tous nos archipels à travers l’élevage, l’agriculture, l’aquaculture, la pêche, les transports… pour que les employés, les artisans, les pêcheurs puissent devenir actionnaires de leur propre entreprise et ainsi augmenter leur pouvoir d’achat.

Heia Manuel Parau et Tauhiti Nena (Photo HM).

Quelles seraient les priorités de votre politique économique ?

Hau Maohi investira dans des secteurs clés qui rapportent comme : l’énergie, le transport, le tourisme et la finance et propose de territorialiser EDT, transformer Fare Rata en banque et assurance et la Sofidep en banque d’investissement afin de financer les porteurs de projets. Hau Maohi, au pouvoir, s’assurera que le Pays soit actionnaire majoritaire dans des projets hôteliers et sur des terres domaniales achetées.

Avec Hau Maohi, la compagnie Air Tahiti Nui va investir dans les hôtels du Village Tahitien en tant qu’actionnaire majoritaire, dans la petite hôtellerie, les pensions de famille dans nos archipels et investira aussi dans deux bateaux de croisière d’occasion (850 passagers par navire pour 60 000 touristes en plus dès 2024) qui feront un circuit court et plus long.

Hau Maohi, priorisera et activera le développement de nos archipels pour atteindre rapidement l’autosuffisance alimentaire et moins dépendre des produits importés et la souveraineté économique.

De quelle manière votre liste entend-elle faciliter l’insertion des jeunes sur le marché du travail ?

Hau Maohi mettra en place un Observatoire de l’emploi qui aura pour but de répertorier les besoins du Pays en matière de métiers, dans tous les secteurs d’activités et proposera des formations professionnelles diplômantes débouchant sur un CDI.

Hau Maohi facilitera la vie des étudiants en leur mettant à disposition les aides adéquates (bourses-logement-déplacement à l’étranger-gratuité des transports), et nous construirons 400 chambres universitaires. Hau Maohi inscrira dans les Accords de l’Elysée, à l’instar des Accords de Nouméa, la formation de 400 cadres par an, soit 2000 sur 5 ans dans les Grandes Ecoles de France, pour préparer nos enfants à diriger et développer notre pays.

Hau Maohi mettra à disposition des auxiliaires de vie scolaire (AVS) dans toutes les écoles privées jusqu’à l’Université. Hau Maohi mettra en place un département ou une université internationale consacrée à la mer pour développer tous les métiers qui y sont liés. La France a créé, en 2017, 400 000 emplois dans le secteur maritime à travers les lycées et universités. Il serait temps de faire de même en Polynésie.

Hau Maohi mettra en place une école sur les métiers du numérique pour être en phase avec les besoins du marché polynésien. Hau Maohi, en soutenant l’économie sociale et solidaire, défendra le protectionnisme pour l’emploi à travers les Accords de l’Elysée qui donneront la priorité aux Polynésiens, dans le cadre de l’emploi, des aides sociales et du logement.

Quelle politique préconisez-vous en matière de santé et de protection sociale ?

Pour que les Polynésiens puissent vivre et réussir dans les meilleures conditions, Hau Maohi se lancera dans un grand projet de solidarité humaine :
– Construire plus de logements sociaux, soit 10 000 en 5 ans.
– Céder la propriété aux locataires de “fare OPH” 
– Rénover et résorber l’habitat insalubre et adapter le bâti aux nouvelles normes et contraintes climatiques ;
– Améliorer les aides et les bourses des étudiants ;
– Renforcer la sécurité de la population dans les archipels éloignés face aux risques de cyclones, montées des eaux et tsunamis ;
Hau Maohi rétablira l’égal accès pour tous à la Santé en mettant en place des services médicaux comprenant des médecins de proximité ainsi que des dispensaires et des Services de néonatalogie abritant la maternité dans tous nos archipels et grandes agglomérations.

Hau Maohi va créer un Centre de désintoxication et d’accompagnement pour nos toxicomanes et personnes alcooliques. Hau Maohi va créer un revenu parental mensuel de 70 000F, destiné aux mères ou pères au foyer, qui choisiront de se consacrer pleinement à la périnatalité de leurs enfants (durée 3 ans par enfant).

Hau Maohi, sauvera notre Caisse de prévoyance sociale (CPS) en mettant en place une “feuille de soins électronique” qui facilitera le contrôle des patients, des professionnels de la santé, des pharmacies ; permettant ainsi la maitrise des dépenses médicalisées. Hau Maohi remettra en place l’école d’infirmières Mathilde Frébault pour former nos jeunes Polynésiens aux différents métiers de la santé.

La réforme des retraites en Polynésie française a fixé l’âge de départ à 62 ans. Que propose votre liste sur ce point ?

Hau Maohi défendra le système de retraite par répartition et engagera la mise à niveau des petites retraites, des retraités indépendants (agriculteurs- pêcheurs- artisans- artistes etc.) et des handicapés.
Hau Maohi défendra le maintien des conditions actuelles d’accès à la retraite en donnant le choix de partir à 60 ans. C’est possible avec un pays économiquement florissant.

Quels sont, selon votre liste, les moyens de lutter contre l’échec scolaire ?

La jeunesse, l’éducation et la formation professionnelle de nos enfants sont une priorité urgente pour qu’ils réussissent dans la vie. Il s’agit d’adapter les programmes scolaire et universitaire aux réalités de la société d’aujourd’hui.

Le Fenua a besoin de plus d’enseignants polynésiens, de dispositifs d’aide aux élèves et étudiants, pour mieux développer des formations techniques dans les métiers de secteurs porteurs d’avenir comme la terre, la mer, les océans, les ressources marines. C’est pourquoi Hau Maohi défendra la création d’une Université ou d’un département consacré à la Mer en étroite collaboration avec des organismes de recherches “internationales”, dont le Criobe de Moorea et l’Ifremer de Vairao.

Hau Maohi proposera un panel de formations intéressantes dès le départ en fonction des besoins du pays (laboratoire des métiers) et des préférences des élèves. Hau Maohi soutiendra l’école dans sa mission de transmission du savoir, en rétablissant le respect, les valeurs morales et civiques ainsi que notre Histoire, notre langue maohi jusqu’au secondaire en dotant toutes les écoles primaires d’un centre audiovisuel attractif et ludique.

Hau Maohi attribuera aux associations des parents d’élèves et celles qui prônent la santé et le bien-être de nos élèves un fonds destiné à la prévention.et aux activités diverses. Hau Maohi mettra à disposition des auxiliaires de vie scolaire (AVS) dans toutes les écoles privées jusqu’à l’Université pour éviter le décrochage des élèves PMR.

Que propose votre liste concernant l’héritage du CEP, la loi Morin, le futur “centre de mémoire” ?

Hau Maohi souhaite la reconnaissance et les excuses de la France car 193 tirs nucléaires ont eu lieu (en plein air et sous-marin) et représentent un crime à l’encontre des Polynésiens et de tous les Français qui ont travaillé sur Moruroa et les autres atolls sans savoir à quoi ils s’exposaient.

Un crime contre la terre avec toute la pollution engendrée, sur tous les archipels avec les tirs aériens. Un crime à l’encontre de la mer, de sa faune et de sa flore, toujours lié à la pollution nucléaire sous-marine, les conséquences sont désastreuses et irréparables avec en perspective une faille à Fangataufa qui nous menace. Oui il est grand temps que la France reconnaisse et arrête de trouver des excuses à travers la loi Morin qui devrait disparaître.

Hau Maohi demandera une indemnisation rapide de tous les travailleurs et toutes les victimes, y compris les décédés, et nous sommes tous concernés car les retombées sont toujours d’actualité. L’Etat se doit de verser à la CPS l’équivalent de 90 milliards de francs. Ce sont les Polynésiens qui supportent les frais médicaux liés aux maladies radio-induites. Hau Maohi demandera une étude et une analyse des sols polynésiens ainsi que l’état des fonds marins et des atolls concernés ou avoisinant les lancements de tirs aériens et sous-marind.

Cette étude permettra de révéler l’étendue des dégâts et de pouvoir chiffrer l’indemnité à la hausse. Elle sera menée sous l’égide de l’ONU. L’Etat devrait également verser des indemnités pour les dépotoirs de déchets nucléaires que représentent Moruroa et Fangataufa. Hau Maohi soutiendra les associations comme “Moruroa e tatou” et 193.

Hau Maohi soutient la création de ce centre de mémoire et préconise que celui-ci retrace toute l’histoire concernant l’arrivée des missionnaires, la colonisation, le nucléaire et l’après CEP. “On se repose sur l’histoire pour bien avancer dans l’avenir.”

Quelle est votre réaction par rapport à la réinscription de la PF sur la liste des territoires non-autonomes de l’ONU ? Votre position sur le droit à l’autodétermination ?

Hau Maohi maintient l’inscription et va renégocier les accords de l’Elysée par un nouvel accord nommé “accords de Hau Maohi” qui stipulera un accompagnement vers la transition pour une souveraineté d’ici 15 ans. Nous comptons sur la collaboration de l’Etat pour nous développer sur tous les plans, dans tous les secteurs d’activités à court, moyen et long terme. En produisant et exportant plus, notre PIB augmenterait, nous créerons plus d’emplois et serons moins dépendant de l’aide de l’Etat.

Hau Maohi fera valoir les accords de l’Elysée signés en 2017 par le Président Macron et Edouard Fritch. L’Etat continuerait d’assurer la sécurité au sein de la Polynésie, par contre en ce qui concerne les relations et décisions sur le plan international, nous serons pleinement acteurs et nous déciderons au même titre que l’Etat, ce que la Polynésie rapporte à la France sera partagé de façon équitable (zone maritime).

Toutes les sociétés françaises installées ici comme Engie, la Lyonnaise des Eaux, la société d’exploitation de l’aéroport vont devoir reverser plus sur les bénéfices nets et rapatrier moins de fonds en métropole. L’armement nucléaire a rapporté et rapporte toujours à la France, qu’une transparence se fasse à ce niveau et les gains répartis.

Toutes les recherches de l’Ifremer avec les brevets sont revendus à l’international, que les gains soient répartis. Nous sommes depuis trop longtemps une terre expérimentale et exploitée à notre insu mais aussi un peuple compréhensif, résilient voire naïf. Il est temps de réclamer ou revendiquer ce qui nous revient de droit. “Ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi est à toi”.

Nous prônons la création d’un Etat souverain, associé à la France. Cela n’existe pas dans le droit français. Comment allons-nous y arriver ? En négociant avec le gouvernement et en faisant évoluer le statut d’autonomie que nous avons, en faisant une nouvelle proposition de loi à faire voter au parlement, c’est une nouvelle étape, une évidence mais pas dans l’immédiat, nous devons préparer le terrain et atteindre dans un premier temps l’autosuffisance sur le plan alimentaire et économique. “Quand on veut on peut”.