Autisme : rencontre avec Éliane, maman du petit Vitor, autiste de 5 ans

Eliane et son petit Vitor, 5 ans. (Photo: Eliane Reynal)
Eliane et son petit Vitor, 5 ans. (Photo: Eliane Reynal)
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Depuis 2008, le 2 avril est la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. L’objectif : sensibiliser les personnes à ce trouble. A cette occasion, La Dépêche de Tahiti est allée à la rencontre d’Éliane, maman du petit Vitor, 5 ans, diagnostiqué autiste de niveau 2 à l’âge de 3 ans. Elle nous raconte les difficultés et obstacles rencontrés au quotidien, mais aussi les succès et les espoirs.

Eliane, quand et comment l’autisme de Vitor a-t-il été diagnostiqué ?

Les premiers signes sont apparus vers l’âge de 2 ans. Quand on l’appelait, Vitor n’avait pas de réaction. Il y avait aussi un manque de communication verbale, pas de “papa”, pas de “maman”. Des proches ont commencé à nous en parler mais comme beaucoup de parents, on ne voulait pas y croire ou en entendre parler. Puis à cette époque, notre pédiatre ne cessait de nous rassurer en disant que chaque enfant se développe à son rythme et qu’il n’y avait aucun problème avec Vitor. Il avait même mentionné le mot “autisme” et disait que Vitor n’était pas concerné par ce trouble .

Là où tout s’est accéléré, c’est quand Vitor a fait sa première rentrée des classes. C’est la maîtresse qui nous a alertés sur les difficultés rencontrées par mon fils mais qu’elle rencontrait aussi elle-même avec lui. Elle nous a encouragés à nous rapprocher de spécialistes. Nous nous sommes rendus au centre d’assistance médico-sociale précoce (CAMSP) et avons rencontré un neuropédiatre et un pédopsychiatre. C’est ce dernier qui a posé le diagnostique. Vitor a été diagnostiqué autiste de spectre 2.

Comment se passe un diagnostique ?

Il faut que cela soit fait par un neuropédiatre ou pédopsychiatre. Il y a plusieurs critères pour diagnostiquer l’autisme. Il est utilisé la méthode “DSM-5”  qui regroupe tous les critères pour les maladies “mentales”. Il faut mentionner que l’autisme est un trouble, non une maladie. Les syndromes les plus fréquents permettant de déceler des signes annonciateurs d’autisme sont le manque de communication verbale, le manque de stabilité sociale, les troubles sensoriels (hypersensibilité au bruit, à la lumière…) et les intérêts restreints (l’enfant reste concentré sur une seule et même activité ou alors l’enfant empile de manière mécanique des objets).

On parle de spectre de l’autisme, c’est-à-dire d’un “éventail” regroupant tous les symptômes. En fonction des symptômes, de cet “éventail”, la personne sera alors autiste niveau 1, niveau 2 ou niveau 3, le niveau le plus lourd. A ce niveau de trouble, on va malheureusement parfois trouver des maladies associées comme l’épilepsie par exemple. Il peut arriver que des personnes autistes ne soient jamais diagnostiquées et vivent normalement.

Quel est alors le quotidien des parents et de l’enfant autiste ?

J’ai arrêté mon travail. Je m’occupe du planning de Vitor. Une fois qu’il y a eu le diagnostique, il a fallu organiser beaucoup de rencontres avec des spécialistes : orthophoniste, psychologue, psychomotricien. Pour moi, l’équipe nécessaire pour accompagner un enfant autiste est : psychologue, orthophoniste, psychomotricien, pédiatre, ergothérapeute, éducateur. Quand on a le diagnostique,  c’est important de commencer rapidement le suivi avec les spécialistes. Plus ils sont jeunes et plus les enfants seront sensibles à l’apprentissage. Nous, nous avons perdu un an avec Vitor.

Dans son quotidien, Vitor va à l’école, il est en grande section. Il est parfaitement intégré au groupe. Les enfants de sa classe savent et l’acceptent parfaitement. Une auxiliaire de vie scolaire accompagne Vitor 12 heures par semaine à l’école. Vitor va aussi deux heures par semaine au CAMSP. A côté de cela, il fait aussi de la natation. C’est un sport qui a été recommandé, notamment pour la motricité. L’équitation est également recommandée. Ensuite à la maison, on va faire des activités.

“Pour nous, l’avenir est toujours une interrogation”

Quels types d’activités ? Utilises-tu des méthodes particulières ?

Je travaille avec Vitor en m’appuyant sur une méthode appelée A.B.A (analyse comportementale appliquée). A Tahiti, peu de personnes sont formées à la méthode A.B.A. J’ai suivi des formations via internet pour m’initier à la méthode. Selon moi, c’est la plus adaptée bien que tout le monde ne soit pas d’accord avec cela. On utilise ici des activités qui vont permettre aux enfants autistes de progresser dans leur communication et de gagner en autonomie. Il y a eu des révisions et différentes méthodes liées à l’ A.B.A ont été créées comme la méthode Denver. C’est une méthode avec des jeux et objectifs.

Quelles sont, selon toi, les difficultés rencontrées mais aussi les avancées? Comment vois-tu l’avenir ?

On a la chance que Vitor ait une auxiliaire de vie scolaire (AVS) mais ce n’est pas le cas de tous les enfants. C’est un long chemin pour en avoir une et le nombre d’AVS sur le territoire est limité. Pour en bénéficier, il faut d’abord être reconnu comme personne handicapée. Cela passe par des commissions. Et même avec cette reconnaissance, il n’est pas garanti d’avoir une AVS. Certains enfants autistes ne peuvent se rendre à l’école sans AVS mais comme il n’y en a pas… On rencontre aussi des difficultés pendant les vacances scolaires. Dans les garderies, les personnes ne sont pas toujours formées. J’ai de la chance que mon fils soit accepté mais ce n’est pas le cas pour tous les enfants autistes.

Pour nous aider et nous accompagner, on a la chance d’avoir à Tahiti plusieurs associations qui œuvrent pour la sensibilisation et les actions sur l’autisme : “Tous CAApables”, “Entre deux mondes” et le centre FARE AUPURU. Ensuite, le CAMSP propose également un soutien important.

Pour nous, l’avenir est toujours une interrogation. On ne sait pas si Vitor sera prêt à travailler, à être autonome. Nous voulons dans un premier temps qu’il gagne en autonomie, qu’il fasse les choses basiques sans nous. On reste positif car Vitor a beaucoup de choses pour lui, il apprend, il commence, donc on reste optimiste. Il passe en CP, c’est déjà une victoire….

L’autisme, c’est quoi ?

L’organisation mondiale de la santé (OMS) définit l’autisme ainsi : “L’autisme, aussi appelé trouble du spectre autistique, regroupe diverses affections liées au développement du cerveau. Ses caractéristiques peuvent être détectées chez le jeune enfant mais souvent, l’autisme n’est diagnostiqué que bien plus tard.

L’autisme se caractérise par des difficultés plus ou moins marquées à gérer les interactions sociales et à communiquer. Il peut aussi se manifester par des modes atypiques d’activité et de comportement, notamment des difficultés à passer d’une activité à une autre, une focalisation sur des détails et des réactions inhabituelles aux sensations. Les capacités et les besoins des personnes autistes sont variables et peuvent évoluer au fil du temps.

Alors que certaines personnes atteintes d’autisme sont capables de vivre en toute autonomie, d’autres nécessitent des soins et une aide toute la vie durant. L’autisme a souvent une incidence sur l’éducation et les opportunités d’emploi. De plus, il peut faire peser une lourde charge sur les familles qui prodiguent des soins et un soutien aux personnes autistes. Les attitudes sociétales et le soutien et les services fournis par les autorités locales et nationales sont d’importants facteurs qui déterminent la qualité de vie des personnes autistes.

On estime qu’1 % de la population serait touchée par l’autisme

Il n’y a pas encore de réels chiffres “recensant” le nombre d’autistes en Polynésie. Cependant, la haute autorité de la santé estime qu’1 % de la population serait touchée par l’autisme. A l’échelle de la Polynésie, cela représente environ 3 000 personnes. Les autorités locales se penchent sur le sujet et s’appuie sur l’aide des associations et des professionnels de santé, qui se forment de plus en plus à ce sujet, pour avoir un recensement efficient dans un futur proche.

Les associations de Tahiti et les actions à venir

A Tahiti, il existe trois associations qui travaillent, accompagnent et sensibilisent sur l’autisme : le centre FARE AUPURU, géré par l’association TAMA ORA, “Entre 2 mondes” et “Tous CAApables”.

Le centre FARE AUPURU, géré par l’association Tama Ora, existe depuis 1999. Evelyne Chanteau en est la directrice depuis janvier 2010. Les actions de l’association se concentrent sur le gain en autonomie dans les actes de la vie quotidienne et l’accession à la communication verbale avec l’aide des pictogrammes et avec la langue des signes. Le centre mène des activités tout au long de l’année avec les jeunes qu’elle accompagne: natation, athlétisme, festi-foot… Une sortie a d’ailleurs a eu lieu ce vendredi 31 mars dans la vallée de la Fautau’a avec les enfants autistes dans le cadre de l’handisport.

“Entre 2 mondes” est une association de parents bénévoles créée il y a maintenant 7 ans. Carole Bravi en est la présidente. Les parents agissent sur leur temps libre et dans un but collectif. Les actions de l’association: amélioration de l’inclusion sociale, éducative et médicale des autistes en Polynésie. Actions de sensibilisation de la population et des professionnels.

Actions de sensibilisation dans les écoles et soutien aux familles. L’association organise une journée de sensibilisation le samedi 29 avril au jardin de Paofai. Des stands d’informations sur l’association, l’éducation, la santé et le paramédical seront présents. Il y aura des ateliers gérés par les parents.

Ateliers qui expliquent comment les enfants autistes voient le monde. Une buvette et aire de jeux seront aussi disponibles. Une antenne relais de l’association a vu le jour à Raiatea l’année dernière. Ce samedi 1er avril, de 9h à 13h dans la salle de mariages de la mairie de Raiatea aura lieu leur 1ère édition, action de sensibilisation dans les Raromatai.

Tous CAApables est une association qui se veut philanthropique. Elle a été créée il y a un an et Sébastien Rougé en est le président. L’association se concentre sur l’intervention individualisée, sur l’aide pour trouver des professionnels, pour aider les enfants à avoir accès aux interventions. Les dons récoltés par l’association servent de soutien financier aux familles d’autistes et sur les actes médicaux non pris en charge par la CPS. L’association soutient à hauteur de 83% les frais. Seuls 17% restent à la charge des familles.

Ce dimanche 2 avril, l’association sera présente au fare potee de la mairie de Papeete de 8h à 18h. Il sera proposé des stands de sensibilisation avec des professionnels (éducateur ABA, psychomotriciennes, …) ainsi que des stands de jeux autour des troubles sensoriels et jeux traditionnels pour enfants. Buvette à disposition également.