La mairie de Papeete a reçu ce vendredi matin les directions des établissements scolaires Anne-Marie Javouhey et La Mennais ainsi que les associations de parents d’élèves. Comme le rapportait jeudi La Dépêche de Tahiti, ces derniers avaient adressé récemment un courrier commun au haut-commissaire de la République, au président du Pays et à Père Christophe pour les alerter sur le danger que représentent les personnes sans domicile fixe (SDF) pour les élèves. En effet, ils déplorent plusieurs agressions autour de la cathédrale.
Les représentants de la mairie : le tavana Michel Buillard, le responsable de la sécurité Patrick Bordet, le directeur général des services Rémy Brillant et l’adjointe au maire déléguée à l’éducation Maeva Colombani ont écouté ce vendredi les représentants des établissements scolaires et ont tenté de leur apporter des réponses. Deux solutions sont envisagées même si elles ne semblent pas, en partie, tout à fait adaptées à la problématique : distribuer des repas aux SDF en soirée sur un terrain à Fare Ute et renforcer les rondes de la force publique aux horaires scolaires, le matin, le midi et l’après-midi.
Si la réunion a semblé satisfaire les différents protagonistes, la situation reste tendue sur le terrain puisque les SDF, bien implantés autour de la cathédrale, sont “beaucoup plus nombreux et plus agressifs depuis quelques mois”, ils font clairement fuir les touristes et les clients selon le porte-parole de la Fédération générale du commerce.
Le Père Christophe, quant à lui, n’était pas invité à la réunion. Il n’a pas connaissance d’une distribution de repas déplacée dans un nouveau lieu, d’autant que les repas distribués actuellement par les bénévoles se font le matin et non le soir excepté le mercredi. Il affirme en tous cas que son nouveau centre de jour Te Vai-ete, actuellement en construction à Mamao ouvrira le 16 juin. A ce moment-là, il déplacera ses activités (distribution de repas et de linge, administratif, soins médicaux).
Guy Loussan, membre du Conseil d’administration de Papeete Centre-ville, porte-parole de la Fédération générale du commerce
“J’ai des clients qui me disent qu’ils ne vont plus en ville à cause des SDF”
“C’est clair que, depuis un certain temps, il y a de plus en plus de sans-abris à la cathédrale mais aussi un peu partout. Forcément pour les commerces, c’est très embêtant. Pratiquement tous les commerçants subissent la situation et leur chiffre d’affaire baisse. J’ai des clients qui me disent qu’ils ne vont plus en ville pour faire des achats parce que les SDF sont gênants et parfois agressifs. Je peux aussi vous citer le cas d’un SDF qui agresse régulièrement les employés d’une parfumerie. On n’a plus envie de venir en ville même le soir pour aller au cinéma ou au restaurant. Ce sentiment est général.
Pas plus tard qu’il y a deux jours, un touriste a été agressé pour qu’on lui vole son sac. Sur le plan touristique, déjà visuellement ce n’est pas beau à voir ; en plus, j’ai l’impression que les tours opérateurs ou les hôteliers préviennent leurs clients en leur disant : “faites attention quand vous descendez en ville”. Les seuls touristes que l’on peut trouver sont les croisiéristes car les bateaux sont amarrés au quai. De moins en moins de touristes descendent en ville si ce n’est au marché. Il y a aussi beaucoup de SDF qui ont des chiens et ils laissent leurs déjections sur les trottoirs…
Enfin, un nouveau phénomène voit le jour: le mercredi après-midi, des jeunes entrent dans les magasins pour chaparder.”
Patrick Bordet, responsable de la sécurité à la mairie de Papeete
“Nous allons décentraliser la distribution de repas”
“Nous avons tout d’abord voulu entendre les parents d’élèves et les directions d’établissements sur les derniers évènements, les agressions, qui se sont produits. La police faisait son travail mais ne pouvait pas être derrière chaque SDF. Nous nous sommes rendus compte que d’autres personnes se sont ajoutées aux SDF avec de mauvaises intentions notamment des trafics de drogue. Ce qui explique peut-être le comportement agressif de certains individus.
Nous avons décidé de décentraliser la distribution de plats. La mairie va mettre à disposition, avec l’aide des services sociaux du pays, un terrain à Fare Ute pour accueillir les SDF avec des repas préparés par un traiteur ou une cuisine centrale. Ce qui n’empêchera pas de faire circuler nos agents pour qu’il n’y ait pas de SDF qui restent en permanence. Nous voulons qu’ils bougent, et nous voulons rendre à cette cathédrale le statut qu’elle mérite.
Le père Christophe a accepté que les choses se passent ainsi jusqu’au moment ou il intégrera son nouveau centre à Mamao. Nous sommes là pour faire la transition.”
Thierry Heiarii Pousset, directeur du collège Anne-Marie Javouhey à Papeete
“Le but est de protéger nos enfants”
“Je remercie le tavana pour son accueil. Le point important est d’avancer ensemble et de rester en contact. Plusieurs solutions ont été trouvées et auront un effet d’ici deux à trois semaines. Il a été décidé notamment une présence de la force publique pendant les heures d’école : le matin, le midi et dans l’après-midi. Le but est de protéger nos enfants. Ce n’est plus tenable car la population de SDF a beaucoup changé avec des problèmes psychiatriques et des personnes qui vendent de la drogue. Je compte vraiment sur la force publique, la DSP, les agents communaux et la police municipale. Je tiens aussi à saluer le travail effectué par Père Christophe.”
Valérie Faua, chef d’établissement du collège lycée La Mennais
“Nous ne souhaitons pas stigmatiser les SDF”
“Le lycée La Mennais n’est pas situé exactement à la cathédrale mais nos élèves vont en effet vers la cathédrale à la pause méridienne. Nous sommes satisfaits des propositions faites par la mairie. Concrètement, les services de la mairie vont profiter des vacances scolaires pour mettre en place un nouveau dispositif et on devrait voir les résultats à la rentrée. Le personnel de sécurité va être renforcée autour de la cathédrale.
Dans tous les cas, nous sommes deux établissements catholiques et nous ne souhaitons pas stigmatiser les SDF et surtout, nous travaillons souvent avec le Père Christophe. Par exemple, on demande à nos élèves de terminale de mener une action caritative et, dans ce cadre, les jeunes préparent des repas avec l’Ordre de Malte. Et puis, tous les vendredis à midi, Père Christophe vient célébrer la messe dans la chapelle de notre établissement.”
