Au “Rhum Fest” de Paris, les rhums de Tahiti présents parmi 150 marques

Jean-Michel Monot, infatigable promoteur des produits du fenua...
Jean-Michel Monot, infatigable promoteur des produits du fenua... (Photo : Philippe Binet)
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Le rhum polynésien cherche à se faire sa place sur le marché international. (Photo : Philippe Binet)

Cela fait déjà plusieurs années que deux marques de rhum du fenua participent à ce salon mono-produit qu’est le “Rhum Fest” de Paris. Pas facile de s’imposer en effet dans l’univers mondial du rhum qui, cette année au Parc floral de Vincennes, accueillait 150 marques provenant de 45 pays. Cependant, le rhum de Polynésie française séduit beaucoup et son originalité multiple fait de lui une pépite.

Pénétrer dans l’antre de ce salon du rhum, c’est d’abord une surprise côté visiteurs : quatre-vingt dix pour cent masculin ! Ensuite c’est l’ambiance : très sonore, joyeuse forcément, mais bon enfant quand même. Verre de dégustation à la main, l’on va de comptoir en comptoir goûter ce breuvage tropical ; pour certains, en connaisseur et dénicheur de nouvelles saveurs, pour d’autres, en faisant semblant de connaître ! Des animations ont cependant prévu de mettre à niveau les cancres ; le tout avec bonne humeur et originalité.

Tiens, un attroupement ! Devant le petit comptoir de Free Spirits, on cherche à déguster le rhum de Tahiti, Mana’o. Inlassablement, le responsable commercial conte la belle aventure du renouveau de la canne en Polynésie et fait goûter les variétés de rhum de la marque qu’il importe, sans oublier de mentionner les récentes médailles obtenues le mois dernier au Concours Général Agricole.

“Les gens sont très surpris qu’il y ait du rhum
pur jus de canne en Polynésie”

Paradoxalement, Philippe Jugé, grand spécialiste français du whisky (L’ouvrage “Le Whisky pour les nuls” et aussi le salon France Quintessence consacré aux spiritueux) n’a pas hésité à décider ses amis producteurs de vin à Tahiti à exporter aussi leur rhum, tant il a été lui-même convaincu de sa valeur : “Je leur ai dit : ce que vous faites est vraiment super, il ne faut pas que ça reste secret et caché en Polynésie. On a créé cette société Free Spirits Distribution pour importer Mana’o et les vins de Tahiti. Et depuis 2016, tous les ans nous avons un stand au Rhum Fest avec Mana’o”.

Le défi c’était surtout d’imposer ce nouveau “petit” dans la très grande famille des rhums et donc d’arriver à convaincre que, hormis le nom d’origine forcément séducteur, il y avait une vraie originalité dans le produit. “Dans l’imaginaire des Français, le rhum vient des Antilles ou de La Réunion. Du coup les gens sont très surpris qu’il y ait du rhum pur jus de canne en Polynésie et encore plus surpris quand on leur dit que la canne est originaire de l’arc indonésien et pas du tout des Antilles !”.

Compte tenu de la relative faible production, notre rhum a de ce fait une autre valeur, de rareté cette fois, et ce peut être un argument de vente efficace. Philippe Jugé confirme : “Vu la dispersion des lieux de productions (Tahaa, Rangiroa, Tahiti) on peut dire que la production est vraiment artisanale et donc exceptionnelle. Cela dit, c’est très bien que ce rhum soit consommé en Polynésie, mais c’est très bien aussi qu’un petit territoire arrive à montrer qu’il est capable de faire autre chose que du monoï, de la vanille ou du tourisme avec ce produit de très grande qualité”. Il reste que la gamme des produits peut encore être étendue (rhums blancs ou rhum vieux) et ce, d’autant que la variété des cannes existe vraiment et que la première récolte aux Marquises s’ajoute à l’ensemble actuel.

Pour Manutea, l’aventure vers Paris a été similaire. La marque de Moorea était présente au Rhum Fest dès 2018. Il s’agissait alors de trouver un marché à l’export pour écouler le surplus de production. “Nous y avons présenté notre cinquante degrés, le premier que nous ayons commercialisé“, explique Jean-Michel Monot, directeur général délégué de Manutea Tahiti. “Dès la première tentative en métropole, c’est une médaille d’or. Un vrai détonateur pour nous. Ici, au Rhum Fest, ce sont en général des gens qui sont dans le monde du rhum, amateurs ou professionnels. C’est évidemment plus intéressant que le public du salon de l’Agriculture. Et puis en France, le rhum se développe beaucoup”.

Là encore, le petit nouveau a fait ses gammes et surtout il a concentré ses atouts par rapport à l’immense concurrence diversifiée elle aussi et ces atouts, Manutea les mets en avant afin de se singulariser encore plus. Jean-Michel Monot en évoque quelques-uns : “On a la chance d’avoir des cannes différentes de ce qui se fait parfois ailleurs, Notre façon de travailler la canne, de la presser, de la distiller fait que l’on peut obtenir des goûts différents. Nous avons de ce point de vue deux nouveautés présentes cette année”.

De toute façon, le rhum polynésien étant relativement limité en volumes du fait de surfaces en cannes géographiquement limitées, le salut côté production exportée est dans la qualité supérieure et l’exception. Manutea s’en tient à un cahier des charges strict en la matière très. “Cela porte sur la concentration de notre réseau, la qualité de la distillation, etc. Les experts qui viennent nous voir estiment que nous avons des rhums d’exception. C’est rassurant ! L’objectif c’est de développer l’export (6% actuellement), puisque nous avons une marge de progression. Ayant déjà quatre blancs et cinq à six vieux rhums, on peut faire des séries limitées. Comme aujourd’hui un produit de prestige avec seulement cent bouteilles en cristal et destinées à de vrais amateurs de rhums rares et à de grands restaurants” se félicite Jean-Michel Monot dont la production à l’export est intégrée au grand réseau français Dugas.

Avec une pénétration judicieuse dans les réseaux de distribution sélectifs en qualité, le rhum polynésien semble disposer d’un avenir assuré. A lui de continuer à se singulariser à travers la rigueur de sa production (cannes et procédés de distillation) et son éventail sélectif et original de produits finis justifiant l’exception. Comme notre perle : un bijou à ne pas galvauder.

De notre correspondant Philippe Binet