L’autorité polynésienne de la concurrence prend des mesures contre Onati

Selon l'APC, les pratiques d'Onati "portent une atteinte grave et immédiate au secteur, aux consommateurs et à Viti."
Onati anonce des perturbations sur son réseau mobile Vini. (Photo DG)
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L’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) annonce, dans un communiqué publié en ligne ce lundi 3 avril, qu’elle “prononce des mesures conservatoires à l’encontre de la société Onati“, qui doit présenter une offre tarifaire, dans un délai de 10 semaines, pour l’accès à l’itinérance (voix et SMS) dans les îles des archipels éloignés permettant à Viti l’exercice d’une concurrence effective. Selon l’APC, les pratiques d’Onati “portent une atteinte grave et immédiate au secteur, aux consommateurs et à Viti.”

La société Viti de Mario Nouveau a saisi l’APC à propos de pratiques mises en œuvre par l’établissement public OPT et la SAS Onati dans des marchés liés aux télécommunications.

“Accessoirement à sa saisine au fond, Viti a sollicité le prononcé de mesures conservatoires” explique l’Autorité. “En Polynésie française, l’itinérance locale est dite asymétrique. En effet, Onati est le seul opérateur à avoir déployé un réseau sur l’ensemble du territoire. Il est donc également le seul prestataire d’un service, permettant à ses concurrents (PMT-Vodafone et Viti-Ora) d’offrir des services de téléphonie mobile sur les îles où ils n’ont pas déployé leur propre réseau.”

Selon l’APC, Viti considère que les conditions tarifaires que lui propose Onati en matière de prestations d’itinérance dans les archipels éloignés (Tuamotu, Gambier, Marquises, Australes), sont “excessives et manifestement disproportionnées”. De ce fait, elle a renoncé à recourir à ce service et n’offre plus, depuis le 1er novembre 2022, de services de téléphonie mobile dans les archipels éloignés et a déposé une demande de mesures conservatoires auprès de l’Autorité.

“En l’état actuel du dossier et sous réserve d’une instruction au fond, il apparait que les conditions tarifaires proposées par Onati, qui impose à Viti de couvrir le tiers du coût de couverture de ces îles par un réseau téléphonique, malgré des parts de marché réduites, sont susceptibles de constituer une pratique prohibée par l’article LP. 200-2 du code de la concurrence”, indique l’Autorité polynésienne de la concurrence. “Plus encore depuis qu’Onati a mis fin à la réduction tarifaire de 75 % consentie initialement pour tenir compte de la taille de Viti.”

Les pratiques dénoncées, consistent à refuser à Viti l’octroi d’une convention d’itinérance “à des conditions tarifaires équitables et non discriminatoires”. Elles tendent à “protéger le parc de clientèle de l’opérateur dominant et de son principal concurrent (PMT) de la pression concurrentielle du dernier entrant”.

Ces pratiques conduisent selon l’APC à “limiter l’animation concurrentielle du marché de détail des services de téléphonie mobile, et ce, indépendamment de l’efficacité des opérateurs, à un moment critique pour le développement de Viti.” Elles privent notamment les habitants des archipels éloignés, mais également tous ceux qui souhaitent s’y rendre et bénéficier d’un forfait permettant d’y bénéficier de prestations de téléphonie mobile, “de la possibilité de recourir aux services de Viti et de bénéficier pleinement de l’ouverture à la concurrence du secteur”.

En outre, le refus par la société Onati de proposer à Viti d’autres modalités de détermination du coût de couverture et la fin de la réduction tarifaire, pleinement effective depuis le 8 janvier 2023, “est susceptible d’amplifier les effets de ces pratiques et de conduire à une éviction à court terme de Viti”.

Les conditions nécessaires au prononcé de mesures conservatoires imposées par la jurisprudence “sont donc remplies au regard de l’atteinte grave et immédiate que ces pratiques portent au secteur de la téléphonie mobile, aux consommateurs et à Viti.

L’Autorité a enjoint à la société Onati de proposer à la société Viti, dans un délai maximum de dix
semaines à compter de la notification de la présente décision, une offre tarifaire pour l’accès à l’itinérance en matière de voix et SMS dans les îles des “archipels éloignés” dans lesquelles elle a déployé un réseau de téléphonie mobile permettant à la société Viti l’exercice d’une concurrence effective.

Dans l’attente de l’acceptation par les deux parties de l’offre tarifaire, la société Onati appliquera à la
société Viti, pour tenir compte de sa faible part de marché, l’abattement sur le tarif de couverture proposé mis en œuvre entre le 8 janvier 2020 et le 7 juillet 2022, précise l’APC.

La procédure de mesures conservatoires

Face à une situation nécessitant une intervention rapide, l’Autorité polynésienne de la concurrence peut
être amenée à prononcer des mesures conservatoires en attendant de se prononcer sur le fond du dossier. L’article LP. 641-1 du code de la concurrence dispose ainsi que : “L’Autorité peut, à la demande des personnes, entreprises et organismes mentionnés à l’article LP.620-5 et après avoir entendu les parties en cause, prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires. Ces mesures conservatoires ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l’économie générale, à celle du secteur intéressé, à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante. Elles peuvent comporter la suspension de la pratique concernée ainsi qu’une injonction aux parties de revenir à l’état antérieur. Elles doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l’urgence”.
Pour déterminer si des pratiques permettent de prononcer des mesures conservatoires, il convient d’apprécier :
– Le caractère grave et immédiat de l’atteinte portée à :
o l’économie générale,
o ou au secteur intéressé,
o ou à l’intérêt des consommateurs,
o ou à l’entreprise saisissante.
– La gravité, l’immédiateté, et l’existence d’un lien de causalité entre les faits dénoncés et l’atteinte
sont trois critères cumulatifs.