New tech – Demain, l’ordinateur pourra-t-il lire nos pensées ?

"Que se passerait-il dans un monde où nous ne pourrions empêcher une machine de lire nos pensées ?"
"Que se passerait-il dans un monde où nous ne pourrions empêcher une machine de lire nos pensées ?" (Photo : Shutterstock)
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En informatique, on appelle “Interface Homme-Machine” (IHM) tous les dispositifs permettant aux humains et aux ordinateurs d’interagir. Les plus évidents sont l’écran, le clavier et la souris. Mais il y a également le micro et le haut-parleur. Imaginez maintenant que vous puissiez commander votre ordinateur, qu’il soit de bureau ou de poche, grâce à votre … cerveau.

Il s’agit des “interfaces neuronales directes”, qui peuvent lire l’activité électrique de votre cervelle et d’y associer une commande, rien de moins ! Le cas d’utilisation idéal est tout trouvé : une personne paralysée, appareillé de la sorte, pourrait télécommander son ordinateur, son fauteuil motorisé, voire sa maison. Une certaine forme de mobilité et de capacité retrouvée.

Si cela ressemble trop à de la science-fiction, sachez que la première fois que des chercheurs ont permis à un singe de manipuler uniquement par la pensée un bras robotisé, c’était en 1969. Depuis, les chercheurs arrivent à reconstituer ce que voit une souris à partir de son activité cérébrale.

En 2009, Mattel, le constructeur de la poupée Barbie, a commercialisé un jeu, MindFlex, consistant à déplacer une balle par la pensée [3]. Évidemment, dès qu’il s’agit de futur, ce cher Elon n’est pas loin, et il a fondé “Neuralink” pour développer ce type d’interfaces.

Pour le moment, ces systèmes, ceux réellement efficaces, sont tout sauf discret : des casques bardés de capteurs avec tellement de fils que vous aurez un look de rastafari. Mais depuis la deuxième moitié du XXème siècle, la technologie a démontré sa capacité à évoluer plus vite que nous pouvons l’imaginer. Apportez un iPhone en 1900 et il y a de fortes chances qu’on ressorte le bûcher pour vous y brûler pour sorcellerie.

“Quels réels pouvoirs a le citoyen sur ces technologies
qui vont beaucoup plus vite que la législation ?”

Ainsi, imaginer d’ici 10 à 20 ans un casque sans fil, esthétique, qui puisse lire nos pensées, ne relève plus du doux rêve. Et pourquoi pas une “antenne” qui pourrait à distance, sans aucun contact, lire ce qui se passe dans notre cerveau, à l’insu de notre plein gré ?

Que se passerait-il dans un monde où nous ne pourrions empêcher une machine de lire nos pensées ? D’un côté, les détecteurs de mensonges seraient infaillibles, et plus aucun innocent ne serait condamné à tort. D’un autre côté, comment le citoyen pourra s’assurer que la machine fonctionne correctement (cf. notre article sur l’open-source [2]).

Pourrons-nous enregistrer nos rêves ? Des parents auraient-ils le droit de lire les pensées de leurs enfants ? Jusqu’à quel âge ? Y aura-t-il des cours pour ne penser à rien ? À cet exercice, les hommes sont avantagés car naturellement équipés pour ne penser à rien pendant des heures, d’où leur passion pour la pêche.

Ce scénario, digne d’un épisode de Black Mirror, soulève une question fondamentale : quels réels pouvoirs a le citoyen sur ces technologies qui vont beaucoup plus vite que la législation ?

Parce que j’ai une mauvaise nouvelle : il existe déjà une technologie très similaire à la lecture de pensée, c’est celle du flicage sur Internet, que ce soit sur le Web ou dans les applications.

En vous suivant à la trace grâce aux fameux “cookies”, en agrégeant vos données avec celles de centaines de millions de personnes et en y appliquant des algorithmes qui font passer ChatGPT pour un projet du stagiaire de 3ème, Google, Facebook, Amazon et consorts peuvent prédire, et même influencer, avec une effrayante précision ce que vous aimerez ou pas. Je délire ? Alors un article de Forbes de 2014 peut vous intéresser. Il y est expliqué comment et pourquoi Facebook a réussi à influencer les émotions de 680 000 personnes (2.5 fois la population de la Polynésie).

Et là, tout d’un coup, le règlement général sur la protection des données (RGPD), ce n’est plus théorique, n’est-ce pas ?

Nul besoin de céder à la paranoia et de se fabriquer des chapeaux en aluminium. Nous devons continuer d’accueillir la technologie pour ce qu’elle a de bien et se méfier de ceux qui nous traitent d’amish quand nous la refusons, comme la vidéosurveillance à outrance par exemple.

La technologie doit être au service des humains, et non l’inverse.

Pita.

[1] Wikipédia explique la page braille
[2] Vive l’open source par La Dépêche de Tahiti