Justice – 16 mois de prison ferme pour un des agresseurs du rameur de Bora Bora

Le départ des trois jeunes de Bora Bora n'a pas calmé l'ambiance sur l'île.
Le départ des trois jeunes de Bora Bora n'a pas calmé l'ambiance sur l'île. (Photo YP)
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Ils sont trois à être jugés pour une violente bagarre générale le 1er avril 2023 à Bora Bora. Un rameur pris pour cible est toujours hospitalisé après un grave traumatisme crânien. À l’audience, les trois prévenus de 20 et 21 ans confirment que c’est sans raison aucune qu’ils s’en sont pris à la victime. L’un d’entre eux écope de 6 mois de prison avec sursis, le second à 18 mois de prison, dont 6 avec sursis. Le plus violent, déjà condamné, reste lui pour 16 mois à Nuutania.

Suite à leur présentation au juge des libertés la veille, deux prévenus comparaissent libres, le 3ème est sorti de cellule. Dès le début de l’audience, on comprend qu’il va être délicat d’en savoir plus.

Déjà peu loquaces en garde à vue, ils ne prononcent quasiment aucun mot à la barre. Les raisons de leur colère ? On ne sait pas. “L’alcool” répond l’un d’eux. Connaissaient-ils la victime ? Non. Les a-t-elle provoqués ? Non.

“Un acte terrible” dit le président du tribunal qui détaille les blessures de la victime, un trentenaire sportif dont on ne sait toujours pas s’il pourra retrouver une vie normale, ou si les nombreux coups reçus au crâne lui laisseront des séquelles incurables.

Tous originaires du quartier de Tiipoto, ils ont sur l’île la réputation de s’adonner au “fight” alcoolisé dès qu’ils en ont l’occasion. En entendant la musique qui vient d’un bal à Vaitape ce soir-là, ils se rendent sur place et commencent à boire, whisky et rhum, en vente libre sous le chapiteau.

Jusqu’ici tout va bien

Ils dansent, rigolent, mais rapidement, “pour s’amuser”, ils lancent plusieurs “combats”. Le président du tribunal tente de décrire la scène, une première bagarre près des toilettes, puis une autre à l’extérieur, et enfin un violent affrontement où l’on devine deux camps : Tiipoto contre Matira.

Un combat général dans lequel il ne fait pas bon tomber au sol. Car loin de l’esprit du noble art, chaque homme à terre se retrouve rué de coups et les agresseurs visent la tête. Même en MMA c’est interdit.

C’est ce qui est arrivé à l’homme le plus durement touché. Deux des trois prévenus y sont allés de leur “penalty”, frappant violemment à coup de pied le crâne de la victime. Ils reconnaissent sans sourciller avoir mis tout ce qu’ils ont de puissance dans leur assaut.

“Heureusement que mon client n’a pas fini comme Sandy Ellacott”

C’est l’avocat de la victime qui fait référence à cette triste affaire de 2015 dans laquelle un homme de 34 ans a perdu la vie à Bora Bora suite à un déchaînement de violence comparable à celui de ce dossier. Il ajoute : “Je crains pour leurs vies, ils sont attendus sur place”.

En effet, le départ des trois jeunes de Bora Bora n’a pas calmé l’ambiance sur l’île. Le lendemain du bal, il y avait d’ailleurs près de 500 personnes rassemblées quartier Tiipoto, venues pour en découdre et venger les agressés de la veille.

Les forces de l’ordre ont eu beaucoup de mal à calmer la situation. Des témoins sur place continuent d’ailleurs de décrire une ambiance restée extrêmement tendue, et certaines publications Facebook depuis les faits laissent à penser qu’un parfum de vengeance plane toujours sur la perle du Pacifique, dans le silence assourdissant du tavana. “Ce sont des lâches” conclut la partie civile, qui demande pour le moment 200 000F de provision pour la victime.

Le procureur indique que d’autres procédures vont suivre, notamment concernant des mineurs impliqués qui seront jugés prochainement par le tribunal pour enfants. Après Sandy Ellacott, le procureur fait lui référence à d’autres affaires de bagarres alcoolisées. Notamment à Moorea, où un homme vient d’être condamné à 12 ans de prison par la cour d’assises pour le meurtre d’un SDF.

À chaque fois, de la violence gratuite et sans motif. Il rappelle que l’ITT de la victime est déjà passée de 21 à 30 jours et que cela peut encore s’amplifier. Il requiert des peines entre 6 et 24 mois de prison pour les trois jeunes.

Leur avocate commence sa plaidoirie sans tour de passe-passe, elle aussi se dit consternée d’une telle violence, surtout sur une île qui a déjà connu de graves incidents violents, faisant elle aussi référence au meurtre de Sandy Ellacott, dont l’âme a plané sur la salle d’audience.

“Une scène de folie collective” dit-elle. Elle demande toutefois au tribunal de prendre en compte les conditions de vie des prévenus, des jeunes qui ont déjà, selon elle, réalisé la gravité de leurs actes en garde à vue.

Après une longue délibération, le plus jeune écope de 6 mois de prison avec sursis et 117 heures de travaux d’intérêt général (TIG). L’auteur d’un coup-de-poing surpuissant prend 18 mois, dont 6 avec sursis, mais sans mandat de dépôt, un aménagement de la partie ferme est possible pour lui éviter Nuutania.

Prison à laquelle n’échappe pas l’auteur des plus violents coups de pieds dans la tête de la victime, déjà inconsciente. Il est maintenu en détention pour 16 mois auxquels s’ajoutent 6 mois de sursis.

Tous ont tous une obligation de soins pour leur problème d’alcool, obligation de formation ou de travail, interdiction de contact avec la victime. Ils devront aussi l’indemniser, l’audience sur intérêts civils est fixée au 20 septembre.

Compte-rendu d’audience YP