Musique – Le “Metal” polynésien a ses fidèles et ses figures historiques

Le chanteur de Poturu explore différentes sonorités vocales, alternant entre le scream et le grave ou le chant dit clean.
Le chanteur de Poturu explore différentes sonorités vocales, alternant entre le scream et le grave ou le chant dit clean. (Photo Philippe Pelltier)
Temps de lecture : 5 min.

Si le Metal est un genre musical à part, il faut lui reconnaitre une communauté d’adeptes sur le Fenua, et surtout quelques groupes pionniers qui continuent de porter ce mouvement avec force et conviction…
On se souvient bien d’une des plus belles créations metal qui avait emporté l’adhésion de toute la jeune génération tahitienne en 1995.
Interprétée par le groupe Varua Ino, Esprit du mal en tahitien, Anavai posait la question de la religion et de l’identité dans un contexte politique et social délétère.
Où en est la scène Metal polynésienne depuis ce titre rapidement devenu culte qui avait suscité émoi et interrogation à l’époque ? La Dépêche a rencontré le guitariste de Poturu, Ipeva Tetahio.

Varua Ino, jugé “sataniste” par l’association familiale catholique au début des années 90 ! (Archives LDT)

Attention ! Bien que ce mouvement dérive historiquement du hard rock, pas question de comparer le Metal à son ainé. Le rythme est généralement plus long, le ton plus mélancolique, plus sombre.

“Au final, le Hard rock n’a pas vraiment pris ici” analyse Ipeva. Comme souvent, les mouvements artistiques doivent leur émergence à une poignée de passionnés . “Ça a commencé au lycée et plus tard avec les copains, on décide de monter un groupe pour faire des compositions polynésiennes” se souvient Ipeva, longtemps président de l’association Tahiti MetalHead.

Le groupe Uravena (Photo Uravena)

En 2014, la communauté veut “pousser plus loin en organisant régulièrement des concerts“. Ça tombait bien alors qu’un ami avait fondé Tahiti MetalHead, dans la lignée du mouvement international de passionnés de Métal que l’on retrouve en France, aux Etats-Unis… “On a récupéré l’association et capitalisé sur ma notoriété alors que je jouais régulièrement avec le groupe Marua ‘O à l’époque ; en me nommant Président en 2014, on a voulu montrer aux partenaires potentiels que notre démarche était sérieuse.”

Poturu par Philippe Pelltier.

Depuis, l’association Tahiti MetalHead, aujourd’hui présidée par le guitariste Armand Roomataaroa, a pour objet principal de promouvoir le genre musical rock et métal polynésien, d’aider les groupes locaux à se produire et à s’exporter.

“Au début, on programmait jusqu’à 5 concerts par an soit presque tous les deux mois. On s’est produit dans plusieurs bars et sur plusieurs scènes de Tahiti, et même sur les pirogues doubles du banc de sable en mode détente pour toucher tous les publics.” Mais au fil du temps, les membres se rendent compte que la communauté s’essouffle et qu’il faut revoir les programmations à la baisse de manière à créer l’attente et proposer des concerts qui soient des moments de rencontre exceptionnels.

2023, l’année de la reprise …

L’objectif déterminant en 2019, c’est le Hellfest, le plus gros festival annuel en France des musiques extrêmes. Les acolytes décident alors de produire un album en commun, pour lequel ils reçoivent une subvention du Pays, ce qui devrait faciliter la promotion de la mouvance polynésienne sur cette scène internationale. “Mais le Covid met un frein à notre projet”.

2023 s’annonce donc comme une année de reprise. A l’instar du festival Toere Rock qui faisait la promotion dans les années 90 des nouveaux groupes et genres musicaux dont le Metal ainsi que les “Petits Concerts de l’OTAC” ( ex Te Fare Tauhiti Nui, la Maison de la Culture), Ipeva estime que 2 à 3 rendez-vous annuels devraient suffire pour mobiliser les adeptes. Parmi ceux-là, la Fête de la musique et le Fenualloween programmé depuis près de 10 ans.

Poturu en répétition. (Photo Poturu)

Le projet d’album est modifié : chaque groupe produira son propre album promotionnel dans la perspective du Hellfest où ils entendent bien se rendre tous ensemble.

La remise sur les rail est prévue en milieu d’année pour une participation peut-être en 2024. Avec le Hellfest, les musiciens polynésiens espèrent trouver des opportunités “de se greffer aux tournées de groupes produits par de grosses boites et de se faire remarquer par de gros label”.  

Les pionnier metal  toujours dans la course

Aujourd’hui, on compte toujours parmi les musiciens actifs, les frères Bougues, Raura et Tamihau, anciens de Varua Ino, sous la bannière Uravena, ainsi que Aroma Salmon leader pionnier de Tikahiri.

“Grâce à ces précurseurs et à leur dynamisme on observe une belle évolution du Metal dit paumotu. D’ailleurs, Aroma a monté un autre groupe de black metal, Te Ruki, et sorti 2 albums. Il prépare son 3ième et est très actif sur le projets internationaux”.

Parmi ces bands dit “créatifs” – ceux qui composent – ont compte également Poturu dont le chanteur explore différentes sonorités vocales, alternant entre le scream (des cris aigus) et le grave ou le chant dit clean ; ou encore les Doctor’s plus rock.

Selon le guitariste de Poturu, le public apprécie particulièrement les compositions originales. D’autres part,  Foga fait beaucoup de reprises rock et métal ; Papaya des reprises rock reggae et ska punk, tandis que les Lolita sont à l’origine des soirées rock à thème, notamment les soirées Queen. “Bien que certaines formations aient disparu, il y a en a quand même beaucoup plus qu’il y a 20 ou 30 ans” estime Ipeva.

Le Metal d’origine, notamment le Black Death ou Heavy Metal, mais aussi le rock grunge, demeurent prégnants au Fenua malgré l’apparition de sous-genre : “A l’époque le Metal était plus violent, plus brutal, plus cru, alors que les jeunes d’aujourd’hui aiment le Metal un peu plus technique ; ce que l’on appelle progressif, un genre très cérébral où une attention particulière est portée sur la technique et des métriques plus complexes, c’est-à-dire impaires.”

C’est dans la salle historique de Tipaerui, que les groupes ont répété pour le Hoa Dark Fest de ce samedi 8 avril à la Brasserie Hoa.

Dossier de Taina Calissi

Ce samedi 8 avril : Hoa Dark Fest 2e édition

Hard Rock / Heavy Metal / Metal alternatif /Black Metal

Samedi 8 avril 2023 dès ouverture 18 h.

POTURU à 20h
URAVENA à 21h
TE RUKI à 22h

HEXIS à 23h (Groupe étranger danois, invité)

BILLETTERIE

• Préventes  :  1 000XPF / personne jusqua 16h samedi et sur internet sur www.hoaevent.com
• Ventes sur place : 1 500 F/ personne
• Billetterie physique : A la Brasserie HOA durant les heures d’ouvertures.

Guillaume, gérant de Hoa : “Hexis, c’est du gros calibre !”

(Cliché Hexis)

“Les événements musicaux, c’est l’ADN de Hoa. Le Hoa Dark Fest est un mix entre la volonté de Hoa de programmer des événements qui sortent du lot et les groupes locaux de Metal qui ont envie de se produire sur une scène ; car il est vrai qu’on ne les voit pas suffisamment. 

Et pourtant on a des groupes de très très bonne qualité qui composent en langue tahitienne, en reo paumotu. Ils ont tous leur univers propre et nous avons envie de les mettre en avant.  

On espère au moins 300 spectateurs comme pour la première édition en 2022. La tête d’affiche de cette année, Hexis, c’est du gros calibre. C’est Aroma de Te Ruki qui a été en contact avec eux et a géré le projet.

Je tiens à préciser que le Hoa Dark Fest est un travail conjoint entre Hoa et ces 3 groupes, Te Ruki, Uravena et Poturu qui mettent beaucoup d’énergie pour la communication et l’organisation. En soirée, en live, c’est canon j’adore ! C’est de la musique où tu as beaucoup d’énergie dépensée sur scène et ça se ressent avec le public. Pour la petite anecdote, l’an dernier on a cassé une batterie.

Propos recueillis par T.C

Aroma Salmon, Te Ruki : “on pense déjà monter en puissance pour la troisième édition

(Photo Te Ruki)

“Nous sommes heureux que le festival puisse se faire à la Brasserie Hoa. C’est un site adapté et dans la zone industrielle, ce qui permet de nous produire et de nous exprimer sans déranger le voisinage. C’est important pour nous.

De plus, l’espace est vraiment propice et grâce à cela, nous espérons renouveler chaque année avec idéalement des têtes d’affiche. Pour cette 2e édition avec le groupe danois Hexis, on a déjà une pointure, et on pense déjà monter en puissance pour la troisième édition.

Hexis compte 800 lives dans le monde à leur actif. Ils ont été signés par la grosse maison de disque indépendante Debemur morti. On a saisi l’opportunité de leur tournée dans le Pacifique (initialement prévus avant la crise sanitaire Covid) vers la Nouvelle-Calédonie, et la Nouvelle-Zélande puis l’Australie pour intégrer l’escale Tahiti. Le Metal est un mouvement underground actif, bien vivant et ce samedi 8 avril est une occasion de partage avec le grand public polynésien.

Propos recueillis par T.C