Justice – Joinville Pomare relaxé pour avoir occupé Miri

Entendu par les enquêteurs, Joinville Pomareleur déclare : "Je suis chez moi ! Ces terres m'appartiennent."
Entendu par les enquêteurs, Joinville Pomareleur déclare : "Je suis chez moi ! Ces terres m'appartiennent."
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L’affaire qui oppose Joinville Pomare à Thierry Barbion et au groupe Delano au sujet du lotissement Miri à Punaaiua fait son retour au tribunal correctionnel le 18 avril 2023. Le désormais roi Pomare XI, absent à l’audience, a été relaxé des trois délits pour lesquels il était mis en cause : l’occupation d’une parcelle de terrain servitude Rea 3 à Miri en juin 2020, un branchement sauvage sur le réseau d’eau du lotissement et enfin la dégradation d’un portail.

Impossible, sans lasser, de faire l’historique complet du conflit foncier et des différentes procédures, différents volets, d’un épais dossier, concernant la propriété de 180 hectares de terrain sur les hauteurs de Punaauia. Depuis les années 90, il y a eu des décisions du tribunal foncier, des procès au pénal, des procès d’appel, des arrêts cassés par la cour de cassation. Signe d’un conflit toujours existant, l’avocat de Joinville Pomare indique la présence, sur tous les actes de vente des propriétaires de Miri, d’une mention relative à la situation litigieuse des parcelles. Ce n’est pas cela qui est jugé alors.

Il est reproché à Joinville Pomare d’avoir tout d’abord occupé illégalement, en réunion, une parcelle de Miri où l’huissier constate, le 30 juin 2020, la présence de matériel pour la construction de ce qui doit être “une hutte royale”.

Autre fait, autre constat d’huissier le 3 juillet 2020. Un branchement illégal et un raccordement au réseau d’eau du lotissement près de la parcelle occupée. Sa majesté est aussi jugée pour avoir, quelques jours plus tard, soudé un portail pour bloquer l’accès aux parcelles les plus hautes du domaine géré par les différentes branches de la SNC Delano. “Il voulait empêcher que d’autres parcelles se vendent” dit son avocat. 

Entendu par les enquêteurs le 15 juin 2021, Joinville Pomare, sans suspens, déclare aux enquêteurs : “Je suis chez moi ! Ces terres m’appartiennent”. Il nie avoir détourné le moindre litre d’eau, ou encore soudé un quelconque portail.

800 propriétaires ont subi des nuisances

La société responsable de la répartition des charges du lotissement demande tout d’abord 250 000F pour le présumé vol d’eau. L’avocat de la société précise que le fait de savoir qui est réellement propriétaire du terrain ne change rien à sa demande.

Le branchement était illégal. Pire, il a été réalisé sans la pose d’un “clapet de retour” précise l’avocat. Un manque de précaution qui a nécessité la purge d’un des réservoirs des hauteurs, la Polynésienne des eaux ne pouvant plus garantir la potabilité de l’eau suite à ce branchement sauvage.

C’est ensuite à l’avocate de la SNC Delano 6 et 7, de charger le tout récent souverain. Pour le conseil des promoteurs, il n’y a plus de débat. Selon elle, plusieurs décisions de justice confirment que la SNC Delano est bien propriétaire des terres. Pour l’avocate, la tactique de Joinville Pomare est connue. Il vient, il bloque, il revendique, puis demande de l’argent pour partir. Elle s’étonne d’ailleurs qu’il n’ait jamais été inquiété pour extorsion de fonds. Selon l’avocate, au moment des faits, Joinville Pomare veut profiter de l’incarcération de Thierry Barbion dans une autre affaire, de sa faiblesse, pour aller occuper le terrain.

“Qu’est-ce qu’il n’a pas compris ce garçon ?”

Pour la représentante de la SNC Delano, “la situation est extrêmement claire sur la propriété” et les 800 foyers de Miri ont subi les nuisances engendrées par l’occupation de Joinville Pomare, ne serait-ce que par le risque que l’eau du lotissement soit polluée suite au raccordement de fortune.

Ils pourraient tous, selon elle, se constituer partie civile et réclamer des dommages et intérêts. Pour la société Delano, elle demande un renvoi sur intérêts civils pour fixer le montant de la réparation. Pour l’employé sur place chargé de la surveillance du site et présumé victime des menaces du roi et de sa cour, elle demande 500 000F et ses frais de justice.

Le procureur est bref. Pour lui, les faits sont avérés et Joinville Pomare n’a aucun titre de propriété. Il requiert un million de francs d’amende. L’avocat du nouveau souverain, qu’il nomme “le roi ma’ohi”, nie tout en bloc. Pour lui, concernant l’occupation du terrain, ça n’est pas un délit pénal. Selon lui, la procédure du ministère public se base sur une loi française de 2003 qui concerne les gens du voyage.

“Mon client n’est pas un gitan” dit l’avocat, pour qui on ne peut pas parler d’occupation illégale, car “c’est un simple litige foncier“. “Après 35 ans, on ne sait toujours pas qui est propriétaire” ajoute-t-il. Concernant le branchement illégal, Joinville Pomare “ne sait pas” ce dont on parle. Il est rarement sur place et personne ne peut prouver qu’il a joué avec les tuyaux. “Mon client ne boit que de l’Eau Royale”, conclut ironiquement l’avocat sur ce volet. Enfin, concernant le portail dégradé, là encore rien ne prouve que Joinville Pomare tenait le fer à souder. Il demande la relaxe totale de son client.

À défaut d’être, ou non, propriétaire, le tribunal donne raison à l’avocat du roi et le relaxe des trois chefs d’inculpation.

Compte-rendu d’audience Y.P