Elle casse une bouteille de rhum sur son visage, le couple condamné pour violences réciproques

(Photo : DR)
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Le 15 avril 2023, les forces de l’ordre sont appelées au petit matin dans un quartier de Papara. Sur place, un homme a la tête en sang. L’enquête révèle des violences réciproques entre époux depuis 2018, avec la circonstance aggravante qu’elles sont souvent commises devant leurs enfants mineurs. Après 48 heures de détention, ils écopent en comparution immédiate le 17 avril de la même peine : douze mois de prison dont six avec sursis.
L’homme de 46 ans se présente à la barre avec un énorme cocard à l’œil gauche, t-shirt bleu. Sa femme fluette est à ses cotés, t-shirt orange. Malgré ces couleurs historiquement opposées en cette période d’élection, ce qui les oppose n’a rien de politique. Le couple gère un magasin à Papara, mais leur collaboration se passe mal. Formée dans le monde de la restauration, madame est très disciplinée. Elle met en place, range et nettoie. Elle recadre aussi parfois les employés. Un excès de zèle qui ne plait pas forcément à son mari. Son avocat sous-entend que madame s’immisce un peu trop dans la gestion du magasin.
C’est donc pour des motifs uniquement professionnels que le couple en vient régulièrement aux cris, aux insultes, aux mains, puis à des actes de violence d’un autre calibre, comme une bouteille de rhum explosée sur le visage de son mari ce matin-là. Bilan: un énorme hématome sur l’œil gauche, une bosse sur le front, et huit agrafes dans le crâne.

Elle avoue que c’est toujours elle qui commence. Une déclaration tempérée par son conseil, car si elle lance les hostilités, c’est ensuite le mari qui ne sait pas s’arrêter. En couple depuis dix ans, leurs proches les ont tous déjà vu se battre. L’affaire se serait arrêtée là sans l’étude des téléphones du couple. Retrouvés par les enquêteurs dans les fichiers effacés du vini de l’épouse, des photos d’elle  le corps recouvert de bleus, mais aussi les photos d’une batte de base-ball. C’est avec cette batte qu’il s’en ai déjà pris à elle, il le reconnait. Ils ont d’ailleurs été tous les deux condamnés deux fois pour violences réciproques.

“J’ai perdu mon sang-froid”

C’est la seule explication donnée par madame concernant la bouteille fracassée dans la face de monsieur. “C’est vrai que c’est vous qui commencez toujours madame ?”, demande la présidente du tribunal. “Oui”, répond la femme de 35 ans.
“Votre solution à vous c’est quoi ?” demande le tribunal – La jeune mère répond être prête à quitter le domicile conjugal et à trouver un autre travail. Le mari acquiesce. Pour ne pas perturber les enfants avec un déménagement, elle indique qu’elle souhaite qu’ils restent avec le papa. On demande alors au mari ce qu’il en pense : “comme elle a dit, on se sépare et je garde les enfants”.

L’Association polyvalente d’actions judiciaires (APAJ) qui représente les deux enfants de trois et sept ans, demande 100 000 F pour chacun d’eux pour le préjudice moral, mais ne requiert pas le placement en foyer ni la perte de l’autorité parentale. La procureure rappelle que le fait que les violences aient eu lieu devant leurs enfants mineurs est une circonstance aggravante. Pédagogue sans être moralisatrice, elle passe d’ailleurs un long moment, le regard fixé sur le couple à la barre, à rappeler les traumatismes que cela représente pour des enfants d’assister à ce genre de scène de violence. Selon elle, ils sont des victimes indirectes des coups de leurs parents. Pour, justement, ne pas rajouter à leur traumatisme le fait d’avoir des parents incarcérés, elle requiert une peine d’un an de prison dont six mois avec sursis, mais sans mandat de dépôt.
L’avocate du père aborde le contexte de vie du couple. Le magasin vivote mais c’est beaucoup de travail, et comme ils vivent dans l’arrière-boutique, c’est quasiment du 7 jours sur 7. Ajouté à cela un frère handicapé et un père malade dont il faut s’occuper, le couple est à bout. Pour la défense du père, ils ne sont pas violents par nature, ce sont les circonstances qui les rendent violents. L’avocate de la mère cette fois indique que, si elle est la première à “démarrer les disputes”, c’est lui qui fait durer les conflits, même quand elle veut que cela cesse.
Le tribunal suit les réquisitions sur les peines de prison, 1 an dont six mois avec sursis. Ils devront tous les deux suivre un stage sur les violences conjugales, suivre des soins psychologiques et verser 80 000 F à leurs enfants mineurs pour le préjudice moral.

Compte rendu d’audience Y.P