Addictions : 52 % des nouveaux patients ont moins de 30 ans

Taote Bourdoncle, médecin en psychiatrie et en addictologie. Il est également responsable du centre de prévention et de soin des addictions depuis 2021. (Photo : SB)
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Taote Romain Bourdoncle, médecin psychiatre-addictologue, est le responsable du centre de prévention et de soin des addictions. Ce dernier, anciennement nommé ” Service d’Alcoologie et de Toxicomanie” existe depuis 1984. Il est seul service en Polynésie française à être spécialisé dans les addictions.

Le centre traite des problèmes d’addiction comme le tabac, l’alcool, le paka, et l’ice mais aussi de nouvelles addictions comme celles liées aux écrans ou bien encore, moins connues en Polynésie française, celles aux opiacés. Il assure, pour les personnes concernées, une prise en charge et un suivi médical, psychologique social, familial.

Visuel : rapport 2022 du centre de prévention et de soin des addictions.

Taote Bourdoncle présente le rapport d’activité du centre pour l’année 2022. En 2021, 1 500 patients en file active (nombre total de patients pris en charge par le centre au cours de l’année) étaient suivis. En 2022 on constate une augmentation de 20% avec 1 800 patients.

Sur cette même année 2022, la proportion des femmes qui ont consulté a aussi augmenté. Alors qu’en 2020 elles étaient 32 % et 34 % en 2021, elles représentent en 2022, 40 % des nouveaux patients.

Plus inquiétant, les jeunes qui sont de plus en plus touchés par les problèmes d’addiction. Comme le mentionne Taote Bourdoncle et le rapport d’activité, 52 % des nouvelles personnes suivies ont moins de 30 ans.

Chez les moins de 20 ans, la consommation de paka tient la barre haute dans les problèmes d’addiction. A partir de 21 ans et au delà, l’alcool demeure le produit addictif pour lequel il y a le plus de consultations.

Visuel : rapport 2022 du centre de prévention et de soin des addictions.

40 % des consultations pour consommation d’ice font suite à une décision de justice

Autre information présentée par le spécialiste, la façon dont les personnes sont amenées à consulter. Dans 1/3 des cas, il s’agit de personnes qui consultent suite à des décisions de justice. Pour l’ice par exemple, 40 % des patients consultent le centre suite à une injonction de soins.

Visuel : rapport 2022 du centre de prévention et de soin des addictions.

Un autre tiers des consultations émanent directement du milieu scolaire. La consultation directe du patient ou sur demande de sa famille représente 22 %. Seulement 7 % des consultations sont imputables au milieu médical.

Romain Bourdoncle indique que le centre doit intégrer le pôle de santé mentale, Pu Ati’a, dès janvier 2024. Dans ce pôle, situé entre le Taaone et Jean-Prince, le centre bénéficiera de 12 lits pour “faire du sevrage, être un hôpital de jour, continuer les consultations, et avoir une équipe de liaison avec le CHPF.”

C’est une excellente opportunité pour le médecin que de disposer de ces lits pour accueillir les patients. Aujourd’hui par exemple, pour l’alcool, le psychiatre explique que le sevrage est, soit ambulatoire, soit en cure. La cure est le processus de “guérison” qui fonctionne le mieux indique le spécialiste. Cependant il est difficile, voir impossible, d’envoyer un patient de Polynésie française en métropole pour y suivre une cure. Seulement un ou deux patients du centre partent en France, par an, pour y suivre des soins.

Visuel : rapport 2022 du centre de prévention et de soin des addictions.

Constat d’une nouvelle addiction : les opiacés

Le taote Bourdoncle mentionne également un nouveau problème d’addiction, celle aux opiacés. Alors qu’à son arrivée sur le poste en 2021, aucun patient n’était suivi pour ce problème, le centre en compte désormais une trentaine. Certains patients développent une accoutumance à certains médicaments comme le tramadol. Ce dernier n’est pas un dérivé de la morphine mais une molécule originale qui agit sur les récepteurs du cerveau sensibles à la morphine.

Les actions de taote Bourdoncle et de ses équipes ne se concentrent pas seulement à Tahiti Nui. (Photo : SB)

L’action du centre de prévention et de soin des addictions

Le centre ne travaille pas uniquement sur Tahiti Nui. Chaque semaine, un spécialiste du centre se rend à la Presqu’île afin d’assurer suivi, accompagnement et soins aux personnes souffrants d’addictions.

Les îles ne sont pas en reste et le centre essaye d’être au plus près de la réalité du terrain dans les différents archipels. En 2022, 18 tournées ont été réalisées, à chaque fois sur plusieurs jours. Par exemple deux tournées de cinq jours aux Marquises ou encore onze tournées de deux jours dans les Raromatai.

Le pôle de santé mentale Pu Ati’a

Les travaux du pôle ont pris du retard, énormément de retard. Après des annonces de livraison du bâtiment en 2019, à la fin du 4ème trimestre 2022 ou encore au 1er trimestre 2023, ce dernier n’est toujours pas opérationnel. Il devrait cependant être finalisé prochainement.

Seule une question reste en suspens aujourd’hui : celle du financement pour le fonctionnement du pôle. La Dépêche de Tahiti relayait dans ses pages, le 16 décembre dernier, les interrogations liées au fonctionnement du futur établissement. A la fin de l’année 2022, cela faisait plus de 6 mois que le projet de financement de fonctionnement de l’établissement, présenté en conseil des ministres par le ministre de la Santé lui-même, était rejeté. Le dernier conseil du 13 décembre 2022 n’avait pas failli à la règle et bottait également la question en touche.

Il était désormais demandé à ce que ce futur établissement fasse au préalable des démarches pour obtenir le statut d’EPS (établissement public de santé), des démarches juridiques et administratives lourdes qui repousseraient d’au moins 1 an l’ouverture de la structure.

En pleine période électorale et à 15 jours du second tour des territoriales, les politiques ont probablement d’autres “priorités” à gérer. En espérant que le prochain gouvernement reprenne rapidement la main sur le dossier afin de rapidement répondre à un réel besoin de la population sur l’accompagnement et les soins liés à la santé mentale et aux addictions.