Terrible accident à Toahotu – Deux ans avec sursis pour le chauffard

(Photo : Y.P)
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Le 23 décembre 2022 sur la route de Teahupoo, le SUV d’une famille avec cinq personnes à bord était percuté de plein fouet par un pick-up à la sortie d’un virage. Bilan, entre 70 jours et six mois d’ITT pour quatre personnes, dont deux enfants en bas âge gravement blessés. Le conducteur qui roulait sur la file de gauche, à priori sous l’emprise de cannabis et sans assurance, a été condamné le 24 avril 2023 à deux ans de prison avec sursis.

C’est la période des fêtes. À la veille du réveillon de Noël, la famille Tapu (nom d’emprunt), prend la route de Teahupoo aux aurores. Leur prudence est immédiatement soulignée par le tribunal. Tous sont attachés dans un véhicule assuré. La conductrice est titulaire du permis, sobre, les deux enfants de deux et trois ans installés dans un siège bébé réglementaire. L’importance que ces sièges ont eu pour leur survie est d’ailleurs martelée tout au long de l’audience. Un des avocats dit même aux journalistes d’insister sur l’importance de ce dispositif trop souvent négligé.  

Le choc est frontal, ultra violent

A la sortie d’un virage à Toahotu, la conductrice voit surgir un pick-up du mauvais côté de la route qui semble rouler à vive allure. Elle tente une manœuvre d’évitement mais il est trop tard, aucune trace de freinage, le choc est frontal, ultra violent. Face à l’ampleur des dégâts et à la gravité des blessures des passagers, les pompiers de Toahotu appellent à l’aide leurs collègues de Taravao puis de Teva i Uta. Ils doivent scier le SUV pour extraire les deux personnes à l’avant d’un véhicule presque compressé. Quatre passagers sur cinq sont hospitalisés.  

En face du SUV, un pick-up de fêtards. À 5h30 du matin, Joe (prénom d’emprunt) et deux de ses amis rentrent d’une fête. Joe explique qu’ils ont dormi sur place sans pouvoir dire combien de temps. Il avoue faire la fête depuis plusieurs jours et met l’accident sur le compte d’une extrême fatigue. Selon lui, c’est lorsqu’il a voulu toucher son autoradio qu’il s’est déporté sur la voie de gauche. Il passe quatre jours à l’hôpital, mais s’en sort très bien. Un de ses passagers a le nez cassé. Il reconnaît avoir fumé du paka la veille, ne pense pas qu’il roulait vite. Il a son permis mais son véhicule n’est pas assuré.

Les deux chevilles broyées

La conductrice du SUV, la plus gravement touchée, s’approche à la barre, toujours équipée de béquilles plus de cinq mois après l’accident. Elle a déjà subi plusieurs opérations et sa convalescence va être longue. Très vite, elle est prise par l’émotion en décrivant l’horreur de l’accident. Elle a beau avoir eu les chevilles broyées, un genou encastré dans le tableau de bord, c’est le souvenir des enfants blessés et l’image horrible de son frère qui vomissait du sang pris au piège du véhicule à ses côtés qui la fait fondre en larmes. 
Un témoignage qui émeut toute la salle d’audience, notamment le conducteur du pick-up qui semble enfin réaliser ce dont il est responsable. Il revient l’air sincèrement abattu à la barre : “Je voulais à nouveau m’excuser […] C’est choquant les dégâts que j’ai fait”.

L’avocat des victimes revient forcément sur la violence du choc et les blessures subies par ses clients, notamment un enfant de deux ans et demi avec 70 jours d’ITT placé en coma artificiel après un traumatisme crânien. Avant une évaluation plus précise des dommages et intérêts, Maître Dubois demande une provision de trois millions de francs pour la conductrice, un million pour les trois autres personnes blessées. Selon le tribunal, les frais médicaux engagés par la CPS sont déjà proches de huit millions de francs. 

Alcool dans le sang et vitesse présumée excessive

Il évoque aussi le taux d’alcoolémie du conducteur. 0.44 gramme d’alcool dans le sang. Un taux à la limite du taux condamnable de 0.5 gramme alors que l’analyse n’est faite que quatre ou cinq heures après l’accident. Selon l’avocat, on peut facilement en déduire que le conducteur était largement positif au moment de l’accident, même si cette circonstance aggravante n’a pu être retenue. 
Un argument que reprend immédiatement le procureur qui revient ensuite sur la vitesse présumée excessive du pick-up. L’impression de la victime est confirmée par un témoin de l’accident. Dans une maison en bord de route, un homme, pêcheur, qui regarde l’horizon pour préparer sa sortie en mer a assisté à l’accident. Il parle “d’une vive allure” concernant le véhicule du prévenu.

On ne doit pas fumer de paka avant de conduire “mais avant, quand ?”

Après avoir, lui aussi, salué l’installation de siège bébé qui a permis, dit il, “de sauver la vie de leurs enfants”, l’avocat du bringueur inconscient revient sur les faits et la circonstance aggravante du paka. Il reconnaît que la loi dit qu’on ne doit pas fumer avant de conduire, “mais avant quand?”, s’interroge-t-il. Pour lui, son client a fumé “le jour d’avant”, mais on ne peut pas affirmer qu’il était encore “sous influence”. Pour le conseil, le seul taux d’alcool mesuré est légal, la vitesse excessive évoquée ne peut-être confirmée.  

Le tribunal condamne le trentenaire à deux ans de prison avec sursis. Son permis est annulé avec interdiction de le repasser avant huit mois. L’audience qui doit déterminer le montant des dommages et intérêts est fixée au 18 octobre 2023. 

Correspondance Y.P