Tourisme – Ces paquebots “gros porteurs” qui interrogent

Le paquebot "Ovation of the seas", ce lundi 24 avril, à son arrivée dans la rade de Papeete. (Photo : JMM)
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La semaine passée, le Quantum of the seas frappait ses amarres à Papeete avec plus de 5000 passagers à son bord. Ce lundi 24 avril, c’est le paquebot Ovation of the seas et ses quelques 4000 passagers qui a fait son entrée dans la rade de la capitale. Et force est de constater que l’arrivée de ces “super-paquebots” est source de réactions de la population, surtout sur les réseaux sociaux. Point majeur de cette interrogation, la proposition, soulevée en 2021 par le gouvernement Fritch, d’un projet de loi ayant pour finalité l’interdiction, dès janvier 2022, de voir de tels navires dans nos eaux.

Pour rappel, Nicole Bouteau, ex-ministre du tourisme et du travail, déclarait, en 2021, à nos confrères de Polynésie la 1ère, sur ces compagnies aux capacités extraordinaires  : “ces compagnies, qui aujourd’hui sont dans une démarche de construire de plus en plus grand et de plus en plus gros, nous leur disons : dans vos autres gammes de navires, petites, moyennes capacités, vous êtes les bienvenus mais vos navires de très grandes capacités ne sont pas faits pour notre destination.

De véritables villes flottantes font parfois escale à Papeete. (Photo DG)

Le gouvernement, via sa ministre de l’époque, appuyait sa volonté d’interdire totalement, dès janvier 2022, des navires de croisière de plus de 3500 passagers dans les îles de Polynésie française. État de fait ici d’une volonté appuyée de la collectivité de concentrer ses actions pour un tourisme durable sur le territoire mais aussi de contrôler les foules, notamment sur des îles où les infrastructures sont peu ou pas du tout pas adaptées.

Quid aujourd’hui de cette loi ? Elle n’a jamais été soumise au vote de l’assemblée. Par conséquent aucune texte réglementaire n’existe à ce jour.

Pas de loi mais des explications

En octobre 2022, James Heaux, représentant Tavini à l’Assemblée de la Polynésie française, réagissait lui aussi à l’arrivée, des deux paquebots cités précédemment et interrogeait le gouvernement sur son positionnement sur l’accueil de ces villes flottantes.

Par réponse datée du 2 novembre 2022, le gouvernement confirmait son intention de contrôler les croisières et de limiter les gros porteurs. Il justifiait aussi des actions déjà menées dans ce sens avec comme principaux objectifs de privilégier les navires de petites et moyennes capacités, de permettre l’amarrage occasionnel de bateaux allant jusqu’à 2500 passagers, limiter les escales de bateaux transpacifiques de maximum 3500 passagers et d’interdire tout simplement toute escale aux bateaux de plus de 3500 personnes.

Le tourisme de croisière génère de nombreuses retombées économiques, mais le Pays souhaite éviter le gigantisme. (Photo DG)

Le gouvernement, dans cette réponse, appuie ses dires par des exemples chiffrés pour 2022. L’an dernier, sur la totalité des paquebots ayant fait escale dans nos eaux, le gouvernement précise en effet que seuls 8 % étaient des navires ayant une capacité de 2500 passagers, 1 % ayant une capacité de 2500 à 3500 passagers et 0,4 % ayant une capacité supérieure de plus de 3500 passagers.

Difficultés rencontrées pour le gouvernement : les programmes de navigation/d’escales sont souvent établis deux ou trois ans à l’avance et qu’il est difficile de refuser systématiquement des escales pour les bateaux transpacifiques de plus de 3500 passagers qui ont besoin d’escales techniques pour les longs trajets qu’ils effectuent. Ces bateaux peuvent être reçus à Papeete, Raiatea et Moorea, qui disposent des infrastructures nécessaires.

Le gouvernement assure dans sa réponse au représentant James Heaux, que ” l’ensemble des compagnies sont désormais informées et conscientes du cap” fixé par le gouvernement et que ce cap est bien tourné “vers une activité de croisière maîtrisée et cohérente dans les eaux et îles d’escale de la Polynésie française.” Ces enjeux de la croisière, précise enfin le gouvernement, font partie de la feuille de route Fari’ira’a manihini 2027.

Bora Bora, une activité de croisière déjà contrôlée

(Photo : La compagnie du Ponant)

En 2021, Nicole Bouteau, ex-ministre du tourisme et du travail expliquait : “Nous sommes sur un axe d’un tourisme durable qui permet à l’ensemble des îles et des populations de pouvoir bénéficier des retombées du tourisme. Sur l’île de Bora Bora, la stratégie de développement est de ne pas dépasser 1200 passagers de croisière par jour, et donc par escale. Donc là aussi, c’est une volonté de privilégier des navires de petite et moyenne capacité pour préserver le lagon et la qualité de service qui fait la réputation de nos îles et de Bora Bora.”

Contacté par La Dépêche de Tahiti, Gaston Tong Sang, tavana de Bora Bora, confirme que depuis un an, l’activité des croisières est déjà contrôlée sur la Perle du Pacifique, via une décision du conseil municipal. Pas plus de 1 200 passagers par jour en escale sur l’île.

Le tavana explique qu’il existe deux mouillages dans le lagon de Bora Bora. Si les deux mouillages sont pris par deux bateaux, il n’est pas possible que la somme des passagers, pour les deux navires réunis, dépasse les 1200 passagers. Des dérogations, essentiellement pour les itinéraires prévus de longues dates, peuvent être cependant accordées pour 2000 passagers.