“Nous gagnerons les Territoriales et sans faire d’alliance”. Le président du Tavini huiraatira, Oscar Temaru, ne s’était pas trompé, en décembre 2022, lorsqu’il pronostiquait, dans la foulée du succès du parti bleu clair aux législatives, une victoire du camp indépendantiste lors du renouvellement des 57 représentants à l’assemblée de la Polynésie française.
Après le Taui de 2004 qui avait vu la victoire de la plateforme de l’Union pour la démocratie (UPLD), les forces autonomistes vont devoir à nouveau quitter l’exécutif, sans cacher leur déception. La fameuse “catastrophe” évoquée par Edouard Fritch et Gaston Flosse…
Le Tavini huiraatira empoche la prime majoritaire de 19 sièges, gage d’une stabilité politique qui n’existait pas avec le précédent mode de scrutin. Ce second tour des Territoriales a vu une forte hausse de la participation par rapport au premier tour. Certains ont voulu y voir un “sursaut républicain” voire “citoyen” et ont pu penser que le rapprochement “in extremis” du Tapura d’Edouard Fritch et du Amuitahiraa de Gaston Flosse allait inverser la vapeur de la poussée indépendantiste.
Cette union des anciens “meilleurs” ennemis a probablement autant séduit les fidèles qu’elle a irrité ceux qui n’y ont vu qu’un opportunisme de circonstance.
“Oscar Temaru pourra remercier Nuihau Laurey et Nicole Sanquer de lui avoir ouvert la porte du pouvoir” a déclaré ce dimanche soir Edouard Fritch, préférant botter en touche son échec sur l’opposition autonomiste plutôt que de conduire un début d’autocritique sur le comportement du Tapura huiraatira “aux affaires” depuis 10 ans. Une remarque qui évoque les reproches, en 2004, de Gaston Flosse à l’encontre de Philip Schyle et Nicole Bouteau, accusés également à l’époque d’être les responsables de “la bascule”.
Une victoire inédite pour le camp indépendantiste qui améliorait sans cesse ses résultats depuis une trentaine d’années. Une victoire de la détermination de son leader Oscar Temaru, qui a créé le Front de libération de la Polynésie (FLP) en 1977, mais aussi le succès d’une stratégie donnant la part belle à de nouveaux visages, à l’image des trois jeunes élus indépendantistes aux législatives.
La personnalité plutôt fédératrice et “moderne” de Moetai Brotherson, candidat du Tavini à la présidence du Pays, a sans doute joué aussi un rôle d’importance puisqu’il est parvenu à séduire un électorat autrefois frileux vis-à-vis des “séparatistes”.
Pour le Tavini huiraatira, ce dimanche 30 avril représente “le grand soir”, il sera majoritaire à Tarahoi et pourra gouverner sans passer son temps à chercher une majorité. “Ils ont gagné ces élections, ce sont de bons stratèges, ils ont menti à la population” a commenté hier soir Gaston Flosse sur la 1ere, qui se déclare convaincu que le Tavini pratiquera un double langage sur la question de l’accession à la souveraineté.
Reste que dorénavant, le Tavini huiraatira a, c’est certain, de nouvelles cartes dans son jeu pour contraindre le gouvernement central à Paris d’enfin accepter et considérer la réinscription, depuis 2013, de la Polynésie française sur la liste des pays non-autonomes de l’ONU.
Une certitude : l’actualité des prochains jours, et des prochaines semaines, sera très politique…
Damien Grivois