Edito – “Une vague bleue surgie du déni”, par Karim Ahed

Militants Tavini à Papenoo.
Militants Tavini à Papenoo. (Photo : Damien Grivois)
Temps de lecture : 2 min.

“Les résultats du second tour de l’élection territoriale ne sont pas vraiment une surprise. La Dépêche avait souligné que l’affaire était plus complexe qu’une simple addition, plutôt une vraie équation dans laquelle se mêlent rationnel et irrationnel ! Le mariage surprise entre les rouge et les orange ne pouvait régler à lui seul la problématique. 

La “vague bleue” a donc déferlé sur la Polynésie française. Le Tavini a réalisé un travail de proximité sur le terrain, où son message porté par des jeunes a manifestement reçu un accueil favorable. Car le besoin de changement est grand, très grand. 

L’attitude de déni du gouvernement Fritch devenait insupportable au regard des évènements passés : le mariage de Tearii Alpha, la cérémonie présidentielle en hommage à Sylvestre Bodin, la “TVA sociale” de 1% ou encore le mépris affiché envers l’opposition à Tarahoi. Des symptômes d’usure du pouvoir…

A aucun moment, le président du Pays et chef de la majorité n’a su mesurer le mécontentement grandissant de la population. Il n’a pas davantage perçu l’impopularité grandissante de son gouvernement. De fait, l’abîme s’est creusé, à mesure que le temps passait, entre le pouvoir et la population. 

“Le Grand pardon”

Le chef de l’exécutif pensait que le fait de dire “pardon” allait suffire, alors même que ce mea culpa est intervenu tardivement. De simples excuses ne pouvaient ainsi effacer un contentieux devenu insupportable au fil des jours. Sa  gestion de la crise sanitaire lui a été fatale.

Déjà, les législatives avaient constitué une sérieuse alerte. Edouard Fritch se devait de réagir, en remaniant son gouvernement. Que nenni! Il est resté comme tétanisé, sourd et aveugle !

Le soir même des élections, le président a encore été frappé de déni de réalité. Les responsables de la défaite de l’union rouge-orange, ce sont encore les autres, en l’espèce Nicole Sanquer et Nuihau Laurey ! Edouard Fritch s’absout de toute responsabilité. Pourtant, qu’a-t-il fait durant son mandat pour ressouder son camp ? A-t-il considéré les critiques, les apports de l’opposition autonomiste ? Non, il n’a corrigé aucune erreur, parfois au nom de l’amitié, et laissé le bateau sombrer. Un proverbe dit “celui qui ne rougit pas de sa faute, l’augmente”. Tout est dit.

Le mérite des Bleus

Les erreurs du Tapura ont profité au Tavini. Le pari de Moetai Brotherson s’est avéré payant. Malgré les risques, le futur leader a relevé le défi. Cet exploit électoral devrait lui permettre de ressouder son parti, un temps divisé. La victoire lui confère désormais le statut de leader incontesté. 

Sa stratégie basée sur l’ouverture en direction des jeunes a fonctionné. Démocratiquement, la population a offert 38 sièges au Tavini, soit la majorité absolue pour les 5 ans à venir. Cette stabilité doit lui permettre, cette fois, d’exercer le pouvoir sans compromission ni marchandage. 

Moetai Brotherson a annoncé que le “temps de la conquête du pouvoir est désormais derrière nous, celui de l’exercice des responsabilités commence”. Sage parole ! Car si le pouvoir a beaucoup de courtisans et de prétendants, le sens des responsabilité est moins attractif !

Le sociologue allemand Max Weber évoquait ce concept d’ethique de responsabilité et d’éthique de  conviction. Le Tavini prétend incarner les deux, un beau défi ! Face aux exigences de la population, la responsabilité du nouvel exécutif est immense. L’écrivain français Albert Camus avait coutume de dire que “la démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité”.

La majorité sortie des urnes le 30 avril au soir a du “faraoa” sur la planche…

Karim Ahed