Justice – Trafic d’ice à Faa’a, “El Taco” retourne 30 mois en prison

Le tribunal a considéré que le patriarche des Hauata était à la tête d'un réseau et lui a infligé quatre ans de prison ferme.
Le tribunal a considéré que le patriarche des Hauata était à la tête d'un réseau et lui a infligé quatre ans de prison ferme. (Photo YP)
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Condamné en appel à six ans ferme en février 2019 pour l’importation d’un kilo d’ice, Tehotu Hauata dit “Taco” comparaissait, au côté de son père et de deux autres prévenus, pour sa participation, seulement quelques mois après sa sortie de prison, à un trafic d’ice quartier “Batipol” à Faa’a.

A l’issue d’une longue audience pleine de rebondissements le 27 avril 2023 en comparution immédiate différée, il a été condamné à 30 mois de prison ferme

C’est une dénonciation qui lance la procédure début 2022. On signale aux forces de l’ordre l’existence d’un point de vente d’ice PK 5,5 à Faa’a, “quartier Batipol”. Les habitants des lieux sont connus de la justice, notamment Tehotu Hauata, condamné à six ans ferme pour avoir été le grossiste d’un réseau à l’origine de l’importation d’un kilo d’ice en 2019.

Dans le box des accusés à ses côtés, son père et “l’homme à tout faire” des Hauata surnommé “Poisson”. Un autre jeune homme, présenté comme spécialiste du conditionnement et vendeur privilégié, “Faniu”, comparaît libre, placé sous contrôle judiciaire. Très vite, un dispositif comprenant surveillance et écoutes téléphoniques est mis en place. Le trafic est confirmé.

C’est un petit réseau de quartier, pas un cartel de businessmen. Tous accros à l’ice, ils vendent à six ou sept acheteurs réguliers pour financer leur consommation.

On parle rapidement de celui chez qui le petit réseau des Hauata va se fournir. Le tristement célèbre Osman Tuihani, multi-condamné dans des affaires de stupéfiants, qui s’est récemment autoproclamé en salle d’audience le “Léo Messi” de l’ice lors de son dernier jugement en février 2023. 

En garde à vue, tout le monde ment

Le premier appelé à la barre est présenté comme le principal vendeur du réseau, “Faniu”. Il est le seul à avoir été placé sous contrôle judiciaire et non pas placé en détention provisoire.

L’avocat des Hauata sous-entend que c’est parce qu’il a dénoncé les autres qu’il a bénéficié de ce privilège, peut-être aussi parce qu’il est le fils d’un gendarme à la retraite. Seulement le tout jeune premier vendeur surprend tout le monde, à commencer par sa propre avocate.

Alors qu’il s’était rapidement mis à table, et incriminé en tant que tout petit vendeur aux ordres de Hauata, père et fils, il se charge et dit qu’il a menti. “Je n’ai rien fait pour eux”, “Je faisais ça tout seul”.

En garde à vue, il détaille pourtant les rôles de chacun, Taco organise, son père s’approvisionne chez “Osman”, il se charge d’écouler avec un autre homme, surnommé “Poisson”, qui vit chez les Hauata. Faniu donne aussi une estimation du chiffre d’affaires quotidien, explique la répartition des bénéfices.  Selon lui, pendant la période concernée, environ 150 grammes sont écoulés. Désormais donc, tout est faux. Un revirement de situation qui provoque une question du procureur : “Vous avez subi des pressions ?”. “Non”.

Son avocate, effarée, l’interroge alors  : “Tu as peur d’eux ?, qu’est ce qui t’arrive aujourd’hui ?”

– “Je veux dire la vérité” répond le jeune homme.

– “Est ce que tu prends les gens pour des imbéciles ?”

– “Non”

– “Alors pourquoi tu mens ? Tout le monde voit que tu mens ! […] Pourquoi est-ce que tu racontes ça aujourd’hui ?”

– “Je ne sais pas”

“Une partie de poker menteur, avec des joueurs pas très subtils”

Pour Taco et son père, les déclarations face aux enquêteurs et celles faites à l’audience changent également du tout au tout. Taco, qui avait avoué en garde à vue être celui qui organisait le trafic et fait passer son père comme un simple coursier, dit être un simple spectateur du trafic de son père et du premier vendeur.

Il a bien servi quelques clients, bracelet électronique à la cheville comme le montrent les surveillances, il a fumé les bénéfices, mais il nie toute autre implication. Son avocat met en avant le fait qu’il n’est d’ailleurs quasiment jamais cité dans les écoutes téléphoniques réalisées. 

S’il a menti en garde à vue, c’est uniquement pour protéger son père, dit-il. A l’inverse, le père qui avait parlé en garde à vue “du trafic de son fils”, se présente aujourd’hui comme consommateur et vendeur au même titre que le jeune homme de 21 ans.

L’assistance vit un petit moment de sourire et de détente générale lors de cette audience tardive, lorsque le prévenu conseille le président du tribunal. Selon le patriarche, pour ne pas risquer de voir les accusés changer de version dans ce genre de dossier, il faudrait attendre dix jours avant d’interroger un consommateur d’ice pour être sûr qu’il ne dise pas n’importe quoi…

Le second vendeur, “Poisson” est le seul qu’on ne peut pas accuser de changer version, car il fait valoir son droit au silence et ne répond à aucune question pendant toute la durée de la garde à vue. Il est un simple consommateur qui “aide les gens à se fournir”, en contrepartie ses clients le font fumer. Il dit consommer régulièrement avec le père Hauata à qui il rend des services en échange de son logement, mais il ne trafique pas, dit-il.

Face au virage à 180 degrés des prévenus sur leurs implications respectives, le procureur choisit d’en rester au dossier et aux déclarations réalisées en garde à vue. Il requiert des peines allant de 18 mois à quatre ans de prison. Une avocate parle “d’une partie de poker menteur, avec des joueurs pas très subtils”. Tous tentent de minimiser l’implication de leurs clients. 

Le tribunal considère finalement que le père est à la tête d’un réseau créé avant la libération de Taco. Il lui inflige la plus lourde peine, quatre ans de prison ferme. Taco n’aura goûté au parfum de la liberté que sept mois seulement. Il retourne en cellule pour 30 mois. Poisson prend un an ferme, tout comme Faniu. Arrivé libre, il repart avec les autres, direction Nuutania car le tribunal prononce à son encontre un mandat de dépôt.

Compte-rendu d’audience : Y.P