Prime majoritaire : le gouvernement central est-il “l’arroseur arrosé” ?

Après ce second tour des Territoriales 2023, la fameuse prime de 19 élus vient de tomber dans la poche du Tavini huiraatira, qui en devient dès lors quasi-inamovible pendant cinq ans. Pas forcément le scénario qu'envisageait Paris... (Photo : Anne-Charlotte Lehartel)
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Au terme de 10 années d’instabilité politique (2004-2013) marquées par des retournements de veste, des trahisons et des majorités fragiles qui ne “tenaient” parfois que grâce au renfort d’un seul élu, le législateur a adopté un nouveau mode de scrutin visant à garantir des majorités fortes au sein de l’assemblée de la Polynésie française.

Même si la loi électorale ne le stipule évidemment pas, il est permis de penser que le gouvernement central – qui n’est pas connu pour plaider en faveur de l’accession à la souveraineté de Tahiti et ses îles – , espérait ainsi surtout “bétonner” des majorités… autonomistes.

C’est le principe de “l’arroseur arrosé”, comme quand Gaston Flosse décidait de dissoudre l’Assemblée dans l’espoir d’être encore mieux élu, pour finalement devoir céder sa place au “séparatiste” Oscar Temaru après le fameux Taui de 2004. Quelques petites dizaines de voix avaient fait la différence…

Après ce second tour des Territoriales 2023, la fameuse prime de 19 élus vient de tomber dans la poche du Tavini huiraatira, qui en devient dès lors quasi-inamovible pendant cinq ans.

“Il est évident que Paris préférerait travailler avec des autonomistes” confirme le politologue Sémir Al Wardi. “Mais en réalité c’est plus complexe, parce que la campagne ne s’est pas déroulée sur le thème de l’indépendance. Le Tavini et A Here Ia Porinetia ont surtout insisté sur le coût de la vie, les problèmes économiques et sociaux, avec une précision de Moetai Brotherson largement relayée, comme quoi la souveraineté n’était pas le sujet.” 

Certains autonomistes ont préféré voter Tavini, souvent par rejet de l’alliance de dernière minute Tapura/Amuitahiraa. Le succès du Tavini est-il d’ailleurs construit sur un vote d’adhésion à son programme, ou plutôt sur un vote sanction envers le Tapura ?

“C’est les deux. Il y a eu un rejet évident du Tapura par rapport à toutes les fautes qui ont été commises pendant la crise de la Covid-19” estime Sémir Al Wardi. “Il y a aussi eu un rejet du Tapura par rapport à la TVA sociale, et par rapport au fait que le parti rouge n’a rien changé après sa défaite aux législatives. Le Tapura n’a pas compris le message et n’a pas réagi.”

Selon le politologue, le parti d’Edouard Fritch aurait du, à ce moment-là, remanier son gouvernement “et se séparer des personnes qui posaient problème, comme Tearii Alpha ou Yvonnick Raffin pour dire les choses clairement.”

Le Tavini huiraatira a été “dédiabolisé grâce à sa jeune garde qui a développé un discours selon lequel il faut maitriser les paramètres économiques et sociaux avant de penser à autre chose” analyse encore Sémir Al Wardi.

Au regard des résultats obtenus par le parti indépendantiste dans des “fiefs” Tapura comme Punaauia, Moorea, Mahina ou encore Teva i Uta, certains tavana doivent-ils commencer à nourrir quelques inquiétudes ? “La stratégie d’intégrer des maires sur la liste est une stratégie ancienne qui fonctionnait très bien auparavant, mais ça ne marche plus, c’est évident…” conclut le politologue. “Mais les maires restent très dépendants des ressources publiques de la Polynésie française. (…) Le Tavini est au pouvoir mais ne peut pas tenir rigueur aux tavana. Je ne pense pas que le vote des Territoriales préfigure un danger au niveau municipal”.

D.G.