Education – Des lycéens enfilent la robe pour le droit des femmes

À l'issue de l'audience, le tane violent, Teva, joué par Hawaiki Huria, est condamné à 18 mois de prison avec sursis.
À l'issue de l'audience, le tane violent, Teva, joué par Hawaiki Huria, est condamné à 18 mois de prison avec sursis. (Photo YP)
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Dernière étape d’un vaste projet éducatif initié par deux enseignantes du lycée du Diadème à Pirae sur le thème des droits des femmes et leurs évolutions, le procès fictif d’un auteur de violences conjugales a été joué par des élèves de BTS, le 3 mai 2023, dans la grande salle d’audience du Palais de justice de Papeete. Le film de ce procès, ainsi qu’une pièce de théâtre filmée seront prochainement ajoutés aux nombreuses ressources pédagogiques de la DGEE et accessibles à tous les autres établissements

Hawaiki Huria dans le rôle du prévenu. Ils sont rarement aussi souriants… (Photo YP)

Porté par Nadia Groune et Yolande Delmas, cet ambitieux projet interdisciplinaire, soutenu par la DGEE, impliquait deux classes. Les 1res années de BTS SAM (Support à l’action managériale), ont d’abord fait du droit. On les a initiés au vocabulaire juridique et au fonctionnement d’un tribunal, ils ont aussi regardé des vidéos de procès, rencontré une avocate. Avec leur enseignante de français, ce fut également l’occasion d’étudier des extraits de grands auteurs ayant trait à la justice, des réquisitoires et plaidoiries célèbres.

Autre classe impliquée: les élèves de terminale option DGEMC (Droit et Grands Enjeux du Monde Contemporain). Après l’étude de textes et la présentation de grandes figures du féminisme, ils ont imaginé un préambule au procès sous forme d’une véritable pièce de théâtre. Un dialogue entre une mère et sa fille présente l’évolution du droit des femmes à travers les âges, un scénario qui fait notamment apparaître les personnages de Simone Veil, Gisèle Halimi ou Simone de Beauvoir.

Sherryline Bonnet, une très pédagogue présidente du tribunal. (Photo YP)

“Tiré d’une histoire vraie”

Nadia Groune s’est inspirée d’un fait divers récent pour élaborer le synopsis du faux procès. À partir de ce résumé, commence l’élaboration du scénario par les élèves, la distribution des rôles, jusqu’à détailler la vie de chacun, une véritable bible de série.

Soutenus par leurs enseignantes, ils ont rédigé, répété, puis “joué” leurs textes dans une salle remplie de caméras et de plusieurs inconnus, le trac était visible. Ils ont ainsi pu travailler leur expression orale et leurs capacités de persuasion et d’argumentation. Si certains plus que d’autres ont démontré de grandes qualités d’éloquence, tous ont pu appréhender le fait de s’exprimer en public, un atout certain à quelques jours de leurs examens oraux de fin d’année.

Des peines souvent jugés trop faibles

Ben Tehaamoana joue le cousin venu défendre le prévenu. (Photo YP)

Ils sont à présent devant les caméras, costumés grâce aux robes prêtées par de nombreux avocats et magistrats du palais. C’est l’aboutissement d’un travail de plus d’un an, avec un procès qui commence par l’acte d’accusation lu par la présidente du tribunal, jouée par Sherryline Bonnet : “Monsieur, il vous est reproché d’avoir, à Arue, le 20 Mai 2022, agressé violemment votre épouse à votre domicile conjugal alors qu’elle dormait. Vous lui avez asséné de violents coups au visage après être rentré d’une soirée, a priori arrosée, ce qui a entraîné une ITT de 10 jours”.

À l’issue de l’audience, le tane violent, Teva, joué par Hawaiki Huria, est condamné à 18 mois de prison avec sursis. De l’aveu de plusieurs élèves, notamment Ben Tehaamoana dans le rôle du cousin du prévenu, lors de la rédaction du texte, il a fallu calmer les ardeurs répressives de certains élèves qui réclamaient jusqu’à dix ans de prison ferme.

Plus qu’un simple concours d’éloquence, le projet et la connaissance des sujets qui le composent, sont avant tout l’occasion pour les élèves acteurs, mais aussi ceux qui verront le film complet plus tard, de développer leur esprit critique et de devenir, selon l’équipe éducative, “des citoyens plus éclairés”.


Thierry Delmas, ministère de l’Education

“Un véritable outil pédagogique”


Pourquoi la DGEE a-t-elle décidé d’investir et de soutenir ce projet ?

Ce qui nous a intéressé dans la démarche, c’est le fait de pouvoir travailler plusieurs disciplines en même temps. Les lettres, le droit, et très vite dans les échanges qu’on eu les enseignantes avec les élèves, aborder la question de la femme et du droit des femmes. […] Lorsque l’on a vu la première représentation du procès au lycée, on a tout de suite décidé de faire une captation pour en faire un véritable outil pédagogique pour tous les collégiens et lycéens, notamment dans les îles.

Ce genre de captation audiovisuelle a un coût, la DGEE organise-t-elle souvent ce genre d’opérations ?

Le coût est très limité, car la DGEE s’est dotée il y a quelques années d’un véritable studio et d’un matériel professionnel pour réaliser tout au long de l’année des productions pédagogiques que je vous invite à visionner sur la page youtube de la DGEE. Pour le reste, c’est du partenariat ponctuel avec les établissements scolaires, le tribunal aujourd’hui…

Dans ce tribunal, les affaires de violences conjugales ou intrafamiliales sont quotidiennes et de nombreux jeunes y sont confrontés, la DGEE mène-t-elle d’autres actions pour sensibiliser les élèves et faire de la prévention sur ce sujet ?

En fait, le travail est fait par le comité d’éducation, de la santé et de la sécurité de chaque établissement. Nous avons des partenaires comme l’APAJ (Association Polyvalente d’Actions Judiciaires), la gendarmerie, la maison de confiance et de protection des familles pour mettre en place des actions de prévention adaptées à chaque établissement plutôt que de plaquer partout une politique globale.

Page youtube de la DGEE : https://www.youtube.com/c/avdgee