Armées – En Nouvelle-Calédonie, l’ultime sortie du patrouilleur P400

Les P400 sont une classe de patrouilleurs de la Marine nationale française, commissionnés de 1986 à 1988. Leur mission est d'accomplir des opérations de police au large de la zone économique exclusive (ZEE) française.
Les P400 sont une classe de patrouilleurs de la Marine nationale française, commissionnés de 1986 à 1988. Leur mission est d'accomplir des opérations de police au large de la zone économique exclusive (ZEE) française. (Photo : Marine nationale)
Temps de lecture : 3 min.

L’armée aime accorder des adieux de classe aux équipements qui ont marqué son Histoire. Ce weekend, c’était le tour de “La Glorieuse”, dernier patrouilleur de classe 400 encore en service actif, de recevoir le dernier hommage de la marine nationale.

Ses semblables s’appelaient La Moqueuse, L’Audacieuse, La Boudeuse ou encore La Rieuse. Dix navires de 400 tonnes, entrés en service à partir de 1986, devenus omniprésents dans les Outre-Mer avant d’être progressivement désarmés à partir de 2009.

Les anciens équipages évoquent avec une indulgente nostalgie des bateaux “très marins” (traduire: au roulis affirmé, capables de faire chavirer les cœurs les mieux accrochés), “rustiques” (au confort élémentaire) et “familiaux” (où la promiscuité oblige à considérer ses coéquipiers comme ses frères).

“A l’école navale, les P400 faisaient rêver. Ce sont les bateaux des premiers commandements, on avait le choix entre les navires écoles à Brest ou les patrouilleurs”, raconte le vice-amiral Xavier Baudouard, aujourd’hui commandant de la force d’action navale, qui avait alors choisi les mers du Sud.

Un rêve qui se perpétue encore aujourd’hui, avec ce jeune aspirant qui, malgré la mort annoncée du navire, a choisi La Glorieuse: “Moi aussi je voulais être de ceux qui ont embarqué à bord du +bateau pirate+”, l’un des nombreux surnoms donnés au P400, raconte-t-il.

La Glorieuse, la dernière des “vieilles dames”, affichait l’équivalent de 31 tours du globe au compteur avant l’arrivée dimanche à Nouméa de sept de ses anciens commandants pour un baroud d’honneur sur le lagon.

Transport scolaire et élections

Le capitaine de corvette Matthias Weingert, son dernier pacha, loue son allure profilée, ses deux canons – 40 et 20 mm, un à l’arrière, un à l’avant – et son déhanché à nulle autre pareil. “Quand on nous voit arriver, gîtant de 20° à gauche, 20° à droite, tout le monde se dit +mais comment font-il !+”, raconte Matthias Weingert.

Dynamique et maniable, le P400 cultive la réputation d’un navire capable de se faufiler dans les archipels les plus éloignés, pour des missions parfois aux antipodes de celles enseignées à l’école navale.

Avec La Tapageuse, en Polynésie française, le capitaine de vaisseau Nicolas Du Chéné se rappelle avoir “fait office de transport scolaire, récupéré des urnes électorales, amené le juge forain, le médecin, le dentiste” dans des îles qui ne voient qu’un à deux bateaux par an.

Avec, à l’arrivée, des accueils aussi chaleureux que surprenants comme ce 11 novembre à Tatakoto, aux confins des Tuamotu, “où les habitants nous avaient construits un Arc de Triomphe en feuilles de palmiers”.

Au milieu des marins en tenue d’apparat qui saluent La Glorieuse, un homme détonne ce dimanche en chemise à fleurs.

Le 1er juillet 2009, alors que son voilier a démâté à plus de 500 kilomètres des côtes de la Nouvelle-Zélande, l’appel de détresse de Charles Bradfield est capté par La Glorieuse qui se déroute et lui sauve la vie, ainsi qu’à son épouse et à ses six enfants, alors âgés de 6 à 18 ans.

“J’ai presque pleuré quand j’ai appris le désarmement de La Glorieuse. Grâce à elle, ce qui était un désastre est devenu une véritable aventure”, raconte le naufragé. La famille néo-zélandaise tout entière, accueillie avec les moyens du bord – vareuses en guise de vêtements, carré transformé en logement – , est restée très proche du commandant de l’époque, le capitaine de frégate Numa Durbec.

Des faits d’arme qui ne suffisent pas à changer le cours de l’histoire. Trop petits, trop polluants avec leurs moteurs diesel qui crachent une fumée noire, les P400 ont commencé à être retirées du service en 2009.

A charge pour leurs successeurs, les Patrouilleurs Outremers aux moteurs hybrides et au matériel de communication dernier cri, d’écrire à leur tour leur légende. Le premier exemplaire, l’Auguste-Bénébig vient tout juste d’être livré à Nouméa.

AFP