Polémique – Pourquoi la présidente de l’APC a-t-elle “menti sous serment” ?

La présidente de l'APC a créé la surprise en déclarant, sous serment à une commission de l'Assemblée natinoale, qu'il n'existe aucun économiste spécialisé dans le droit de la concurrence en Polynésie française.
La présidente de l'APC a créé la surprise en déclarant, sous serment à une commission de l'Assemblée natinoale, qu'il n'existe aucun économiste spécialisé dans le droit de la concurrence en Polynésie française. (Photomontage LDT)
Temps de lecture : 3 min.

Il “faudrait des économistes qui soient spécialisés également en droit de la concurrence. Il y en a, mais pas ici.”

Cette phrase, prononcée sous serment avec le sourire, le 6 avril dernier à l’Assemblée nationale par Johanne Peyre, président de l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC), a fait bondir dans les milieux économiques polynésiens. Et en premier lieu, les principaux intéressés qui sont Christian Montet et Florent Venayre, universitaires dont les travaux font pourtant autorité !

Rappel des faits. L’Assemblée nationale a décidé de se pencher sur la question des prix dans l’outre-mer dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire chargée d’étudier et d’évaluer l’ensemble des mécanismes qui concourent au coût de la vie. L’inflation qui se développe est une préoccupation quotidienne aussi bien pour les ménages que pour les pouvoirs publics.

En Polynésie française et dans les outre-mer en général, la vie est chère car beaucoup de produits sont importés, générant des surcoûts inhérents à l’éloignement. La commission d’enquête, également chargée de proposer des solutions afin de remédier à la cherté de la vie, a donc procédé à des auditions. Notamment des présidents des autorités de concurrence de Paris, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française.

Montet et Venayre ont même siégé au collège de l’APC…

L’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) avait en effet, sur sa page Facebook, signalé que sa présidente avait été auditionnée et avait “mis en avant les particularités des petites économies insulaires”. Un lien internet permet d’ailleurs toujours d’écouter son intervention (voir plus bas)…

Johanne Peyre y expose que les territoires de petite taille favorisent les oligopoles, ou encore que le dépistage des pratiques anticoncurrentielles y est difficile. Elle préconise une “mise en commun de moyens entre les Autorités polynésienne, calédonienne et nationale pour travailler sur une méthodologie d’analyse économique et concurrentielle adaptée aux économies des collectivités territoriales des Outre-mer.”

Avant, donc, de conclure qu’ il “faudrait des économistes qui soient spécialisés également en droit de la concurrence. Il y en a, mais pas ici”. Christian Montet et Florent Venayre, tous deux professeurs à l’Université de la Polynésie française, ont pourtant œuvré à la mise en place, depuis 2016, de l’APC et du droit de la concurrence. Ils ont d’ailleurs, dès 2013, signé un ouvrage intitulé “La concurrence à Tahiti, une utopie?”.

En 2017, Christian Montet et Florent Venayre organisaient même à l’Université un colloque réunissant des spécialistes renommés du droit de la concurrence sur le thème “Le droit de la concurrence en Polynésie française et dans les petites économies insulaires du Pacifique : bilan et perspectives” dont les actes ont été publiés et sont bien connus des professionnels. Tous deux ont siégé au collège de l’APC et Christian Montet en a même été le président par intérim…

Christian Montet et Florent Venayre se déclarent “stupéfaits”

Les deux économistes ont adressé un courrier à Guillaume Vuilletet, président de la Commission d’enquête parlementaire, Johnny Hajjar, rapporteur de la même commission, Jean-François Carenco, ministre des outre-mer et enfin Eric Spitz, haut-commissaire de la République en Polynésie française, pour dire leur étonnement.

“Professeurs d’économie à l’Université de la Polynésie française (UPF), nous travaillons depuis de nombreuses années sur l’économie et le droit de la concurrence dans les outre-mer. Nos travaux sur ces questions sont connus non seulement dans le monde universitaire, mais aussi des acteurs économiques locaux et des décideurs publics, comme en atteste l’audience de notre ouvrage intitulé La concurrence à Tahiti : Une utopie ?, qui a obtenu le Prix Vogel Coup de cœur à Paris en 2013 et a joué un rôle majeur dans l’adoption d’un droit de la concurrence en Polynésie française” écrivent Christian Montet et Florent Venayre. “Nous avons regardé avec un grand intérêt les vidéos des auditions de la Commission d’enquête et notamment celle de Mme Johanne Peyre, actuelle présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC), en date du 6 avril 2023.

Quelle ne fut pas notre stupéfaction de constater que Mme Peyre semble tout ignorer de nos travaux, des publications qui en sont issues, voire de notre existence même (…)” Les deux professeurs d’économie proposent même leurs services : ” Si la commission d’enquête sur le coût de la vie outre-mer souhaite nous entendre, nous nous tenons donc bien évidemment à sa disposition pour échanger sur ces aspects ou sur d’autres, plus techniques, qui ont été sommairement abordés par Mme Peyre lors de son audition.”
Lien de la vidéo polémique : https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13245430_642edd319232a.commission-d-enquete-sur-le-cout-de-la-vie-outre-mer–auditions-diverses-6-avril-2023?fbclid=IwAR2fGmpV11Kxl9kOT0NdD_KWKvDlbgeXGRG3iq7ikN62MhwAqkJb3TZrBGg