Deux matinées de pêche, mi-mars
C’était il y a tout juste deux mois, après bientôt cinq ans de fermeture. Jeudi 16 et vendredi 17 mars 2023, deux des trois espaces composant la Zone de Pêche Réglementée (ZPR) de Tautira ont été ouverts pour la première fois aux pêcheurs durant huit heures, soit deux matinées. Avant de passer à la vente, les prises des participants ont été photographiées, puis analysées par les scientifiques de la Direction des Ressources Marines (DRM) et du Criobe pour accompagner les décisions du comité de gestion du rahui du Fenua ‘Aihere de la côte est.
Une tonne, soit plus de 2500 poissons
pour permettre à l’équipe de photographier et calibrer les prises
(Photo : DRM/Criobe).
Ce mardi 16 mai 2023, les premiers résultats ont été présentés à la mairie de Tautira, d’abord au comité de gestion, puis à la population. Du côté des participants, 17 bateaux ont été comptabilisés le premier jour contre 21 le lendemain, ainsi que 50 chasseurs sous-marins, en majorité des résidents de Tautira. La communication en amont de ce rendez-vous avait été volontairement minime. Le choix de deux jours en pleine semaine relevait de la même stratégie. Des précautions utiles, car la pêche a été bonne avec une tonne sur la balance, soit plus de 2500 poissons. Les espèces (pas de pahua, par exemple) et la taille étaient réglementées, consignes globalement bien respectées par les pêcheurs puisque seulement 1 % des prises n’avaient pas la longueur attendue. Parmi les poissons, les ‘i’ihi, pa’ati et pahoro ont été les plus pêchés. D’autres espèces étaient représentées, comme les ume tarei, roi et perroquets.
Des enseignements utiles et d’autres recherches à venir
Selon les représentants de la DRM et du Criobe, bien que les études comparatives se poursuivent, le bilan de cette ouverture encadrée est “positif“, car “sans gros impact sur la ressource“. Les enseignements de cette première expérience réussie seront utiles à Tautira et à d’autres communes. Prochain défi pour le comité, selon le principe de gestion adaptative (planifier, agir, évaluer, apprendre, adapter) : affiner la taille de maturité des poissons pour ajuster les restrictions tout en continuant de préserver la ressource. C’est l’objet d’un projet de recherche pour les trois années à venir sur des espèces ciblées à Tahiti et Moorea. Des données précieuses tandis que la prochaine ouverture du rahui de Tautira n’est pas attendue avant quatre ans. D’ici là, la surveillance de la zone constitue un autre enjeu de taille : les riverains ont d’ailleurs été encouragés à signaler tout contrevenant.
Marguerite Taiarui, doctorante au Criobe et membre du Rahui Center :
“On a bien fait de limiter à deux matinées“
“Le rahui a été mis en place en juillet 2018. Depuis juillet 2021, on fait des comptages écologiques qui consistent à voir quels sont les poissons présents, leur nombre et leur taille pour suivre l’évolution. Nous avons fait ce type de comptage juste avant et après la pêche, et on s’aperçoit que les écarts ne sont pas trop grands. Il y a quand même une tonne de poisson qui a été sortie, donc on a bien fait de limiter à deux matinées. On va suivre cet impact sur le long terme. Notre objectif, c’est d’accompagner le comité de gestion et la population de Tautira dans la gestion de son rahui sur le long terme et pour des ouvertures gérées. On cherche ensemble les réponses car en tant que scientifiques, nous n’avons pas des solutions toutes prêtes : on construit avec la communauté locale en fonction des résultats obtenus. A l’échelle de la Polynésie française, il y a beaucoup de rahui qui ont été mis en place ou qui sont en projet, et l’idée, c’est d’avoir une forme de modèle à Tautira”.
Alfred Asen, pêcheur lagonaire et membre du comité de gestion du rahui de Tautira :
“On va continuer à gérer au mieux notre rahui“
“Le bilan de l’ouverture est positif. La population était heureuse de voir tous ces poissons après toute cette attente. On a quand même pêché beaucoup de poissons, donc heureusement qu’on n’a ouvert que sur deux matinées et que tous les pêcheurs n’étaient pas là. On va continuer à gérer au mieux notre rahui pour l’avenir de nos enfants, entre le changement climatique et la difficulté de trouver un emploi. J’incite tous les habitants de Tautira et des autres communes à respecter l’interdiction de pêcher dans cette zone. C’est important de préserver nos ressources”.
Ueva Hamblin, maire délégué de Tautira et président du comité de gestion du rahui :
“Renforcer la surveillance de la zone“
“Les deux matinées de pêche du mois de mars s’étaient très bien passées. L’équipe avait fait un travail énorme de tri et de comptage des poissons, donc on est content de pouvoir bénéficier d’un bilan complet par les scientifiques. C’était important d’ouvrir momentanément le rahui : c’est ce qu’on avait promis aux pêcheurs et à la population dès le départ. L’important, c’était de bien encadrer cette ouverture pour ne pas perdre les bénéfices du rahui. Là où le bât blesse, c’est que quelques pêcheurs ne respectent pas le rahui : il faut qu’on trouve le moyen de renforcer un peu plus la surveillance de la zone”.
