Mission Jeanne d’Arc : l’armée française affiche ses capacités d’intervention

Parti de Toulon en février dernier, le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Dixmude a frappé ses amarres ce mercredi 17 mai au matin à Papeete. (Photo : Jean-Marc Monnier)
Parti de Toulon en février dernier, le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Dixmude a frappé ses amarres ce mercredi 17 mai au matin à Papeete. (Photo : Jean-Marc Monnier)
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En février dernier, près de 800 marins et soldats, dont environ 160 officiers-élèves ainsi qu’un groupement tactique embarqué (GTE) de l’armée de Terre, formant ensemble le “Groupe Jeanne d’Arc” ont quitté la rade de Toulon.

Leur objectif : faire le tour de la terre par la mer à bord du porte-hélicoptères amphibie (PHA) Dixmude et de la frégate La Fayette. Cela durant 5 mois, avec à chaque escale des actions de représentations et des exercices visant à bien rappeler au monde entier que le drapeau tricolore flotte sur toutes les mers de la terre !

Ces deux navires modernes et multitâches de la Royale sont entrés mardi en rade de Papeete en provenance de la Nouvelle-Calédonie via Fidji, après avoir touché préalablement Djibouti, Cochin en Inde, Singapour, Jakarta et enfin Townsville en Australie.

Missions dans l’archipel de la Société

Sur le Caillou, ils avaient effectués une mission intitulée “Croix du sud” interalliés et pluridisciplinaire réunissant 3000 hommes, destinée à démontrer la force et la capacité d’intervention de l’armée française sur des terrains d’actions très éloignés de l’hexagone.

En Polynésie aussi, le Dixmude et les navires et aéronefs qui l’entourent voire qu’il héberge sont déployés et cela dans plusieurs îles de l’archipel de la Société et notamment Raiatea, depuis le début de la semaine et jusqu’à dimanche 21 mai. Date à laquelle la Mission Jeanne d’Arc mettra le cap sur Acapulco au Mexique en passant par l’atoll français de Clipperton, avant de rentrer vers Toulon mi-juillet via les Antilles pour aider à la lutte contre les narcotrafiquants de la mer des Caraïbes.

Dauphin, Gazelle et drones aériens

Et des équipements de lutte, d’aide et d’intervention, le ventre du Dixmude en est truffé puisque l’on découvre sur ses différents ponts aussi bien un catamaran rapide amphibie qu’un chaland de transport et une barge de débarquement, capables de projeter des engins aussi imposants que des chars Leclerc sur n’importe quelle plage.

S’y trouvent aussi des véhicules blindés, des camions et engins tout terrain qui feraient rêver n’importe quel amateur de 4×4. Sans parler des hélicoptères Dauphin et Gazelle, mais aussi des drones aériens permettant d’étendre le rayon d’action de la Mission Jeanne d’Arc à des centaines de kilomètres à la ronde : le PHA peut accueillir jusqu’à 17 aéronefs en cas de nécessité !

“Sacrifiez-vous, tenez”

Ajoutez à cela un véritable hôpital flottant de plusieurs dizaines de lits, avec un bloc opératoire, des médecins, chirurgiens et infirmières permettant de soigner aussi bien les militaires que les civils en fonction des besoins du moment. Mais aussi un état-major embarqué pouvant compter “jusqu’à 200 personnes destiné à conduire une opération nationale ou multinationale depuis la mer”, et le tableau sera complet.

Le message est clair : la France n’a pas l’intention de réduire sa présence et sa représentation dans les mers et notamment dans la zone Indopacifique. “Sacrifiez-vous, tenez”, telle est la devise du Dixmude qui porte le nom d’une célèbre bataille où les militaires français n’ont rien lâché face à l’adversité !

Sur le radier du Dixmude qui peut s’immerger par l’arrière, plusieurs engins amphibies dont un catamaran rapide de projection. (Photo : Jean-Marc Monnier)

Le contre-amiral Geoffroy d’Andigné :
“Démontrer l’attachement de la France”

Le contre-amiral Geoffroy d’Andigné, commandant la zone Asie-Pacifique et les forces armées en Polynésie française, ainsi que le capitaine de vaisseau Emmanuel Mocard, commandant du Dixmude, ont indiqué à la presse que le passage de cette Mission Jeanne d’Arc dans le Pacifique n’avait aucun lien avec la récente élection d’un gouvernement indépendantiste à la tête du pays, ni même avec l’actualité concernant la Chine. Néanmoins, cette présence “démontre l’attachement de la France à ce territoire ultra-marin” affirme l’amiral “Alpaci” dans l’allocution qu’il a prononcé sur la passerelle du navire. “Le déploiement de ce groupe tactique interarmées jusqu’au milieu du Pacifique démontre les capacités de projection longues et lointaines de notre force navale. Cela pourrait être pour renforcer nos forces prépositionnées que je commande à Papeete en protection de la Polynésie et des Polynésiens, dans un monde qui reste incertain”.

Le contre-amiral Geoffroy d’Andigné (à droite) et le capitaine de vaisseau Emmanuel Mocard. (Photo : Jean-Marc Monnier)
Le ventre du navire peut se remplir d’une panoplie impressionnante d’engins blindés, semi blindés, tout-terrains, camions, jusqu’aux chars Leclerc ! (Photo : Jean-Marc Monnier)

Renforcer l’interopérabilité interarmées et interalliés

La mission Jeanne d’Arc 2023 est l’occasion pour les unités et détachements déployés de conduire des exercices interarmées et interalliés ainsi que, le cas échéant, des opérations militaires ponctuelles. Au cours de son déploiement, le groupe Jeanne d’Arc est ainsi engagé dans de nombreuses séquences de coopération avec des pays partenaires, contribuant à densifier et renforcer les capacités de la Marine nationale et de l’armée de Terre à intervenir ensemble n’importe où sur la planète.

Les moyens aériens sont bien plus complexes et perfectionnés que sur la “Jeanne” qui était venue autrefois à Tahiti. (Photo : Jean-Marc Monnier)

La zone Indopacifique au cœur des enjeux internationaux

Dans une zone qui compte trois océans et 60% de la population mondiale, l’Indopacifique est soumis à différents types de menaces, allant de la pêche illégale aux catastrophes naturelles dues au dérèglement climatique, en passant par les trafics illicites. Neuf des dix plus importants budgets de défense au monde (États-Unis, Chine, Inde, Royaume-Unis, Russie, France, Arabie saoudite, Japon, et Corée du Sud) en sont riverains, faisant apparaître la zone Indopacifique comme un espace convoité et un théâtre de rivalités potentielles.

La France, unique puissance de l’Union européenne à être présente à la fois en océan Indien et dans le Pacifique, porte une attention particulière à cette région, dont la stabilité est primordiale pour la sécurité internationale. Comptant plus de 200 000 ressortissants dans la zone, la France est une puissance de l’Indopacifique et un acteur majeur de sa sécurité, qu’elle s’attache à préserver en participant activement aux instances de collaboration internationale. Cette position est notamment renforcée par son statut de partenaire du développement de l’ASEAN (Association of Southeast Asian Nations) et membre de l’IONS (Indian Ocean Naval Symposium) dont elle assure actuellement la présidence.

Au cours de son déploiement dans la zone, le groupe Jeanne d’Arc sera l’une des composantes du soutien français apporté à la Pacific Islands Forum Fisheries Agency (FFA) dans le domaine de la police des pêches. La présence des armées françaises en Indopacifique vise à garantir la souveraineté de la France sur ses territoires ultramarins, à concourir à la stabilité de la région en luttant contre les trafics illégaux et à démontrer ses capacités dans le domaine l’assistance aux populations en réponse aux catastrophes naturelles.

En cas de besoin, le Dixmude peut servir d’hôpital de campagne tant pour les militaires que les civils. (Photo : Jean-Marc Monnier)

Un passage de la Mission Jeanne d’Arc qui pourrait sonner comme un avis à ceux qui voudraient “mordre” la main de la France ou de ses alliés… (Photo : Jean-Marc Monnier)