Tribune – “Les bonnes questions ?” par Simone Grand

(Photo : Damien Grivois)
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“Un des pièges dans lequel est tombé l’ancien gouvernement c’est d’avoir délégué aux juristes le soin de répondre à l’anxiété voire l’angoisse de beaucoup quant à la protection de l’emploi et  du foncier.

Car un bon juriste plonge dans le maquis des textes juridiques élaborés pour un continent à des moments donnés de l’Histoire. De sa plongée, il ne peut ramener que l’impossibilité pour des insulaires de vouloir gérer autrement leur espace. L’argument brandi, respectable en diable, ne peut que culpabiliser l’insulaire d’éprouver et dire son mal-être. Car, au nom des nobles principes de Liberté, Egalité, Fraternité qui interdisent la discrimination entre citoyens selon leurs origines, des insulaires se sentent finalement exclus, chassés de chez eux, niés. L’indépendance paraît alors la seule issue.

(N.B. La politique du “retour chez eux” de non originaires de Tahiti fut active il y a 30 ans. Elle a concerné les Pa’umotu, Marquisiens, Raro Mata’i, Australéens. J’ai oublié les justifications d’alors.)

L’angoisse naît quand on se sent piégé dans une voie sans issue. Favorisée par une dégradation des conditions de vie sans perspective d’amélioration, elle est aggravée par la fatigue, le stress et la frustration.

Beaucoup d’entre nous sont piégés 3 heures par jour dans les embouteillages.

Or, qu’est-ce que le temps sinon un capital de vie impossible à reconstituer? Une fois gaspillé, volé ou perdu, il ne se rattrape jamais. Gaspillés aussi l’essence, l’argent immobilisé, celui emprunté. Tout ça pour polluer l’air, sacrifier nos relations familiales, amicales et amoureuses, notre créativité.

Douloureuse perte de liberté qui fait se ratatiner la bonne humeur et souhaiter qu’il y ait moins de monde partout. Tout nouveau candidat à l’installation est alors perçu en étranger hostile qui fait flamber les prix de l’immobilier, se raréfier les emplois sympas et accroître le temps perdu en embouteillages. Ça fait souhaiter le “retour chez eux” de non originaires récemment installés.

Une heure ou deux d’embouteillages en moins? Deux heures gagnées pour quoi faire? Ah! se promener à pied tranquillement en famille, jouer au pingpong, se rafraîchir dans une rivière convalescente des agressions multiples au nom de la majesté Economie qui a enrichi quelques-uns et semé tant de tristesses aux cœurs. Ah! Disposer du temps pour cuisiner les productions de son jardin potager, son petit poulailler!

Avec ces joies et fiertés toutes simples retrouvées, la santé s’améliorerait certainement et avec elle, les comptes de la CPS. Il n’y a pas que les nouveaux cotisants qui seraient bénéfiques. La réduction du nombre de malades pour cause de malbouffe et frustrations multiples, elle aussi réduirait le déficit.

Et si l’on se mettait à penser autrement qu’en Continental? A réfléchir sereinement aux critères de qualité de vie insulaire avec ses exigences et contraintes?

L’espace dans un paquebot de 3000 personnes ne se gère pas de la même manière que dans une flottille à 1000 personnes embarquées dans cent pirogues de tailles variées.

De quel tonnage en matériaux de rivière avons-nous besoin pour loger la population existante, celle de demain? Peut-on en évaluer un seuil critique? Idem pour toutes les richesses naturelles non extensibles.

Après y avoir honnêtement répondu, aux juristes serait confiée la mise en forme juridique d’un projet aux bases solides.

Eclairée, la décision politique est souvent acceptée.

‘Ia maita’i”

Simone Ta’ema Grand