Relaxe dans le procès Te reo o Tefana : “un jour historique” pour la défense

Aucune trace d'interventionnisme d'Oscar Temaru ou des instances du Tavini sur le contenu ou la ligne éditoriale de Radio Tefana n'a été constatée.
(Photo : archives YP/LDT)
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Presque quatre ans après le premier procès, la cour d’appel de Papeete a infirmé, ce mercredi 24 mai, le jugement du tribunal correctionnel qui avait condamné Oscar Temaru à une peine de 6 mois de prison avec sursis et cinq millions de francs d’amende pour prise illégale d’intérêt. Il était reproché au maire de Faa’a d’avoir financé, avec l’argent de la commune, “un outil de propagande certain”, selon l’accusation, qui aurait servi les intérêts politiques du leader Tavini. La cour d’appel dans son arrêt estime que, sur la période visée, aucune preuve ne vient corroborer cette affirmation. “Une décision qui peut réconcilier les Polynésiens avec la justice” selon Maître Millet.

Les avocats de la radio et du tavana de Faa’a. (Photo Y.P)

Comme à chaque apparition d’Oscar Temaru au tribunal, une cinquantaine de militants commencent à s’installer aux aurores face au palais de justice. Visiblement pris au dépourvu, le personnel du palais s’affaire pour organiser les allées et venues, et change ses plans pour finalement programmer ce très attendu délibéré dans la grande salle du palais.

Lors de l’audience, bien que malmené par les avocats de la défense qui n’ont fait que marteler l’absence de preuve au dossier, l’avocat général avait de nouveau requis une peine de six mois de prison avec sursis et cinq millions de francs d’amende à l’encontre d’Oscar Temaru. En annonçant la date du délibéré en février dernier, la cour avait annoncé sa volonté de détailler et d’expliquer ce qui allait être sa décision. Le président l’a fait aujourd’hui, avant d’annoncer qu’il infirmait la décision du tribunal correctionnel du 10 septembre 2019.

Le président de la cour est tout d’abord revenu sur toutes les demandes de nullité formulées par les avocats d’Oscar Temaru. Elles sont toutes rejetées une à une. Tout d’abord, la demande de nullité de la garde à vue du tavana, qualifiée de disproportionnée à l’audience. Elle était, selon la cour, justifiée et nécessaire à la bonne tenue de l’enquête, notamment pour empêcher les différents prévenus de se concerter avant d’être entendus. 

Sur la nullité de la procédure, de la poursuite, ou sur des points de détails comme les délais de transmission du dossier, la cour a pris le temps d’expliquer ses rejets point par point, n’hésitant pas à revenir sur les fondements de ses réflexions avec une grande pédagogie. Le motif global de ses rejets venant de la constatation que le procès, malgré quelques dysfonctionnements consentis, avait bien été équitable.

Pas d’argument pour “étayer la propagande”

La tension monte d’un cran quand la cour attaque un nouveau chapitre de sa lecture, et son président qui hausse le ton : “Sur le fond…”

La grande crispation fait rapidement place à une béatitude contenue sur le visage des avocats, les premiers sourires s’échangent entre conseils. La cour d’appel rend un arrêt qualifié de “petit bijou” par Maitre Antz. L’avocat de Heinui Lecaill salue le travail de la cour, qui confirme selon lui ce que tous disaient depuis le premier jour, le manque de preuve pour affirmer que radio Tefana servait les intérêts d’Oscar Temaru ou de son parti entre 2009 et 2017.

A ses débuts peut-être, sûrement même, mais pas pour la période de prévention. Dans le dossier, aucun avertissement ni aucune sanction de l’autorité de contrôle des radios compétente, même après le passage d’un grand ponte du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dans les locaux qui saluera “la neutralité de la radio”.

Aucun enregistrement n’a été demandé ou effectué par le parquet en quatre ans d’enquête. Aucune trace d’interventionnisme d’Oscar Temaru ou des instances du Tavini sur le contenu ou la ligne éditoriale de la radio n’a été constatée.

Oscar Temaru est relaxé de prise illégale d’intérêt, ses co-prévenus pour le recel de cette prise illégale d’intérêt, l’ancien et l’actuel dirigeant de Radio Tefana, Vito Maamaatuaiahutapu et Heinui Lecaill, le sont également. L’association Te reo o Tefana et sa radio évitent surtout l’amende de 100 millions de francs dont elle avait écopé en première instance. Une amende qui aurait signé “son arrêt de mort” selon ses dirigeants.

Y.P.

Maître Antz, avocat de Heinui Lecaill

“L’arrêt de la cour d’appel est un petit bijou”

Quelle peut être la suite du parcours judiciaire de cette affaire ?

Le parquet général peut toujours faire un pourvoi en cassation. Il a, je crois, deux mois pour le faire. Vous avez bien compris qu’à ce stade-là, la décision sera prise par Paris. Le procureur général, nécessairement, prendra instruction pour savoir s’ il y a pourvoi. Ce serait une extrême mauvaise idée !

Que pensez-vous de cet arrêt ?

L’arrêt de la cour d’appel est un petit bijou. Tout est dit. Nous n’avons cessé de plaider quelque chose de naturel, de base, c’est le manque de preuve sur la période considérée. Le président de la cour a rappelé qu’il était saisi d’une période de prévention, et que dans cette période, on doit lui faire la preuve que radio Tefana était un outil de propagande, et le président dit que dans le dossier, il ne trouve pas de traces de cela.

Vous étiez confiant ?

Nous avions confiance depuis le début. Le tribunal correctionnel nous a déçus, mais nous savions qu’il était animé par d’autres… d’autres objectifs on va dire. La cour d’appel a été souveraine.

Plus d’amende pour la radio ?

Plus d’amende du tout. Plus rien du tout !

David Koubbi : “il s’agissait d’une procédure-baillon”

“C’est un jour historique au plan judiciaire”. David Koubbi, l’un des défenseurs d’Oscar Temaru et de la radio Te reo o Tefana, n’a pas caché sa joie après la relaxe générale prononcée dans le cadre du procès de la radio communale de Faa’a. “Il s’agissait d’une procédure de commande, politique. Avec mes confrères avocats nous n’avions jamais vu une pareille affaire de “procédure-baillon”. Il n’y avait rien dans ce dossier…”

L’avocat parisien s’est indigné de “l’acharnement” du Parquet contre Oscar Temaru, qualifié “d’incarnation de probité”. Il a souligné “les lourdes critiques des magistrats” envers le procureur Hervé Leroy, “auteur d’irrégularités procédurales”. Les défenseurs du tavana de Faa’a et de Te reo o Tefana ont salué une “victoire pleine et entière“, et souligné leur satisfaction “d’avoir rétabli un innocent dans ses droits les plus élémentaires”.