En avril dernier, la découverte d’un téléphone portable dans une salle commune de la prison de Tatutu avait mis au jour l’existence d’une vidéo où l’on voyait un des gardiens fumer de l’ice dans une cellule en compagnie d’un détenu, le multirécidiviste Frankie Tumahai, décédé le 13 mai. Jugé le 30 mai 2023, le gardien, qui estime avoir été piégé, a été condamné à deux ans de prison, dont un an avec sursis. S’il pourra effectuer son année de prison ferme à domicile, sous bracelet électronique, le tribunal a aussi prononcé une interdiction définitive d’exercer la fonction de surveillant pénitentiaire.
Une audience particulière puisque l’un des deux prévenus convoqués n’est pas présent. Hiro Tumahai, dit Franckie, est décédé dans sa cellule de Tatutu le 13 mai alors qu’il purgeait une nouvelle peine pour trafic d’ice. Un décès probablement dû à un AVC, une enquête est en cours pour le confirmer.
À la barre, il y a donc le gardien qui, sur une vidéo extraite d’un portable saisi en prison, fume de l’ice quelques minutes dans la cellule de Frankie. L’homme de 35 ans avait jusqu’alors un parcours irréprochable. Parmi les premiers de sa promotion au concours national de surveillant pénitentiaire, il est aussi très sportif et pratique le va’a à haut niveau. Il situe ses premiers contacts avec la drogue en 2020, quand des problèmes de couple le font plonger dans une grave dépression.
Il commence par le paka puis, à cause de ses mauvaises fréquentations, fume de l’ice, une fois par mois dit-il, depuis cinq ou six mois seulement. Il enchaîne les arrêts de travail et a même des pensées suicidaires. Il se retrouve endetté malgré un salaire de plus de 300 000 F par mois. Il met d’ailleurs ce qui ressemble fort à une descente aux enfers sur le dos de sa femme, qui veut partir et divorcer, ce qu’il ne le supporte pas.. “J’ai consommé de l’ice quand ma femme est partie {…] J’ai perdu le contrôle de moi-même face à la dépression.”
“J’ai perdu le contrôle de moi-même face à la dépression”
Le 12 avril 2023, lors d’une fouille générale à la prison de Tatutu, un téléphone portable ainsi que deux pipettes pour l’ice, des “bubbles” artisanales, sont retrouvés dans l’extracteur d’air d’un sèche-linge. C’est l’exploitation de ce téléphone qui permet de tomber sur une vidéo sur laquelle on voit le gardien rentré dans la cellule de Tumahai, qui visiblement l’attend déjà, la pipe à la main.
Ils échangent quelques mots, fument quelques bouffées et le gardien s’en va. Pour le surveillant et surtout son avocat c’est clair, on a voulu le piéger. Avec une telle vidéo en sa possession, Tumahai a alors les arguments pour faire chanter le surveillant. Selon le tribunal, les problèmes de couple et d’argent du prévenu, ses points faibles, sont d’ailleurs connus dans l’enceinte carcérale.
De plus, sur la vidéo, on devine qu’en échange de cette bouffée d’ice, le gardien s’engage à ramener du paka, on entend “échange bonbon” dit la procureure. L’ice lui, est déjà dans la cellule. Lors de sa première audition, Franckie Tumahai indiquer que c’est de la drogue envoyée ou plutôt jetée de l’extérieur de la prison qui est arrivé jusqu’à lui.
À la barre, l’homme déclare, puis répète à plusieurs reprises que c’est sa dépression qui l’a conduit à la consommation, puis à l’addiction au produit. Il nie, en revanche, que cela était prémédité. C’est la première fois qu’il fume sur son lieu de travail, dit-il. On retrouve pourtant une pipette pour paka dans son casier à la prison.
Le gardien évoque “un piège”………
La procureure l’interroge: “Vous faites des hug à tous les détenus ?“. Pour la représentante du ministère public, la manière dont Franckie Tumahai l’attend avec la drogue, puis l’absence du surprise du gardien à son entrée dans la cellule face à la méthamphétamine, et enfin l’accolade entre les deux protagonistes après avoir fumé sont autant d’arguments clairs : “On pourrait croire que c’est habituel”.
“Non, non madame” répond-il. Selon lui, l’accolade, c’était juste pour le remercier de l’avoir fait fumer. Lors de son réquisitoire, la procureure revient sur la présence d’une pipette dans son casier, signe, dit-elle, “que la frontière entre vie professionnelle et et personnelle a bien été franchie. Elle insiste également sur le fait que le détenu attendait bel et bien le gardien, selon elle, il savait qu’il allait venir fumer, c’était prémédité.”
Elle requiert deux ans de prison, dont un avec sursis et une interdiction définitive d’exercer sa profession de surveillant. L’avocat du prévenu tente alors de mettre en avant le piège dont aurait été victime son client. Il dénonce surtout l’interdiction définitive d’exercer réclamée, pour un homme à la carrière jusque-là exemplaire. Il demande “une clémence éclairée au tribunal“.
Le désormais ex-gardien écope bien d’une interdiction définitive d’exercer, ainsi que d’une peine de deux ans de prison, dont une année avec sursis, la partie ferme étant aménageable. Il reçoit aussi une obligation de soins pour traiter son addiction à l’ice et au paka.
Compte-rendu d’audience : Y.P