Politique – “Entente très cordiale” entre Moetai Brotherson et Gérald Darmanin

Sous le soleil de Paris, un déjeuner convivial. (Photo : ministère de l'Intérieur)
Sous le soleil de Paris, un déjeuner convivial. (Photo : ministère de l'Intérieur)
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Poursuivant sa mission de continuité des affaires à Paris, le président Brotherson a eu les honneurs d’un déjeuner place Beauvau, ce mardi 6 juin à l’invitation du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin. Déjeuner auquel participaient le ministre délégué chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco, ainsi que les trois députés de Polynésie française.

A sa sortie, toute de bleu vêtue et lava-lava pour le président, la délégation polynésienne a traversé la place Beauvau sous le regard intrigué des gendarmes, afin de faire un point presse très attendu. Selon le président, la rencontre a été “très courtoise et efficace”.

Pittoresque traversée de la rue du Faubourg St-Honoré.
(Photo : Philippe Binet)

Le nouveau chef de l’exécutif polynésien ne semble pas dans la rupture mais plutôt dans la continuité des dossiers engagés par Edouard Fritch, tout en nuançant cependant certains éléments. Pour l’heure, selon lui, la priorité est celle de l’amélioration aussi rapide que possible de la situation socio-économique du fenua. Ce qui implique évidemment de bonnes relations avec Paris : “Pour l’instant, nous sommes à la fois dans la continuité de l’action de l’Etat et de la Polynésie. Il n’y a pas de raison aujourd’hui d’avoir des débats stériles ou des confrontations.” Traduisez, l’indépendance n’est pas le sujet du jour.

Dans sa mission, Moetai Brotherson devait d’abord rassurer Paris et notamment les instances olympiques. Lors de sa visite lundi à Saint-Denis, au siège de l’organisation des jeux, où il a rencontré Tony Estanguet, il a rassuré ce dernier sur les travaux de réparation urgente à la Presqu’ile, suite aux crues catastrophiques. De toute façon, a-t-il précisé, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castera, et Gérald Darmanin viendront bientôt sur place avec Jean-François Carenco.

Les députés Mereana Reid-Arbelot, Steeve Chailloux et Tematai Le Gayic entourent l’ancien député pour l’accompagner à sa dernière séance.
(Photo : Philippe Binet)

Avec l’objectif d’aider à garantir la tenue des épreuves de surf et associer la population à l’événement. Une autre façon, pour le ministre de l’Intérieur de confirmer qu’il reprend un peu plus la main sur les Outre-mer. A noter la présence, lors de cette entrevue, de conseillers de l’Elysée et de Matignon.

De même, la visite rendue ce lundi à Hervé Berville, secrétaire d’Etat chargé de la mer, a montré une unité de vues sur la protection des fonds marins et notamment l’interdiction de l’exploitation minière, ainsi que sur la nécessité urgente d’une formation professionnelle aux métiers de la mer, et bien sûr, la continuation de la création d’aires marines protégées.

Tahiti-Faa’a : Moetai Brotherson veut “aller vite”

Avec Gérald Darmanin a également été évoqué le dossier de l’aéroport de Tahiti-Faa’a. Suite aux derniers développements, le ministre a souhaité l’avis du président du Pays. Lequel, de son côté voudrait aller vite, quitte à relancer un appel d’offres et assurer le choix d’un aéroport dans les normes écologiques zéro carbone.

Autre dossier en haut de la pile : le nucléaire militaire et l’indemnisation de ses victimes. Là encore, compte tenu des déclarations en la matière du président de la République l’an dernier, le ministre promet de ne pas tergiverser et d’accélérer les procédures d’indemnisation à la lumière des dernières améliorations et simplifications des conditions d’éligibilité.

Le président est “particulièrement satisfait” de son entretien avec Gérald Darmanin. (Photo : Philippe Binet)

“Ce dossier avance bien et on va mettre en place un groupe conjoint d’études avec l’Etat pour finaliser des propositions déjà étudiées dans les ministères,  et déjà connues de la CPS” a rassuré le président. “C’est un sujet sur lequel il y a déjà eu beaucoup de réflexion. Les faux-semblants n’ont plus lieu d’être et les fantasmes du passé ont été évacués. Face à un principe de réalité, l’Etat est prêt à assumer ses responsabilités” a complété Moetai Brotherson.

Interrogé sur le dossier de l’ITR (indemnité temporaire de retraite des fonctionnaires), le président Brotherson a insisté auprès du ministre sur l’importance de ce sujet particulièrement explosif selon lui, en rappelant les grèves antérieures.

De même, à propos des CIMM (centres d’intérêts matériels et moraux pour les Polynésiens fonctionnaires d’Etat), le président indique qu’il ne ne peut que botter en touche : “On a aujourd’hui chez nous des syndicats qui veulent une révision de la pondération du CIMM et on en a d’autres qui veulent la suppression pure et simple du CIMM. Moi j’ai besoin de venir ici avec une position qui soit unanime de la part de l’ensemble des syndicats. Sinon .cela va être très difficile de défendre ce dossier.”

“Respect et courtoisie” au Parlement

Très satisfait, donc, de sa rencontre avec le ministre de l’Intérieur, le courtois président indépendantiste ne risquait-il pas de se démarquer de ses trois députés affiliés à la turbulente et agressive NUPES, laquelle ne se gêne pas, d’habitude, pour couvrir ledit ministre de noms d’oiseaux, voire de menaces. “Si nos députés font partie de la NUPES, ils ont toujours fait preuve de respect et de courtoisie dans l’hémicycle” a répondu en substance Moetai Brotherson, tandis qu’il prenait le chemin de l’Assemblée nationale avec sa suppléante, Mereana Reid-Arbelot, Steve Chailloux et Tematai Le Gayic. Ce devait être pour lui la dernière séance avant de rendre l’écharpe de député. Le tout sur fond d’agitation sociale avec manifestants rassemblés autour de l’Assemblée nationale.

Jeudi, Moetai Brotherson, rencontrera la maire de Paris, Anne Hidalgo, et sa mission ne s’achèvera pas sans rencontrer diverses associations (étudiantes, etc.). Pour l’heure le président s’efforce de tisser de bonnes relations avec l’Etat français.

Ph. Binet, correspondant de Paris.