Le 17 mai dernier, le groupe Wane répondait, sous serment, à la commission d’enquête sur le coût de la vie en outre-mer. Pour représenter le groupe lors de cette audition : Stéphanie Ducerf, responsable du service juridique du groupe, Jean-Luc Jaumouille, directeur administratif et financier du groupe et enfin, Nancy Wane par visioconférence, agissant en qualité de représentante du groupe lors de cette audition.
Audition complète : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.13424825_6464bf38b455a.commission-d-enquete-sur-le-cout-de-la-vie-outre-mer–auditions-diverses-17-mai-2023
La commission a été créée le 9 février 2023, suite à l’adoption par l’Assemblée nationale d’une résolution en séance publique. Elle a pour objet d’étudier et d’évaluer l’ensemble des mécanismes qui concourent au coût de la vie dans les outre-mer. Elle doit proposer des solutions pour lutter contre la vie chère dans l’ensemble de ces territoires et est amenée à présenter un rapport d’enquête six mois après sa création, soit le 8 août 2023 prochain, au plus tard.
Lors de cette audition, il est demandé aux différents protagonistes interrogés, d’exposer leurs explications/hypothèses sur la cherté de la vie sur le, ou les territoires ultramarins, où ils peuvent exercer. Après cela, Guillaume Vuilletet, président de la commission et député du Val-d’Oise pour la deuxième circonscription, mène les débats et le “jeu” des questions/réponses.
Des importations et des “frais d’approche” qui pèsent
à 10% sur le prix final du produit
Après une présentation, par Nancy Wane, du groupe et des actifs de ce dernier en Polynésie française, c’est Jean-Luc Jaumouille qui se charge de présenter les potentielles raisons d’une vie chère en Polynésie française, en s’appuyant sur les expériences et les chiffres du groupe.
Il débute son intervention en présentant les résultats d’une enquête de l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) de 2016, qui indique que les prix en Polynésie française, tous secteurs confondus, sont 39 % plus élevés qu’en France. Il continue en exposant quatre explications plausibles à la cherté de la vie à Tahiti et dans les îles. Pour le groupe Wane, la cherté de la vie est due aux facteurs d’insularité et d’éloignement, à l’étroitesse du marché, à la fiscalité indirecte et enfin, aux mesures protectionnistes en faveur de certaines filières locales.
Sur les raisons liées à l’insularité, Jean-Luc Jaumouille explique, en prenant l’année 2022 comme référence, que 72 % de leurs produits en magasin sont importés et que les surcoûts liés “aux frais d’approche“, c’est-à-dire fret aérien, fret maritime, débarquement, transit… “représentent 23 % du prix départ de la marchandise.” Au final, cela pèse, selon le groupe, à hauteur de 10 % du prix final au consommateur.
La taxe CPS impacterait les prix à hauteur de 2%
A propos de l’étroitesse du marché, comme explication à la cherté de la vie, le groupe Wane indique qu’en Polynésie française, les commerçants, eux y compris, passent très souvent par des importateurs locaux (des agents de marques comme le précise Jean-Luc Jaumouille). Ces derniers prennent des marges bénéficiaires. Fonctionnement “qui n’existe sûrement plus en métropole”, ajoute le directeur administratif et financier du groupe. Selon lui, le passage par ces intermédiaires impacterait à hauteur de 10 % les prix.
Concernant la fiscalité, en plus des TVA de 5 % sur l’alimentaire et de 16 % sur le non-alimentaire, Jean-Luc Jaumouille précise qu’il existe aussi, en Polynésie française, la taxe CPS. Celle-ci impacterait les prix à hauteur de 2 %, indique le directeur financier. Il ajoute, dans son argumentation, les droits d’entrée à payer qui “en moyenne dans nos magasins, pèsent 12 % du prix départ du produit.” Enfin, le groupe estime qu’au total, “le prix de détail dans nos magasins, est renchéri de +7 % par rapport à la fiscalité métropolitaine.“
Enfin, la protection de filières locales, traduite de façon non tarifaire et tarifaire, est également une possible explication à la cherté de la vie, selon le groupe Wane. Les mesures non tarifaires, explique Jean-Luc Jaumouille, se caractérisent par des interdictions ou restrictions d’importation de certains produits. Les mesures tarifaires se matérialisent, quant à elle, par des taxes et droits à l’entrée, comme la taxe sur le développement local, dont le taux varie en fonction du secteur d’activité. “Au total, l’ajout de ces droits peut aboutir au constat de droits et taxes pouvant aller jusqu’à 200 % de la valeur totale du produit” informe le directeur administratif. “Ces mesures de protection, quelque soit les impacts positifs qu’elles génèrent, ont un impact significatif sur les prix à la consommation.”
Perquisition du groupe par les services Tracfin en 2018, PIB du Pays, accords exclusifs d’importation… les questions de la commission
Suite à la présentation du groupe Wane, le président de la commission mène les débats et les questions. Pour cet exercice, est également présent le rapporteur de la commission, Johnny Hajjar, député de la Martinique, pour la troisième circonscription.
Le président Guillaume Vuilletet est le premier à interroger le groupe Wane. Il le questionne sur la supposée représentation du groupe à hauteur de 12% du Produit intérieur brut (PIB) de la Polynésie française et sur le fait qu’il représenterait plus de 50% des surfaces commerciales du Pays. Enfin, il interroge sur la potentielle intervention du groupe sur le virage à 180° du Pays sur la loi Lurel, qui avait pour objectif une protection de la concurrence via l’interdiction d’accords exclusifs d’importation.
Jean-Luc Jaumouille répond sur la question du PIB. Pour le groupe, ces chiffres sont erronés. Selon le directeur administratif et financier, le groupe Wane ne représenterait plutôt que 2,5 % du PIB du Pays, cela, sur les cinq dernières années. Sur la question d’une représentation à plus de 50 % des surfaces commerciales sur le territoire, Stéphanie Ducerf, responsable du service juridique du groupe Wane, prend la parole. Elle indique que ces chiffres ne sont pas “pertinents” car pour cette représentation, l’Autorité de la concurrence en Polynésie française n’a pris en compte que la catégorie des hypermarchés et supermarchés, précise t-elle.
Elle informe que “le groupe représente, à Tahiti, 36 % de parts de marché (…) et un peu moins de 33 % sur l’ensemble de la Polynésie française.” Et elle précise que “le chiffre de 50 % énoncé repose sur une structure de marché qui n’a pas de pertinence sur le marché polynésien compte-tenu de ses spécificités. Pour aboutir à ce chiffre, l’Autorité polynésienne n’a retenu que la catégorie Hypermarché/Supermarché d’une part et la catégorie enseigne d’autres part. Or en Polynésie française, des magasins, qui ont d’ailleurs la taille de supermarchés, sont sans enseigne (…)”. Selon elle, ces magasins “sans enseigne et qui sont supermarchés malgré tout en terme de surface, exercent une réelle pression concurrentielle sur les autres magasins, en l’occurrence les hypermarchés et supermarchés (…) Le paysage commercial de la Polynésie regroupe un ensemble de commerces qui se font concurrence…”
Concernant les accords exclusifs d’importation et leur ré-autorisation, “le groupe Wane n’y est absolument pour rien dans ce revirement”, assure Jean-Luc Jaumouille.
“Une telle interdiction n’aurait aucun impact sur notre activité. Nous ne serions même pas opposés à une interdiction de droit des exclusivités “ ajoute-t-il. “On a pas d’exclusivité d’importation de droit (…) On n’a pas un seul contrat où on inscrit une exclusivité. Il existe des exclusivités certainement de fait (…) Je vous confirme avec vigueur que nous n’y sommes pour rien sur ce revirement de situation.”
Autre interrogation, cette fois du député Hajjar, la perquisition du groupe, en 2018, par le service Tracfin, qui lutte contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le rapporteur de la commission souhaite connaître les raisons de cette perquisition et les suites qui lui ont été données. A ce sujet, le groupe informe ne pas connaître les raisons de cette perquisition. Il indique que le service financier souhaitait obtenir des documents administratifs et financiers, qui lui ont été remis, et que cette visite n’a fait l’objet, depuis, d’aucune suite…
Le groupe Bernard Hayot également auditionné
A noter, la présence à cette même audition, du groupe Bernard Hayot. Le groupe possède des activités d’import/export, de grande distribution, de distribution automobile et industrielles.
Pour rappel, depuis plusieurs semaines, un bruit circule, celui du possible rachat du groupe Wane (partie grande distribution) par ledit groupe Bernard Hayot. Plusieurs fois interrogée à ce sujet, Nancy Wane, a, à chaque fois, indiqué qu’il ne s’agissait que de rumeurs.