Viols, violences et séquestration : 12 ans de prison pour 2 ans de calvaire

Quand la Présidente lui demande de donner sa version, l'accusé répète qu'il était "possédé" : "c'est le seigneur qui doit me juger". La Présidente répond : "Le seigneur vous jugera peut-être plus tard, mais aujourd'hui c'est cette cour qui va vous juger". (Photo arch. LDT)
(Photo arch. LDT)
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Un homme de 40 ans, décrit comme un sadique jaloux et possessif, a été condamné à 12 ans de prison ferme par la Cour criminelle le 5 juin 2023 pour avoir maltraité sa compagne pendant deux ans. Violences habituelles, menaces de mort, séquestration et viols, il a reconnu quasiment tous les faits sans exprimer de profonds regrets.


Le 4 novembre 2021, la police municipale est appelée pour intervenir sur un différend conjugal. Sur place, elle trouve une maison cadenassée, le propriétaire refuse de leur ouvrir, elle appelle des renforts puis les gendarmes. On apprend au début de l’audience que dans la maison avec lui se trouve sa compagne, qu’il menace d’un couteau de cuisine si elle ouvre la bouche, il est même “prêt à ouvrir le gaz”.

Pendant son audition, la victime indique qu’elle est régulièrement enfermée, que les violences sont régulières, mais surtout qu’il l’a déjà forcée à avoir des rapports sexuels. Déjà condamné et incarcéré à multiples reprises, notamment pour des violences sur celle qui encore légalement sa femme, l’accusé visiblement calme et effacé, est placé en détention le 9 novembre 2021.

Viennent le rappel des faits et l’examen de la personnalité de l’accusé. Le calme qu’il affiche dans le box n’a pas toujours été d’actualité. Impulsif et nerveux selon le personnel pénitentiaire, il a déjà dû être calmé, voire maîtrisé, notamment par les gendarmes chargés de son transport.

Mis à part la dernière scène de menace, l’accusé armé d’un couteau le jour de son interpellation, le Président de la cour criminelle revient sur d’autres faits de violence sur lesquels il interroge la victime. Il s’agit d’une tentative de noyade, des coups de poing, de casque, de ventilateur, des morsures, mais aussi une jalousie maladive qui ajoute la séquestration au dossier, avec des cadenas posés à l’intérieur et à l’extérieur des portes de la maison.

Il l’enferme, ou bien parce qu’il ne veut pas qu’elle sorte et voit d’autres hommes, ou alors parce qu’elle a trop de traces des derniers coups pour être vue en public. Malgré cela au quartier et dans la famille, tout le monde sait qu’il est violent.

Trois femmes dans sa vie, trois femmes enfermées et frappées

Hormis la victime, l’homme a eu deux autres relations. Elles témoignent toutes les deux. La première avait 14 ou 15 ans à l’époque. À la barre, elle ne veut pas le regarder, elle hésite même à dire où est son actuelle adresse face à l’accusé. Il y avait déjà pour elle des cadenas sur les portes.

Mais surtout la jeune femme fait trois jours de coma après avoir reçu le fer d’un fusil de chasse sous-marine dans le cou, lancé à la main par l’accusé qui refuse qu’elle le quitte. Il s’est marié avec la seconde femme de sa vie, il l’est d’ailleurs toujours car depuis cinq ans la procédure de divorce n’est pas terminée, au grand regret de sa future ex-femme. Elle décrit la même emprise près d’un sadique qu’ira jusqu’à lui piquer une barre à mine dans le vagin, ou encore lui casser les poignets avec un sceau. Elle porte souvent plainte, puis les retire.

Celle qui est aujourd’hui victime raconte à son tour son calvaire. Quand elle n’est pas enfermée, elle a le droit de faire quelques mètres dans la servitude, ou de jouer à la pétanque devant la maison avec les sœurs de son tortionnaire, mais pas plus. Elle est régulièrement frappée, notamment quand elle tente de se refuser à lui. Si elle ose, les coups pleuvent jusqu’à ce qu’il ait atteint son but.

Elle décrit notamment en détail une fellation forcée. L’occasion pour l’avocat général de parler d’irrumation, c’est-à-dire quand l’homme n’est pas passif, mais pratique des va-et-vient, parfois tenant la tête de la partenaire.

Quand elle entend des cris, la mère de l’accusé, voisine, tente de calmer la situation et demande à son fils d’arrêter. Mais elle le fait toujours de l’extérieur et n’ose jamais rentrer. Son frère, sa sœur, les cousins les voisins, tous le disent, il est courageux, débrouillard, et ne pose aucun problème quand il est seul. Seulement dès qu’il y a une femme dans sa vie, il se transforme. L’accusé reconnaît les coups, mais peine à admettre les viols. On devine que pour lui, la notion du devoir conjugal est presque synonyme de soumission, se refuser à lui est impensable.

“C’est sa chose”

Pour l’avocat général, tout ce qu’on lui reproche est prouvé. Les témoins confirment les violences habituelles, le goût de l’accusé pour la séquestration, les menaces de mort et les viols. Avec une inattendue souplesse d’éloquence, l’avocat général passe de la description d’une “gorge profonde” à la citation d’un poète américain, pour ensuite rappeler fermement que l’accusé a déjà échappé à beaucoup de choses, notamment de ne pas avoir été poursuivi après les actes de cruauté sur son ex-femme.

Il requiert une peine de 12 ans. La cour le suit. Le sadique prend 12 ans de réclusion criminelle, assortis d’un suivi socio-judiciaire pendant 5 ans.

Compte-rendu d’audience Y.P