
Pikuku, korora, et pupu café, bienvenue chez O’Mareva, où les coquillages sont rois ! Du blanc au mauve en passant par l’orange et le marron, mats ou brillants, ces œuvres d’art naturelles émerveillent aussi par leurs différences de tailles et de formes. Judicieusement assemblés, les coquillages permettent de créer de superbes bijoux et décorations.
Une passion à laquelle la jeune retraitée de 66 ans voue la seconde partie de sa carrière depuis une vingtaine d’années. “Je suis originaire de Papeete. À 21 ans, j’ai commencé à travailler à Fare Ute chez Chevron, puis Total. Dès que je partais en vacances dans les îles, je ramassais des coquillages : c’est ce qui m’a donné l’idée et l’envie d’en faire quelque chose. À 46 ans, j’ai pris une retraite anticipée pour me lancer dans l’artisanat à Moorea, puis à Teahupo’o, où j’ai rejoint ma fille et mes deux petites-filles“, se souvient Mareva Orbeck.
Née Anania, elle était plutôt prédestinée à la couture, à une exception près. “Ma grand-mère, qui était originaire de Mangareva, travaillait certains coquillages pour faire des couronnes de cou à l’époque du CEP (Centre d’expérimentation du Pacifique, ndlr). Sinon, la plupart des femmes de la famille faisaient des tifaifai. J’ai moi-même commencé par faire des couvertures, mais quand mes amies et clientes ont vu mes couronnes de tête en coquillages, elles m’ont encouragée à sortir de chez moi pour me faire connaître en faisant mes premières expositions”.



Collecter et préparer les matières premières
Mareva Orbeck n’a pas abandonné les travaux d’aiguille pour autant, l’un de ses supports de prédilection étant le ni’au tressé doublé de tissu, sur lequel elle coud ses coquillages. “Je n’aime pas ce qui est parfait : c’est ma personnalité ! J’aime le volume et la diversité des produits bruts et naturels”, précise-t-elle.
Sa précieuse matière première, elle la trouve sur l’atoll de Niau, aux Tuamotu. “J’ai fait travailler trois mama pendant des années. Aujourd’hui, je n’ai plus qu’une ramasseuse qui me fournit à son rythme. Je la respecte énormément, car c’est un travail difficile. Je n’ai pas toujours les quantités nécessaires, mais je fais avec ce qu’elle peut faire et ce que la nature nous donne”, remarque l’artisane.
Une fois réceptionnés, les coquillages doivent être préparés. “Il y a plusieurs étapes : on ne ramasse pas des coquillages sur la plage pour les enfiler directement… Il faut les nettoyer, les décaper, les polir et les percer. Ça prend du temps”, souligne Mareva Orbeck, qui a investi dans pas moins de six machines, dont trois perceuses.

Faire face à la demande
La créatrice admet avoir parfois du mal à suivre la demande locale et internationale, principalement dans le Pacifique. “Je ne participe plus aux expositions et je fais très peu de publicité, parce que je ne peux pas assurer par rapport à la quantité de coquillages et parce que je n’ai que deux mains”, poursuit-elle. L’artisane travaille donc essentiellement sur commande pour des particuliers et des professionnels. Son principal projet du moment : des lustres et des rideaux de coquillages destinés à décorer l’agence d’une compagnie aérienne locale.
Face à la demande, sa fille, Fleurette Orbeck, alias Mama Shell sur Instagram, s’est lancée à son tour. “Je suis contente de voir qu’elle s’intéresse aux coquillages. Je conseille aux jeunes de se lancer dans les coquillages ou dans autre chose. Il faut commencer et essayer. Si tu veux vraiment travailler le produit de ton choix, tu vas réussir !”, encourage Mareva Orbeck, en tant qu’entrepreneure convaincue.
Des formations aux Tuamotu

Ouverte au partage, la créatrice a été sollicitée par le Service de l’artisanat pour animer des sessions de formation aux Tuamotu. Après Anaa, elle s’est rendue à Ahe, en avril dernier. Deux atolls sur lesquels elle a encouragé 31 personnes à valoriser davantage les coquillages locaux, comme les kapi kapi, qui parasitent les nacres perlières, et dont la belle couleur orangée se révèle avec de la patience, du savoir-faire et le bon outillage. “Je veux lancer tous ces jeunes des Tuamotu pour qu’ils puissent travailler chez eux. Ils ont la matière première sur place et la clientèle locale ou étrangère est en demande de produits faits au Fenua avec des matériaux du Fenua”, constate Mareva Orbeck, quant à cette filière économique à développer dans les îles.