Usée par le temps et les aléas météorologiques, la passerelle emblématique du PK 0 de Teahupo’o a été condamnée à 10 heures, ce matin, lundi 12 juin 2023, par mesure de précaution. Les agents de la Direction de l’Équipement ont barricadé les deux entrées avec des panneaux de treillis soudés et du ruban de signalisation, au grand dam des riverains les plus proches de l’édifice surplombant la rivière Fau’oro pour rejoindre le village. “On ne nous respecte pas. J’habite juste à côté de la passerelle. Je ne vais pas marcher jusqu’à la pointe pour prendre la barge, c’est impossible ! Je suis âgée : comment je vais porter mes courses ?”, déplore Titaina Taupua, venue assister à ces travaux de fermeture qui bouleversent son quotidien.
“On nous enlève notre liberté”
Avec un transfert tous les quarts d’heure entre 5 heures et 8h30, 11 heures et 13h30 et 15 heures et 17h30, la barge de la flottille administrative ne contente pas tout le monde. “J’habite la première maison à côté de la passerelle. Mon mari quitte à 2 heures du matin pour prendre le bus à 2h15. Mon fils est en service civique à la police municipale et finit à minuit. Nous n’avons pas de 4×4, donc ils vont passer par la rivière, côté mer. Ils n’auront pas le choix”, regrette Nelly Parker, dont la famille se sent prise en otage, faute d’alternative. “Pour les petits, c’est agréable parce qu’il fait beau et que la mer est calme, mais ce ne sera pas toujours le cas. Je ne sais pas si c’est la bonne solution : on nous enlève notre liberté et c’est difficile à accepter. Comment fait-on en dehors des horaires de la navette ?”, remarque Fleurette Orbeck, croisée sur le chemin de l’école avec sa fille de 4 ans.
Pas de navette terrestre
Une fois le pont fermé, nombreux sont ceux qui ont fait le choix de passer par l’embouchure pour rejoindre leur maison ou vaquer à leurs occupations. Le maire de Taiarapu-Ouest a donc assisté à cette fermeture définitive avec inquiétude. “Vendredi, j’avais pourtant demandé de prévoir deux portillons pour permettre l’accès à la passerelle en cas d’urgence, surtout pour les personnes âgées ou malades. La commune ne pourra pas gérer un service de navette terrestre par le passage à gué”, confie Tetuanui Hamblin, face aux demandes des riverains en difficulté ou mécontents.
Des îles à la Presqu’île pour la barge du Tahiti Nui
En rodage à Teahupo’o depuis mercredi 7 juin 2023, la barge en provenance de Fare Ute est mise à la disposition des habitants par le ministère de l’Équipement. Elle est pilotée par Steeve Haoata, assisté de Joseph et Célestin. “C’est la barge du navire Tahiti Nui pour le transport de passagers dans les îles qui n’ont pas de quai“, explique le capitaine au sujet de cette embarcation de 12 mètres sur 7 mètres pouvant accueillir jusqu’à 32 personnes.
Entre la pointe Fare Mahora et les sanitaires du PK 0, la traversée s’effectue en trois minutes, en position assise sur l’un des bancs prévus à cet effet et obligatoirement avec un gilet de sauvetage prêté par l’équipage. L’accostage sur la plage est un peu sportif, mais une passerelle mobile est déployée pour faciliter l’embarquement et le débarquement. À ce jour, c’est l’unique alternative proposée en attendant l’inauguration de la nouvelle passerelle piétonne, l’an prochain.
Romain Taupua, riverain :
“Je vais marcher dans la rivière”
“J’habite à 100 mètres de la passerelle. Pour aller à la pointe prendre la barge, c’est à 500 mètres de chez moi. Trois ou quatre fois par semaine, je quitte à 5 heures pour ma dialyse à Taravao. Je suis déjà épuisé avec une béquille. Et ma fille qui sort de réanimation… Ce n’est pas logique ! Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas renforcer le pont, avec tous les moyens d’aujourd’hui ? Ils ne veulent pas investir dans ces travaux, mais ils peuvent payer un équipage et du carburant… Il ne faut pas nous prendre pour des idiots. En attendant une autre solution, je vais marcher dans la rivière”.
Auguste Tautu, riverain :
“Quand la mer sera forte, on ne pourra pas”
“C’est sur ma route, donc ça ne me dérange pas. Ça m’arrange même car, ça réduit mon trajet à pied. De l’autre côté, je récupère mon vélo pour rejoindre l’école de Teahupo’o, où je travaille en tant que cantinier. Mais quand la mer sera forte, on ne pourra pas utiliser la barge pour traverser et accoster, croyez-moi !”.